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DESCARTES RENÉ (1596-1650)

L'œuvre et sa publication

Descartes, cependant, ne renonce pas à éditer son œuvre. Il décide seulement de la présenter sous une autre forme, d'aborder le public par d'autres voies. Ainsi s'élaborent le Discours de la méthodeet les trois essais (la Dioptrique, les Météores, la Géométrie) qui lui feront suite. Ces ouvrages paraissent en un volume, sans nom d'auteur, le 8 juin 1637, chez Jean Maire, à Leyde. Cette publication devait marquer, pour Descartes, le début de ces polémiques qu'il n'aimait pas mais qui l'occuperont jusqu'à la fin de sa vie.

De 1637 à 1641, Descartes vit surtout à Santpoort. Il fait venir auprès de lui Hélène, la servante et amie dont, en 1635, il a eu une fille, Francine. Mais Francine meurt en septembre 1640, laissant à Descartes « le plus grand regret qu'il eût jamais senti de sa vie ». Un mois après sa fille, Descartes perd son père, alors doyen du Parlement de Bretagne et âgé de soixante-dix-huit ans. Le 31 mars 1641, il s'installe dans le petit château d'Endegeest, agrémenté d'un beau jardin, de vergers et de prairies. C'est là qu'il recevra l'abbé Picot, l'abbé de Touchelaye, le conseiller Desbarreaux et de nombreux amis.

Les controverses

Les travaux et les réflexions de Descartes se poursuivent cependant, mêlés à de constantes polémiques. Il s'oppose à Fermat au sujet des tangentes, discute avec Plempius sur le mouvement du cœur, soutient Waessenaer contre Stampioen. En 1641 paraissent à Paris, chez Soly, les Meditationes de prima philosophia (Méditations métaphysiques), suivies de six séries d'objections (celles de Caterus, de Mersenne, de Hobbes, d'Arnauld, de Gassendi et d'un groupe de philosophes, de géomètres et de théologiens qui se réunissaient chez Mersenne), et des réponses de Descartes. La seconde édition de l'ouvrage paraîtra à Amsterdam, chez Louis Elzevier, en 1642. Elle ajoutera aux textes de 1641 les septièmes objections, celles du P. Bourdin, avec les réponses de Descartes, et une lettre de l'auteur au P. Dinet.

Pour ses Méditations, Descartes avait longtemps espéré, mais en vain, l'approbation de la Sorbonne. D'autre part, les attaques dont il est l'objet de la part des jésuites l'affectent beaucoup. Mais ce sont bientôt les théologiens hollandais qui combattent le cartésianisme avec le plus de violence. Le plus grand ennemi de René Descartes est alors Voetius (Gilbert Voet, professeur de théologie à l'université d'Utrecht). En 1641, il fait soutenir des thèses contre Regius, disciple de Descartes, et contre Descartes lui-même. Il obtient, contre ses adversaires, un arrêt du conseil de ville (Vroedschap). En 1643, Descartes se défend en faisant paraître, contre Voet, l'Epistola Renati Descartes ad celeberrimum virum Gisbertum Voetium (Lettre de René Descartes au très célèbre Gilbert Voet). Le conseil de ville prend le parti de Voet ; Descartes, de son côté, obtient un jugement favorable de l'université de Groningue. Il fait intervenir l'ambassadeur de France et, en juin 1645, adresse une lettre au Vroedschap d'Utrecht. Mais il se fâche avec Regius, et, contre un placard inspiré par ce dernier, écrit ses Notae in programma (Remarques sur un placard). Malgré cette agitation, Descartes avait pu faire paraître, en 1644, un de ses plus importants ouvrages, les Principia philosophiae (Principes de la philosophie) chez Louis Elzevier, à Amsterdam. Les quatre parties des Principes exposent l'ensemble de la métaphysique et de la science cartésiennes.

Mais, en 1647, la querelle reprend avec l'université de Leyde. Cette fois, ce sont les théologiens Revius et Triglandius qui attaquent Descartes, lequel répond dans sa Lettre aux curateurs de l'université de Leyde. Le conflit s'envenime jusqu'à ce que le prince d'Orange impose[...]

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Écrit par

  • : professeur honoraire à l'université de Paris-Sorbonne, membre de l'Institut (Académie des sciences morales et politiques)

Classification

Pour citer cet article

Ferdinand ALQUIÉ. DESCARTES RENÉ (1596-1650) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Portrait présumé de René Descartes, S. Bourbon - crédits : Erich Lessing/ AKG-images

Portrait présumé de René Descartes, S. Bourbon

Systèmes planétaires de Copernic, Brahe et Descartes - crédits : AKG-images

Systèmes planétaires de Copernic, Brahe et Descartes

Autres références

  • DESCARTES ET L'ARGUMENTATION PHILOSOPHIQUE (dir. F. Cossutta)

    • Écrit par Jean LEFRANC
    • 1 443 mots

    L'œuvre de Descartes, qui fonde le rationalisme des temps modernes, peut-elle résister aux analyses réductrices des sociologues, des linguistes, des théoriciens de l'argumentation ? La philosophie doit-elle se résigner à n'être qu'un phénomène social, un « reflet » selon les marxistes,...

  • LA DIOPTRIQUE (R. Descartes)

    • Écrit par Bernard PIRE
    • 180 mots

    René Descartes (1596-1650) publie à Leyde (Hollande) La Dioptrique en appendice de son Discours de la méthode pour bien conduire sa raison et chercher la vérité dans les sciences. Il y montre que sa méthode est supérieure à la façon commune. Dans les deux premiers discours, intitulés « De la...

  • DISCOURS DE LA MÉTHODE, René Descartes - Fiche de lecture

    • Écrit par François TRÉMOLIÈRES
    • 1 003 mots

    Publié à Leyde en 1637, en français et anonymement, le Discours de la méthode servait d'introduction à un recueil d'études scientifiques. Le titre complet en explicite le contenu : Discours de la méthode pour bien conduire sa raison et chercher la vérité dans les sciences. Plus...

  • MÉDITATIONS MÉTAPHYSIQUES, René Descartes - Fiche de lecture

    • Écrit par François TRÉMOLIÈRES
    • 985 mots

    Les Méditations métaphysiques (Meditationes de prima philosophia, 1641) sont la première œuvre proprement philosophique de Descartes (1596-1650), et d'ailleurs le premier ouvrage publié sous son nom. Alors que le Discours de la méthode (1637) garde un caractère de circonstance, ne se voulant...

  • LES PASSIONS DE L'ÂME, René Descartes - Fiche de lecture

    • Écrit par François TRÉMOLIÈRES
    • 885 mots
    • 1 média

    Paru en novembre 1649 à Paris et Amsterdam, rédigé directement en français comme le Discours de la méthode(1637), Les Passions de l'âmeest le dernier grand ouvrage de René Descartes (1596-1650), installé depuis peu à Stockholm, et le dernier texte publié de son vivant. Il s'agit d'abord,...

  • AFFECTIVITÉ

    • Écrit par Marc RICHIR
    • 12 228 mots
    ...aller de soi. C'est particulièrement frappant, dans le champ politique, chez Machiavel et chez Hobbes, dans le champ plus proprement philosophique chez Descartes, pour qui, on le sait, le réamorçage de la philosophie ne peut se faire qu'à travers l'épreuve du doute, non seulement méthodique, mais hyperbolique....
  • ALQUIÉ FERDINAND (1906-1985)

    • Écrit par Jean BRUN
    • 1 586 mots

    Né à Carcassonne, Ferdinand Alquié avait gravi tous les échelons de la carrière universitaire ; ayant commencé comme maître d'internat, il devait devenir professeur à la Sorbonne puis membre de l'Institut. Son œuvre, très importante, relève à la fois de la philosophie et de l'histoire...

  • ARCHITECTURE (Thèmes généraux) - Architecture et philosophie

    • Écrit par Daniel CHARLES
    • 5 459 mots
    Le texte des Réponses aux septièmes objections est significatif : Descartes se compare à un architecte qui « creuse » jusqu'au « roc » (c'est-à-dire qui doute jusqu'au cogito) afin de construire enfin quelque chose de bien fondé. Cependant, le « fond » que découvre Descartes...
  • ASÉITÉ

    • Écrit par Marie-Odile MÉTRAL-STIKER
    • 829 mots

    Appartenant strictement à la langue philosophique, le terme « aséité », qui évoque inévitablement la causa sui de Spinoza, désigne la propriété de ce qui a sa propre raison d'être en soi-même et n'est pas relatif à un autre pour ce qui est de son existence. Sur ce sens général,...

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Voir aussi