Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

DÉMOCRATIE

Une compétition ouverte et pacifiée

Dans une démocratie, l'accès aux positions de pouvoir (gouvernement, Parlement, exécutifs territoriaux) s'effectue, plus ou moins directement, à travers une lutte concurrentielle sur les votes et, plus généralement, sur le soutien des citoyens. La compétition est, dans l'ensemble, ouverte, sincère et pacifiée. Pourtant, tout au long de l'histoire de l'humanité, la violence physique a été un moyen courant de conquêtes des instruments de pouvoir. C'est donc une propriété remarquable des démocraties que la désignation des gouvernants s'effectue à travers des élections et non plus par la guerre civile, l'insurrection, l'assassinat ou le complot. Les élections y sont sincères dans la mesure où les fraudes sont réduites. Leur résultat n'est pas connu à l'avance, et tous les acteurs en compétition peuvent formellement l'emporter, même si certains groupes possèdent davantage de ressources et bénéficient de chances supérieures de succès. Les titulaires des positions de pouvoir acceptent de s'effacer quand les résultats leur sont défavorables. Ces « règles du jeu » sont devenues « naturelles » dans les pays où elles sont institutionnalisées. Les efforts pour les instituer dans les États où elles font défaut montrent qu'ils ne suffit pas de les souhaiter et de les inscrire dans une Constitution pour les imposer. Elles reposent en effet sur une organisation sociale complexe.

Soutien populaire au président Allende - crédits : Library of Condress, Washington, D.C.

Soutien populaire au président Allende

Les démocraties sont tout d'abord un élément d'une institution   l'État – qui, après des siècles de luttes, revendique désormais avec succès le monopole de la contrainte physique légitime, selon la formule de Max Weber. Au fur et à mesure de l'établissement (jamais complètement achevé) de ce monopole, les usages « privés » de la violence physique tendent à se raréfier. Les membres des sociétés étatiques répugnent davantage à y recourir que ceux des autres sociétés. Leur seuil de sensibilité à la violence, c'est-à-dire le niveau à partir duquel l'usage de formes de violence physique leur paraît inacceptable et « barbare », tend historiquement à s'abaisser. Pour le sociologue allemand Norbert Elias, la démocratie représentative s'enracine dans la transformation de l'économie psychique des individus et la civilisation des mœurs.

Les démocraties représentatives ne peuvent s'institutionnaliser que dans des sociétés complexes caractérisées par la division du travail et la différenciation de sphères d'activités relativement distinctes et autonomes. Cette différenciation affecte notamment le travail de domination. Les diverses catégories dirigeantes (économiques, religieuses, politiques, militaires, intellectuelles, administratives, scientifiques, syndicales, associatives, médiatiques) sont (relativement) distinctes et séparées les unes des autres. De nombreux milieux, institutions et organisations (entreprises, Églises, universités, médias, syndicats, associations, partis, administrations, groupements territoriaux, communautés ethniques) disposent d'une certaine autonomie et peuvent s'organiser pour défendre leurs intérêts. Même s'il existe des inégalités de pouvoir entre les groupes et les individus, la marge de manœuvre des intérêts sociaux est (plus ou moins) bornée, notamment par les capacités de réactions des autres. La multiplicité, l'organisation, les ressources et la concurrence des intérêts sociaux génèrent des inégalités et des luttes, mais aussi un équilibre dynamique qui limite les formes et la portée des conflits. La compétition caractérisée par l'existence de manœuvres légitimes, c'est-à-dire de manières d'agir définies, retenues et ordinairement admises par le plus grand nombre, remplace le combat où, pour simplifier, tous les coups sont permis et où il n'existe pas de procédures officielles[...]

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

  • : professeur à l'université de Paris-I, Centre de recherches politiques de la Sorbonne

Classification

Pour citer cet article

Daniel GAXIE. DÉMOCRATIE [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Liberté de la presse - crédits : Keystone-France/ Gamma-Keystone/ Getty Images

Liberté de la presse

Soutien populaire au président Allende - crédits : Library of Condress, Washington, D.C.

Soutien populaire au président Allende

<it>Le Ventre législatif</it>, caricature de Daumier - crédits : GraphicaArtis/ Getty Images

Le Ventre législatif, caricature de Daumier

Autres références

  • ABSTENTIONNISME

    • Écrit par Daniel GAXIE
    • 6 313 mots
    • 3 médias
    ...citoyen de l'étranger. Voter, c'est donc aussi manifester son intérêt pour son pays. Les élections sont par ailleurs considérées comme la clé de voûte des institutions démocratiques. Par ce moyen, les citoyens peuvent exprimer et faire prévaloir des opinions et des attentes. Ils sont censés disposer d'un...
  • AFRIQUE DU SUD RÉPUBLIQUE D' ou AFRIQUE DU SUD

    • Écrit par Ivan CROUZEL, Dominique DARBON, Benoît DUPIN, Universalis, Philippe GERVAIS-LAMBONY, Philippe-Joseph SALAZAR, Jean SÉVRY, Ernst VAN HEERDEN
    • 29 784 mots
    • 28 médias
    ...la Convention pour une Afrique du Sud démocratique (CODESA), des négociations constitutionnelles qui vont radicalement transformer l'État sud-africain. La transition qui s'engage est ainsi fondée sur l'idée de « réconciliation nationale » portée par Nelson Mandela, premier président sud-africain démocratiquement...
  • ALLEMAGNE - Les institutions

    • Écrit par Stéphane SCHOTT
    • 4 249 mots

    Les institutions de la république fédérale d’Allemagne sont définies par la Loi fondamentale (L.F.), ou Grundgesetz, du 23 mai 1949. Pensé à l’origine comme une Constitution provisoire pour l’Allemagne de l’Ouest, le Grundgesetz s’applique à toute l’Allemagne depuis le 3 octobre 1990....

  • ALTERMONDIALISME

    • Écrit par Christophe AGUITON, Universalis, Isabelle SOMMIER
    • 6 805 mots
    • 1 média
    La démocratie est le troisième thème récurrent de toutes ces mobilisations. L'affaiblissement des pouvoirs des États s'est fait au profit d'institutions régionales, comme l'Union européenne, ou mondiales – qu'elles soient dotées ou non d'un statut formel, de l'...
  • Afficher les 113 références

Voir aussi