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DÉMOCRATIE

Les protagonistes des jeux politiques

Les hommes politiques n'ont jamais eu et ont de moins en moins le monopole des questions politiques. Les sondeurs ou les journalistes interfèrent en permanence dans les « jeux » politiques. Quand une polémique se développe sur un sujet donné, des spécialistes des problèmes évoqués interviennent aussi dans les débats. L'introduction de considérations juridiques dans l'activité politique est ainsi, pour une part, un effet des relations croisées entre des acteurs politiques et diverses catégories de juristes.

On le voit avec le développement de la jurisprudence du Conseil constitutionnel à partir de 1971 et surtout après la réforme constitutionnelle de 1974. Des recours relatifs à la constitutionnalité de textes de loi votés par la majorité sont initiés par l'opposition qui cherche à embarrasser ses adversaires politiques. Soutenu par le travail de systématisation et de légitimation des juristes universitaires, le Conseil a la possibilité d'élargir progressivement son domaine de compétence et ses moyens d'intervention. Des règles de droit constitutionnel garanties par une institution spécialisée se trouvent désormais plus nettement posées. Le Parlement comme le gouvernement doivent composer avec elles. L'État de droit et la protection juridique des droits et libertés se trouvent également renforcés.

Les journalistes pèsent également davantage sur le fonctionnement des démocraties. Ils disposent d'un certain pouvoir dans la construction des événements et de l'actualité et dans la hiérarchisation des informations. Leur travail de mise en ordre et de cadrage (choix d'un angle d'analyse) de l'information contribue à fournir des catégories d'interprétation et peut influencer la perception de certains publics. Les journalistes sont plus diplômés que par le passé. Ils sont mieux formés dans des écoles spécialisées. Leur carrière est moins souvent commandée par des interventions politiques. La corporation bénéficie d'une ascension sociale collective et son autonomie professionnelle s'est renforcée. Ils cherchent à imposer un style d'information conforme à leurs conceptions. Dans les entretiens avec les responsables politiques, le questionneur s'octroie plus souvent un « droit de suite ». Les contraintes de temps et de budget les conduisent à privilégier des informations aisément accessibles comme les sondages d'opinion, les cotes de popularité et les enquêtes électorales. Le souci de l'audience et les impératifs économiques de leur entreprise incitent à rechercher des formules « spectaculaires ». Les médias traitent plus volontiers des accidents que des routines. Ils donnent la parole à des grands personnages – politiques, mais aussi sportifs ou artistes – et suivent leurs faits et gestes. Beaucoup cultivent les mises en scène et les dramaturgies des « infodivertissements », mêlent les sujets « politiques » et « non politiques », évitent les questions arides et mettent l'accent sur les personnes et leurs rivalités. Les élections sont souvent « couvertes » dans le registre des courses hippiques. Les commentateurs mettent davantage l'accent sur les arrière-pensées, les calculs et les préoccupations de carrière que sur les débats programmatiques. Ce sont désormais plus souvent les chaînes télévisées que les débats parlementaires qui font « l'événement ». Les dirigeants politiques doivent se rendre dans les studios des radios et télévisions et composer avec les exigences des médias. Le « passage à l'écran » devient un enjeu et le fait d'y être vu est souvent au moins aussi important que ce qui peut s'y dire. La faiblesse structurelle et l'affaiblissement récent de l'intérêt de larges segments du public pour les questions politiques incitent les médias généralistes à réduire la programmation des émissions politiques spécialisées.[...]

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Écrit par

  • : professeur à l'université de Paris-I, Centre de recherches politiques de la Sorbonne

Classification

Pour citer cet article

Daniel GAXIE. DÉMOCRATIE [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Liberté de la presse - crédits : Keystone-France/ Gamma-Keystone/ Getty Images

Liberté de la presse

Soutien populaire au président Allende - crédits : Library of Condress, Washington, D.C.

Soutien populaire au président Allende

<it>Le Ventre législatif</it>, caricature de Daumier - crédits : GraphicaArtis/ Getty Images

Le Ventre législatif, caricature de Daumier

Autres références

  • ABSTENTIONNISME

    • Écrit par Daniel GAXIE
    • 6 313 mots
    • 3 médias
    ...citoyen de l'étranger. Voter, c'est donc aussi manifester son intérêt pour son pays. Les élections sont par ailleurs considérées comme la clé de voûte des institutions démocratiques. Par ce moyen, les citoyens peuvent exprimer et faire prévaloir des opinions et des attentes. Ils sont censés disposer d'un...
  • AFRIQUE DU SUD RÉPUBLIQUE D' ou AFRIQUE DU SUD

    • Écrit par Ivan CROUZEL, Dominique DARBON, Benoît DUPIN, Universalis, Philippe GERVAIS-LAMBONY, Philippe-Joseph SALAZAR, Jean SÉVRY, Ernst VAN HEERDEN
    • 29 784 mots
    • 28 médias
    ...la Convention pour une Afrique du Sud démocratique (CODESA), des négociations constitutionnelles qui vont radicalement transformer l'État sud-africain. La transition qui s'engage est ainsi fondée sur l'idée de « réconciliation nationale » portée par Nelson Mandela, premier président sud-africain démocratiquement...
  • ALLEMAGNE - Les institutions

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    Les institutions de la république fédérale d’Allemagne sont définies par la Loi fondamentale (L.F.), ou Grundgesetz, du 23 mai 1949. Pensé à l’origine comme une Constitution provisoire pour l’Allemagne de l’Ouest, le Grundgesetz s’applique à toute l’Allemagne depuis le 3 octobre 1990....

  • ALTERMONDIALISME

    • Écrit par Christophe AGUITON, Universalis, Isabelle SOMMIER
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    La démocratie est le troisième thème récurrent de toutes ces mobilisations. L'affaiblissement des pouvoirs des États s'est fait au profit d'institutions régionales, comme l'Union européenne, ou mondiales – qu'elles soient dotées ou non d'un statut formel, de l'...
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Voir aussi