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DÉMOCRATIE

Compétition et transactions politiques

Tous les systèmes politiques connaissent des luttes pour l'accès aux positions de pouvoir, mais c'est une spécificité des démocraties que ces luttes sont, pour une part, arbitrées par les réactions de citoyens (votes, sondages, manifestations, conversations avec les électeurs). Les rapports de forces dans un champ politique démocratique dépendent du nombre de ceux qui sont censés se reconnaître dans l'un des individus ou des groupes en compétition. C'est le nombre des électeurs qui commandent l'accès aux postes électifs. Le nombre des manifestants, des grévistes, des pétitionnaires ou des participants à une réunion, le volume des dons financiers, la distribution des réponses à un sondage, l'audience d'une émission de télévision peuvent attester la représentativité et donc le poids politique des protagonistes. La force proprement politique, c'est-à-dire l'espèce de capital qui fait qu'un individu ou un groupe est puissant dans l'univers politique (et donc présent dans les médias), est fonction du nombre de ceux dont cet individu ou ce groupe sont censés exprimer le point de vue.

Les acteurs politiques sont du même coup structuralement portés à accorder leur attention aux attentes, préoccupations, opinions et réactions des publics, du moins tels qu'ils sont perçus et interprétés par les journalistes, les sondeurs, les parlementaires, les offices statistiques, les essayistes et les chercheurs). Les compétitions qui structurent les champs politiques reçoivent ainsi une partie de leurs déterminations de l'extérieur et sont donc, pour une part, hétéronomes.

Mais s'il faut mobiliser la majorité ou la pluralité des voix lors d'une élection pour être élu, il faut préalablement avoir été désigné comme candidat par les dirigeants d'une organisation établie. Ce sont les choix des électeurs qui permettent à un parti d'accéder au gouvernement, mais aussi les dirigeants des groupes alliés dans une coalition. Le capital politique des acteurs dépend donc aussi de la reconnaissance des pairs (qui sont aussi des concurrents) du champ politique. Les compétitions démocratiques sont donc à la fois ouvertes et fermées, autonomes et hétéronomes.

Pour mobiliser les soutiens des pairs, des groupes organisés et des citoyens ordinaires, les femmes et les hommes politiques proposent divers types de « biens ». Ce peut être des discours, des programmes, des références, des gestes, des postes, des emplois, des logements, des lois, des financements, des réalisations, des promesses, des politiques publiques, des déplacements, de menues attentions, des services, des poignées de main, des manifestations de sympathie et bien d'autres choses encore. Ces biens peuvent être proposés dans le but de capter des soutiens, être produits dans une logique de conviction ou résulter de considérations complexes dont il est bien difficile de distinguer la part de calcul et de croyance. Ces biens sont proposés dans le cadre des concurrences qui structurent les champs politiques. Leur production est donc collective.

Certains des biens proposés, comme les discours à caractère idéologique et programmatique, ou les politiques publiques, sont spécifiquement politiques, au sens où ils ne sont produits que par les espaces de concurrence politique. Mais les acteurs politiques proposent également des biens non spécifiquement politiques, de statut très divers, par exemple des prises de positions à caractère moral ou des logements sociaux. La personne même des candidats est un bien politique non spécifique dans la mesure où elle est l'objet de présentations ou de perceptions éthiques. C'est le cas par exemple quand un dirigeant est présenté et perçu comme « un homme honnête et courageux ». Les visions du monde à caractère politique ou moral, les politiques publiques, les équipements,[...]

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Écrit par

  • : professeur à l'université de Paris-I, Centre de recherches politiques de la Sorbonne

Classification

Pour citer cet article

Daniel GAXIE. DÉMOCRATIE [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Liberté de la presse - crédits : Keystone-France/ Gamma-Keystone/ Getty Images

Liberté de la presse

Soutien populaire au président Allende - crédits : Library of Condress, Washington, D.C.

Soutien populaire au président Allende

<it>Le Ventre législatif</it>, caricature de Daumier - crédits : GraphicaArtis/ Getty Images

Le Ventre législatif, caricature de Daumier

Autres références

  • ABSTENTIONNISME

    • Écrit par Daniel GAXIE
    • 6 313 mots
    • 3 médias
    ...citoyen de l'étranger. Voter, c'est donc aussi manifester son intérêt pour son pays. Les élections sont par ailleurs considérées comme la clé de voûte des institutions démocratiques. Par ce moyen, les citoyens peuvent exprimer et faire prévaloir des opinions et des attentes. Ils sont censés disposer d'un...
  • AFRIQUE DU SUD RÉPUBLIQUE D' ou AFRIQUE DU SUD

    • Écrit par Ivan CROUZEL, Dominique DARBON, Benoît DUPIN, Universalis, Philippe GERVAIS-LAMBONY, Philippe-Joseph SALAZAR, Jean SÉVRY, Ernst VAN HEERDEN
    • 29 784 mots
    • 28 médias
    ...la Convention pour une Afrique du Sud démocratique (CODESA), des négociations constitutionnelles qui vont radicalement transformer l'État sud-africain. La transition qui s'engage est ainsi fondée sur l'idée de « réconciliation nationale » portée par Nelson Mandela, premier président sud-africain démocratiquement...
  • ALLEMAGNE - Les institutions

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    Les institutions de la république fédérale d’Allemagne sont définies par la Loi fondamentale (L.F.), ou Grundgesetz, du 23 mai 1949. Pensé à l’origine comme une Constitution provisoire pour l’Allemagne de l’Ouest, le Grundgesetz s’applique à toute l’Allemagne depuis le 3 octobre 1990....

  • ALTERMONDIALISME

    • Écrit par Christophe AGUITON, Universalis, Isabelle SOMMIER
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    La démocratie est le troisième thème récurrent de toutes ces mobilisations. L'affaiblissement des pouvoirs des États s'est fait au profit d'institutions régionales, comme l'Union européenne, ou mondiales – qu'elles soient dotées ou non d'un statut formel, de l'...
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Voir aussi