Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

DÉMOCRATIE

Représentation et délégation

La représentation repose sur une division du travail entre des spécialistes des questions du gouvernement (désignés comme « hommes politiques ») de la cité et des non-spécialistes (les « simples citoyens »). En vertu de ce « dogme des compétences », les premiers jouent un rôle politiquement actif, les seconds un rôle corollairement plus passif. Les représentants sont des initiés proches des lieux de pouvoir et informés des questions de pouvoir. Les citoyens souvent qualifiés d'« ordinaires » sont placés en position de « profanes » plus extérieurs aux lieux de pouvoir et moins informés (relativement, mais inégalement) des jeux et enjeux de pouvoir. Les citoyens ordinaires se tiennent et sont tenus à l'écart de la plupart des activités et des décisions politiques. Ainsi, moins de 2 p. 100 des Français sont membres d'un parti politique. Ils se bornent la plupart du temps à « surveiller » (plus ou moins attentivement) les représentants et à se tenir (inégalement) informés de leurs principaux faits et gestes. Tout se passe d'ailleurs comme si la surveillance des représentants par les représentés faisait l'objet d'une division du travail entre les sexes, les générations et les groupes sociaux. Les hommes en moyenne plus souvent que les femmes, les membres des générations intermédiaires, les plus diplômés et les titulaires des positions sociales supérieures et moyennes supérieures se révèlent davantage intéressés et informés des questions politiques et s'autorisent plus volontiers à exprimer des avis personnels sur l'action des gouvernants. À l'inverse, la majorité des femmes, les plus jeunes et les plus âgés et tous ceux qui occupent les positions inférieures et moyennes inférieures de l'espace social s'estiment « incompétents » et se tiennent plus à l'écart. Il est notable que ce sentiment d'incompétence est éprouvé à l'égard de la politique et qu'il l'est beaucoup moins quand les citoyens envisagent les affaires, à leurs yeux plus concrètes, de leur commune. En moyenne, seule une minorité (autour de 15 p. 100 des citoyens) se déclare « beaucoup » intéressée par la politique (centrale), en discute régulièrement, participe à des actions collectives, lit les rubriques ou écoute les émissions spécialisées des médias. La moitié environ de la population manifeste une grande indifférence et les autres (autour de 35 p. 100) se situent à des niveaux intermédiaires d'implication.

La tendance à la monopolisation des activités politiques par les représentants s'accompagne donc de diverses formes de dépossession des représentés. La plupart de ces derniers interviennent principalement, de manière intermittente, par leur vote. La participation électorale est d'ailleurs en baisse depuis plusieurs décennies. Elle dépend du type de scrutin et de l'acuité des mobilisations et elle obéit à diverses déterminations sociales. Elle est pour une part fonction du degré d'implication dans les questions politiques et elle est du même coup plus faible (en moyenne) chez les femmes, les plus jeunes et les membres des milieux populaires. Mais elle varie encore avec divers facteurs qui peuvent contrarier les précédents, comme le sentiment du devoir civique, les sollicitations des entourages ou la crainte de la stigmatisation pour ceux qui vivent dans des environnements où le contrôle social est plus développé. Les électeurs sont du même coup inégalement concernés par les enjeux politiques des scrutins et l'acte de vote exprime des « préférences » d'intensité et de statut variables. Ces préférences peuvent reposer sur les prises de position des candidats, leur programme, leur étiquette partisane et/ou leur personne, ou sur des considérations ponctuelles très dispersées. Elles[...]

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

  • : professeur à l'université de Paris-I, Centre de recherches politiques de la Sorbonne

Classification

Pour citer cet article

Daniel GAXIE. DÉMOCRATIE [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Liberté de la presse - crédits : Keystone-France/ Gamma-Keystone/ Getty Images

Liberté de la presse

Soutien populaire au président Allende - crédits : Library of Condress, Washington, D.C.

Soutien populaire au président Allende

<it>Le Ventre législatif</it>, caricature de Daumier - crédits : GraphicaArtis/ Getty Images

Le Ventre législatif, caricature de Daumier

Autres références

  • ABSTENTIONNISME

    • Écrit par Daniel GAXIE
    • 6 313 mots
    • 3 médias
    ...citoyen de l'étranger. Voter, c'est donc aussi manifester son intérêt pour son pays. Les élections sont par ailleurs considérées comme la clé de voûte des institutions démocratiques. Par ce moyen, les citoyens peuvent exprimer et faire prévaloir des opinions et des attentes. Ils sont censés disposer d'un...
  • AFRIQUE DU SUD RÉPUBLIQUE D' ou AFRIQUE DU SUD

    • Écrit par Ivan CROUZEL, Dominique DARBON, Benoît DUPIN, Universalis, Philippe GERVAIS-LAMBONY, Philippe-Joseph SALAZAR, Jean SÉVRY, Ernst VAN HEERDEN
    • 29 784 mots
    • 28 médias
    ...la Convention pour une Afrique du Sud démocratique (CODESA), des négociations constitutionnelles qui vont radicalement transformer l'État sud-africain. La transition qui s'engage est ainsi fondée sur l'idée de « réconciliation nationale » portée par Nelson Mandela, premier président sud-africain démocratiquement...
  • ALLEMAGNE - Les institutions

    • Écrit par Stéphane SCHOTT
    • 4 249 mots

    Les institutions de la république fédérale d’Allemagne sont définies par la Loi fondamentale (L.F.), ou Grundgesetz, du 23 mai 1949. Pensé à l’origine comme une Constitution provisoire pour l’Allemagne de l’Ouest, le Grundgesetz s’applique à toute l’Allemagne depuis le 3 octobre 1990....

  • ALTERMONDIALISME

    • Écrit par Christophe AGUITON, Universalis, Isabelle SOMMIER
    • 6 805 mots
    • 1 média
    La démocratie est le troisième thème récurrent de toutes ces mobilisations. L'affaiblissement des pouvoirs des États s'est fait au profit d'institutions régionales, comme l'Union européenne, ou mondiales – qu'elles soient dotées ou non d'un statut formel, de l'...
  • Afficher les 113 références

Voir aussi