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DÉMOCRATIE

L'autonomie des représentants

Officiellement ouverte à tous, la représentation est en fait exercée par des hommes politiques engagés dans une carrière et animés à ce titre de préoccupations spécifiques. L'entrée dans la carrière s'effectue à travers des trajectoires définies : l'exercice de mandats locaux pour ceux qui disposent de ressources personnelles, l'activité dans le cadre d'une organisation collective (parti, syndicat) pour ceux qui en sont moins pourvus, accès direct à des positions élevées pour ceux qu'un haut dirigeant veut s'attacher, du fait de leurs titres, de leur représentativité et de leurs fonctions dans l'État ou dans de grandes entreprises. Les partis, les institutions territoriales, les Parlements et les gouvernements sont hiérarchisés et l'activité politique est aussi et toujours un cursus honorum, une course aux « honneurs » (c'est-à-dire aux charges officielles). Certains acteurs politiques ont commencé leur vie professionnelle dans des entreprises ou des administrations, alors que d'autres (en nombre croissant du fait des renforcements des partis et des entourages des élus) ont toujours évolué dans les milieux politiques. Mais une fois engagés, ils se consacrent à temps complet à leurs responsabilités et la plupart tirent leurs moyens de subsistance de ces activités. Selon la formule de Max Weber, ils vivent « pour et de la politique » et deviennent des hommes politiques professionnels. Officiellement précaires et révocables, les fonctions politiques sont ainsi exercées par un nombre restreint de titulaires (tendanciellement) inamovibles. Les élus sont le plus souvent des « sortants » ou des nouveaux venus en voie de professionnalisation. La lutte politique démocratique n'est pas réductible à une compétition pour les postes, mais elle comporte inévitablement cette dimension. À travers les élections, ce sont des trophées qui circulent entre les principaux camps, mais c'est aussi la reconnaissance de la légitimité des titulaires des positions de pouvoir. Les « conventions » tacites relatives au respect des résultats et les pratiques d'autolimitation sont des éléments essentiels des systèmes démocratiques, au moins tant que la distance idéologique et sociale entre les camps n'est pas trop importante. Ces dispositions à respecter les « règles du jeu » reposent sur la complexité et l'internationalisation des sociétés démocratiques.

L'intérêt pour le pouvoir gouverne pour une part les comportements des hommes politiques. Il serait naïf d'oublier que divers bénéfices de prestige, d'aisance financière, de qualité de vie, de sentiment de puissance et d'estime de soi sont associés aux positions de pouvoir. Il serait également naïf de ne prendre en considération que ces seuls types de bénéfices. La capacité d'agir sur les choses, de résoudre des difficultés, d'améliorer le sort des autres, de se dévouer au bien public, de faire avancer ses idées, de consacrer sa vie à des questions importantes et parfois de faire l'histoire sont également des motifs de satisfaction qui renforcent les dispositions à l'engagement.

L'action politique professionnalisée prend, Max Weber le souligne, la forme d'une entreprise, c'est-à-dire d'une action continue et organisée en vue de conquérir des positions de pouvoir. L'entreprise politique doit accumuler, entretenir et transmettre, par exemple au moment des investitures, un capital symbolique de confiance et de reconnaissance. Ces entreprises sont devenues plus collectives et le petit entrepreneur politique indépendant s'efface progressivement devant les représentants des organisations.

L'engagement dans l'activité politique s'accompagne le plus souvent du souci de s'y maintenir et éventuellement d'améliorer sa position. L'activité[...]

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Écrit par

  • : professeur à l'université de Paris-I, Centre de recherches politiques de la Sorbonne

Classification

Pour citer cet article

Daniel GAXIE. DÉMOCRATIE [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Liberté de la presse - crédits : Keystone-France/ Gamma-Keystone/ Getty Images

Liberté de la presse

Soutien populaire au président Allende - crédits : Library of Condress, Washington, D.C.

Soutien populaire au président Allende

<it>Le Ventre législatif</it>, caricature de Daumier - crédits : GraphicaArtis/ Getty Images

Le Ventre législatif, caricature de Daumier

Autres références

  • ABSTENTIONNISME

    • Écrit par Daniel GAXIE
    • 6 313 mots
    • 3 médias
    ...citoyen de l'étranger. Voter, c'est donc aussi manifester son intérêt pour son pays. Les élections sont par ailleurs considérées comme la clé de voûte des institutions démocratiques. Par ce moyen, les citoyens peuvent exprimer et faire prévaloir des opinions et des attentes. Ils sont censés disposer d'un...
  • AFRIQUE DU SUD RÉPUBLIQUE D' ou AFRIQUE DU SUD

    • Écrit par Ivan CROUZEL, Dominique DARBON, Benoît DUPIN, Universalis, Philippe GERVAIS-LAMBONY, Philippe-Joseph SALAZAR, Jean SÉVRY, Ernst VAN HEERDEN
    • 29 784 mots
    • 28 médias
    ...la Convention pour une Afrique du Sud démocratique (CODESA), des négociations constitutionnelles qui vont radicalement transformer l'État sud-africain. La transition qui s'engage est ainsi fondée sur l'idée de « réconciliation nationale » portée par Nelson Mandela, premier président sud-africain démocratiquement...
  • ALLEMAGNE - Les institutions

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    Les institutions de la république fédérale d’Allemagne sont définies par la Loi fondamentale (L.F.), ou Grundgesetz, du 23 mai 1949. Pensé à l’origine comme une Constitution provisoire pour l’Allemagne de l’Ouest, le Grundgesetz s’applique à toute l’Allemagne depuis le 3 octobre 1990....

  • ALTERMONDIALISME

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    La démocratie est le troisième thème récurrent de toutes ces mobilisations. L'affaiblissement des pouvoirs des États s'est fait au profit d'institutions régionales, comme l'Union européenne, ou mondiales – qu'elles soient dotées ou non d'un statut formel, de l'...
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Voir aussi