VARIATION, biologie

Variation entre espèces apparentées et critères de l'espèce

Selon la « définition biologique », qui sera retenue ici, deux espèces distinctes sont génétiquement inaptes à se croiser efficacement entre elles. Les caractères par lesquels diffèrent deux espèces apparentées peuvent participer ou non à la barrière d'isolement reproductif.

Caractères directement liés à l'isolement reproductif

Chez beaucoup d'espèces animales, l'accouplement est la phase ultime d'une succession de stimulus et de réponses spécifiques. Toute variation portant sur ce comportement introduit un facteur d'isolement sexuel. C'est pourquoi les caractères de comportement de formation du couple sont souvent très peu variables à l'intérieur d'une espèce, mais nettement différents entre espèces, même fortement apparentées. Ce sont donc d'excellents critères de l'espèce. Ainsi, dans le genre Photinus (insectes de la famille du ver luisant), le rapprochement sexuel dépend d'un échange d'éclairs lumineux : le mâle en vol reconnaît une femelle immobile comme appartenant à sa propre espèce au temps qui sépare l'éclair qu'il a émis de celui qu'elle émet en réponse. Chez les grenouilles et crapauds, la femelle se rapproche du mâle en réponse à l'émission par celui-ci d'un « chant d'appel » souvent propre à l'espèce : des espèces nouvelles ont été détectées grâce à ce critère. Chez certains oiseaux, chez certaines araignées, etc., la parade nuptiale comporte une succession de gestes, dans un ordre strict, très caractéristiques de l'espèce.

Certains caractères physiologiques jouent un rôle direct dans l'isolement. Ainsi, certaines espèces de grillons très semblables, vivant sur les mêmes territoires, sont isolées par des décalages dans le temps de leurs périodes de reproduction.

Chez beaucoup d'insectes, l'anatomie de l'appareil copulateur, notamment chez le mâle, fournit de très bons critères d'identification spécifique. On en a déduit que l'incompatibilité mécanique entre organes mâles et femelles d'espèces différentes jouait un rôle direct dans l'isolement reproductif (théorie de la clef et de la serrure). C'est sans doute vrai dans quelques cas, mais sans valeur générale.

Les variations portant sur la garniture chromosomique peuvent entraîner un certain degré d'isolement reproductif. Si deux formes diffèrent par un ou plusieurs remaniements, mais sont aptes à se croiser, les hybrides sont souvent partiellement ou totalement stériles. De telles différences sont fréquentes entre espèces apparentées. L'espèce humaine a très peu de variation due à des remaniements chromosomiques, mais elle diffère de ses proches parentes (chimpanzés, gorilles) par plusieurs remaniements équilibrés. Réciproquement, constater que deux populations diffèrent par un ou plusieurs remaniements, n'implique pas qu'elles appartiennent à deux espèces distinctes, comme on a parfois cru pouvoir l'affirmer. Ainsi, les quatre garnitures chromosomiques décrites chez le rongeur Spalax ehrenbergi sont considérées comme définissant quatre races, qui sont peut-être en voie de spéciation. En revanche, les différences de degrés de ploïdie caractérisent en général de bonnes espèces : quand on a découvert que le nom Odontophrynus americanus (amphibien anoure) recouvrait deux catégories, à respectivement 22 et 44 chromosomes, on pouvait sans grand risque affirmer qu'il s'agissait de deux espèces.

Caractères sans lien direct avec l'isolement reproductif

Les différences morphologiques entre individus d'espèces distinctes sont en moyenne supérieures à celles qui existent entre individus de même espèce. Ce n'est vrai qu'en moyenne, d'où deux sortes d'erreurs de classification.[...]

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Pour citer cet article

Jean GÉNERMONT, « VARIATION, biologie », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le . URL :

Médias

Patrimoine génétique

Patrimoine génétique

Patrimoine génétique

Données quantitatives sur le génome de quelques espèces d'eucaryotes.

Hamamelistes spinosus : reproduction

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Hamamelistes spinosus : reproduction

Quatre des formes qui se succèdent au cours du cycle de reproduction du puceron « Hamamelistes…

Autres références

  • VARIATION GÉNÉTIQUE ADAPTATIVE

    • Écrit par Jean-Claude BREGLIANO
    • 10 538 mots

    Il apparaît qu'il existe chez les organismes vivants des mécanismes cellulaires permettant de réguler le degré de variation du matériel génétique en fonction des vicissitudes de l'environnement. Si le milieu ne dirige pas les variations génétiques, il peut en modifier la fréquence d'apparition.[...]

  • ADAPTATION - Adaptation biologique

    • Écrit par Armand de RICQLÈS
    • 7 562 mots
    [...]un processus dynamique. Les mécanismes mis en jeu sont typiquement ceux qui sont pris en compte par la théorie synthétique de l'évolution : variabilité génétique et sélection naturelle. Le premier terme représente une composante aléatoire et le second exprime la nécessité (survie ou non),[...]
  • BACTÉRIES

    • Écrit par Jean-Michel ALONSO, Jacques BEJOT, Patrick FORTERRE
    • 60 780 mots
    • 3 médias
    [...]qu'au sein d'une population théoriquement homogène descendant d'une seule bactérie parentale, apparaissent des changements définitifs ( mutations) ou des variations phénotypiques en fonction des conditions environnementales (adaptation phénotypique). La mutation apparaît soit spontanément (en fait l'élément[...]
  • BIOMÉTRIE

    • Écrit par Eugène SCHREIDER
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    Introduit dans le vocabulaire scientifique vers la fin du xix e siècle, le mot « biométrie » (d'abord en anglais : biometry ou biometrics) est parfois employé abusivement, surtout par des auteurs américains, comme synonyme de statistique, alors que cette dernière n'est, pour le[...]

  • CROISSANCE, biologie

    • Écrit par E.U., André MAYRAT, Raphaël RAPPAPORT, Paul ROLLIN
    • 81 175 mots
    • 7 médias
    [...]supérieur à l'unité, il y a allométrie majorante : Y croît plus vite que X et il y a changement des proportions, de la forme. C'est le cas de nombreux variants sexuels qui se développent « brusquement » dans l'un des sexes, au moment de la puberté. L'un des premiers cas étudiés, et des plus spectaculaires,[...]
  • DARWINISME

    • Écrit par Dominique GUILLO, Thierry HOQUET
    • 30 226 mots
    [...]pensée populationnelle » ou un antiplatonisme : pour un platonicien, il existe des types réels dans la nature et la variation n'est qu'une illusion ; à l'inverse, souligne Mayr, pour un darwinien, seule la variation est réelle et le type n'est qu'une abstraction, une forme moyenne calculée à partir des[...]
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Voir aussi