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SPORT L'année 2015

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Sur le plan sportif, l’année 2015 pourrait être caractérisée par l’expression « oui, mais… ». Oui, l’équipe de France masculine de handball continue de dominer son sujet ; mais la présence, en finale mondiale, du Qatar, qui avait constitué une équipe formée de joueurs naturalisés, interroge. Oui, Jean-Baptiste Grange a réussi un formidable exploit en remportant le slalom des Championnats du monde de ski alpin ; mais l’équipe de France féminine est en déroute. Oui, Lionel Messi continue d’illuminer les terrains de toute l’Europe avec le F.C. Barcelone ; mais, une nouvelle fois, il n’est pas parvenu à conquérir un titre majeur avec l’Argentine, battue en finale de la Copa America par le Chili. Oui, Christopher Froome a remporté de belle manière un second Tour de France ; mais l’épreuve s’est déroulée dans un climat nauséabond sur fond de soupçons de dopage sans doute infondés. Oui, l’équipe de France de natation affiche un joli bilan aux Championnats du monde de Kazan ; mais celui-ci est essentiellement dû aux exploits de Florent Manaudou, et la natation féminine française est en crise. Oui, les Championnats du monde d’athlétisme de Pékin ont été marqués par de grandes performances ; mais le dopage fait de nouveau la une de l’actualité athlétique. Oui, l’Euro de basket-ball organisé en France a connu un magnifique engouement populaire ; mais les Bleus et Tony Parker ne sont pas parvenus à conquérir le titre. Oui, la Coupe du monde de rugby fut enthousiasmante, et les All Blacks ont proposé un magnifique spectacle ; mais l’équipe d’Angleterre, à domicile, a sombré rapidement, et les prestations de l’équipe de France ont frisé le ridicule. Oui, après avoir remporté la Ligue mondiale, les volleyeurs français sont devenus pour la première fois champions d’Europe ; mais ces succès n’ont pas provoqué d’engouement médiatique. Oui, Novak Djokovic et Serena Williams écrasent le tennis ; mais ni le Serbe ni l’Américaine n’ont réussi le Grand Chelem. Oui, Lewis Hamilton fait un beau champion du monde de formule 1 ; mais cette discipline, dominée par l’écurie Mercedes, ne propose plus guère de spectacle…

Athlétisme : les enseignements des Championnats du monde de Pékin

Stars au rendez-vous et nouveaux venus ; grandes performances et hiérarchie curieusement bousculée : dresser le bilan des quinzièmes Championnats du monde d’ athlétisme, qui se sont tenus du 22 au 30 août 2015 à Pékin, peut se faire sous des angles divers.

Dans le « nid d’oiseau », la plupart des immenses vedettes de l’athlétisme ont tenu leur rang, et tout d’abord Usain Bolt. De nouveau vainqueur du 100 mètres, du 200 mètres et du relais 4 fois 100 mètres, le Jamaïquain compte désormais onze médailles d’or mondiales, ce qui constitue le record. Ajoutons que, depuis les jeux Olympiques de 2008 qui ont vu son arrivée au sommet, « Lightning Bolt » a remporté dix-sept médailles d’or sur dix-huit possibles lors des compétitions olympiques et mondiales, ne laissant échapper la victoire dans le 100 mètres des Championnats du monde de 2011 qu’en raison d’un faux départ, synonyme de disqualification. En outre, ce nouveau triomphe surpasse peut-être tous les autres pour deux raisons : déjà, Usain Bolt, quasi absent des pistes depuis deux ans, n’affichait que des performances médiocres avant le début des compétitions, et de nombreux journalistes annonçaient son inéluctable déclin ; surtout, ceux qui prévoyaient sa défaite la redoutaient, en raison du passif de son principal rival, l’Américain Justin Gatlin, suspendu quatre ans pour dopage, et qui, depuis son retour et malgré le handicap de l’âge (33 ans en 2015), améliorait tous ses records personnels établis au temps de sa jeunesse dopée. En fait, la confrontation entre Bolt et Gatlin dépassait le cadre sportif, se transformant en un affrontement mythique entre le Bien et le Mal. Et la « Foudre » terrassa de peu la « Bête » sur 100 mètres (9,79 s contre 9,80 s), pour la satisfaction de tous ; dès lors, remporter le 200 mètres et le relais 4 fois 100 mètres semblait une formalité pour le Jamaïquain, qui avait déstabilisé l’Américain dans son orgueil. En plus de Bolt, d’autres cadors ont répondu présent au rendez-vous, prolongeant leur histoire dorée. Le Kenyan David Rudisha, moins souverain sur le plan chronométrique que naguère, est parvenu à remporter le 800 mètres en fin stratège. Son élégant compatriote Asbel Kiprop s’est imposé sur 1 500 mètres pour la troisième fois consécutivement. Un autre Kenyan, Ezekiel Kemboi, s’est adjugé le 3 000 mètres steeple pour la quatrième fois de suite, toujours en faisant parler son finish. Le Britannique « Mo » Farah, invincible dans les grandes compétitions sur 5 000 et 10 000 mètres depuis 2012, poursuit son règne avec déjà cinq médailles d’or mondiales. La Jamaïquaine Shelly-Ann Fraser, victorieuse du 100 mètres et du relais 4 fois 100 mètres, affiche désormais sept médailles d’or mondiales. Quant à la discrète Américaine Allyson Felix, elle a glané sa neuvième médaille d’or mondiale en remportant le 400 mètres.

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Dresser cette liste de champions confirmés peut laisser penser que la hiérarchie athlétique est solidement établie. Pourtant, il n’en est rien : en effet, seulement neuf champions du monde de Moscou en 2013 ont poursuivi leur règne en Chine, car une nouvelle génération a émergé… Le jeune Sud-Africain Wayde Van Niekerk (23 ans) a bousculé le 400 mètres en damant le pion aux favoris, l’Américain LaShawn Merritt, deuxième, et le Grenadin Kirani James, troisième. Le Kenyan Nicholas Bett (23 ans) a remporté le 400 mètres haies (47,79 s) à la surprise générale. Un jeune Érythréen, Ghirmay Ghebreslassie (19 ans), s’est imposé sur le marathon. Le Canadien Shawnacy Barber (21 ans) s’est adjugé le concours de saut à la perche au grand dam du Français Renaud Lavillenie, médusé.

Ces Championnats du monde furent aussi marqués par de grandes performances, même si un seul record du monde a été battu, celui du décathlon, par l’Américain Ashton Eaton (9 045 points) : onze meilleures performances mondiales de l’année dans les épreuves individuelles ; cinq records des Championnats ; onze records continentaux ; près de quatre-vingt-dix records nationaux. Ainsi, en réalisant 43,48 secondes sur 400 mètres, le Sud-Africain Wayde Van Niekerk est devenu le quatrième performer de l’histoire, derrière trois Américains ; l’Américain Christian Taylor, bondissant à 18,21 mètres, a flirté avec le record du monde du triple saut (18,29 m) ; le Kenyan Julius Yego, projetant le javelot à 92,72 mètres, a offert à son pays sa première médaille mondiale dans un concours de lancer, et réussi la meilleure performance depuis 2001 (92,80 m par le Tchèque Jan Zelezny) ; la Néerlandaise Dafne Schippers, victorieuse du 200 mètres en 21,63 secondes, a battu le record d’Europe établi en 1979 par l’Allemande de l’Est Marita Koch.

Julius Yego - crédits : Wang Lili/ xh/ Xinhua Press/ Corbis

Julius Yego

Dafne Schippers - crédits : Franck Robichon/ EPA

Dafne Schippers

Le bilan des nations voit pour la première fois le Kenya se placer en tête (7 médailles d’or, 6 médailles d’argent, 3 médailles de bronze) : toujours brillants en demi-fond, les athlètes des hauts plateaux ont élargi leur registre (400 m haies, javelot). Suit la Jamaïque (7 médailles d’or, 2 médailles d’argent, 3 médailles de bronze), qui se distingue comme toujours grâce à ses sprinters. Les États-Unis ne se classent qu’à la troisième place (6 médailles d’or, 6 médailles d’argent, 6 médailles de bronze) : leurs athlètes ont non seulement subi la loi des Jamaïquains dans les compétitions de sprint, mais ils ont déçu dans des disciplines où ils excellent traditionnellement (courses de haies féminines et masculines ; saut en longueur masculin). La Grande-Bretagne est quatrième (4 médailles d’or, 1 médaille d’argent, 2 médailles de bronze), grâce à ses champions olympiques de 2012 (« Mo » Farah, Greg Rutherford, Jessica Ennis). L’Éthiopie, cinquième (3 médailles d’or, 3 médailles d’argent, 2 médailles de bronze), construit son bilan dans les compétitions de demi-fond et de fond. La Pologne se classe sixième (3 médailles d’or, 1 médaille d’argent, 4 médailles de bronze) grâce à ses lanceurs. On note aussi les progrès du Canada, septième (2 médailles d’or, 3 médailles d’argent, 3 médailles de bronze), qui présente son meilleur bilan depuis la création des Championnats du monde en 1983. On peut aussi souligner l’éveil de la Chine (9 médailles), qui n’a pas hésité à recruter des entraîneurs étrangers pour faire progresser ses athlètes. Enfin, la Russie, en tête en 2013 à domicile (17 médailles, dont 7 en or), s’écroule : avec quatre médailles, dont deux en or, elle présente le plus mauvais bilan de son histoire.

La densité des performances, le triomphe du Kenya et l’écroulement de la Russie conduisent à s’interroger au sujet du dopage. La qualité de la piste du « nid d’oiseau » peut-elle expliquer le fait que plus de cent vingt athlètes ont battu leur record personnel dans les compétitions de sprint (du 100 au 400 mètres, courses de haies comprises), que des coureurs puissent être éliminés dès les séries sur 400 mètres en approchant pourtant les 45 secondes, ou qu’une performance de 22 secondes soit insuffisante pour monter sur le podium du 200 mètres féminin ? Certes, le Kenya triomphe à Pékin, mais il compte aussi les deux seuls athlètes contrôlés positifs lors de ces Championnats. Diverses allégations avaient déjà conduit le gouvernement kenyan à tenter de « réformer » le fonctionnement de sa fédération d’athlétisme. Mais, fin novembre 2015, l’Association internationale des fédérations d’athlétisme (I.A.A.F.) a suspendu plusieurs hauts dirigeants kenyans, dont le président de la Fédération kenyane d’athlétisme, Isaiah Kiplagat. La Russie s’écroule ; il aurait pu s’agir là d’une bonne nouvelle : le « ménage » semblait avoir été fait à la tête de la fédération, et de multiples athlètes potentiellement médaillables, mais soupçonnés de dopage n’avaient pas été inscrits pour cette compétition. Or les enquêtes de l’Agence mondiale antidopage ont démontré qu’un vaste système de dopage touchait la Russie, et que la corruption sévissait au plus haut niveau (des athlètes contrôlés positifs se voyaient blanchis contre le versement de sommes importantes). Cette affaire de corruption a abouti dans un premier temps à la suspension du président de l’I.A.A.F., Lamine Diack, soupçonné d’avoir reçu plus d’un million d’euros de pots-de-vin pour taire le contrôle positif de plusieurs athlètes russes. Par la suite, l’I.A.A.F. a suspendu à titre conservatoire la Fédération russe d’athlétisme : cette sanction sans précédent, si elle n’est pas levée, privera tous les athlètes russes des jeux Olympiques de Rio de Janeiro en 2016.

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Quant à la France, elle présente un triste bilan : deux médailles de bronze (Renaud Lavillenie, décevant et déçu, saut à la perche ; Alexandra Tavernier, prometteuse et réjouie, lancer du marteau). On peut souligner que plusieurs têtes d’affiche (Yohann Diniz, Mahiedine Mekhissi-Benabbad, Teddy Tamgho…) ont dû déclarer forfait en raison de blessures, et que 2015 était une année de transition, avant les jeux Olympiques de Rio de Janeiro ; il n’en reste pas moins que la France occupe la trente et unième place au classement des nations, et que seulement treize athlètes français ont atteint la finale. Après des Championnats d’Europe très réussis en 2014, cet échec sera peut-être salutaire dans la perspective olympique.

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Écrit par

  • : historien du sport, membre de l'Association des écrivains sportifs

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Julius Yego - crédits : Wang Lili/ xh/ Xinhua Press/ Corbis

Julius Yego

Dafne Schippers - crédits : Franck Robichon/ EPA

Dafne Schippers

Christopher Froome - crédits : Kim Ludbrook/ EPA

Christopher Froome

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