Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

SÉMANTIQUE

L'approche cognitive

L'apport essentiel des sciences cognitives à la sémantique linguistique consiste dans le modèle prototypique de la catégorisation, introduit en psychologie par E. Rosch, et appliqué, à partir des années 1980, par des linguistes comme G. Lakoff ou R. W. Langacker, à l'analyse du sens, et surtout de celui des mots, même si certaines applications ont été également tentées en phonologie, morphologie, syntaxe, linguistique textuelle ou théorie des actes de langage.

La notion de prototype

La catégorisation est pour l'être humain un processus essentiel, qui fonde toutes ses opérations perceptives, mentales ou langagières. Or ce processus pose la question suivante : sur quelle(s) base(s) range-t-on tel ou tel objet dans telle ou telle catégorie ? Quels sont les critères qui président à ces regroupements ?

La théorie classique (dite des « CNS ») considère que cette opération se fait sur la base de certaines propriétés communes, conditions nécessaires et suffisantes de l'admission de l'objet dans la classe. Mais, en fait, certains tests et expériences établissent que tous les membres des catégories constituées ne sont pas équivalents : certains objets sont de meilleurs exemplaires que d'autres, qui sont quant à eux de moins bons représentants de la catégorie. Ainsi, pour la catégorie des oiseaux, le moineau est un meilleur représentant que la poule, l'autruche ou le pingouin ; dans l'ensemble des fruits, la pomme est jugée (dans nos sociétés du moins) comme le meilleur représentant, et l'olive comme le plus médiocre. Le meilleur exemplaire est appelé « prototype », et c'est autour de cette figure centrale que s'organise toute la catégorie. Dans cette perspective, les membres d'une catégorie sont regroupés sur la base d'une ressemblance plus ou moins forte avec le prototype (c'est « l'échelle de typicalité »), et non sur la base d'un ensemble de propriétés qu'ils partageraient nécessairement tous.

Application à la sémantique lexicale

Les mots peuvent à divers titres être assimilés à des catégories : d'une part, leur sens est un ensemble de traits (définition en « compréhension », ou « intension »), et il renvoie à un ensemble d'objets extralinguistiques (définition en « extension ») ; d'autre part, les mots entretiennent certaines relations d'inclusion (hypo-/hyperonymie).

– En ce qui concerne le niveau « intracatégoriel » (interne au mot), notons d'abord que l'approche prototypique ne remet pas en cause le principe de décomposition des concepts en traits, mais seulement le caractère nécessaire et suffisant de ceux-ci, en introduisant la gradualité. En effet, à la question : quels sont les critères qui président au regroupement d'objets différents sous une même étiquette désignative ?, l'analyse componentielle répond : celui-ci s'effectue sur la base de propriétés communes, reflétées dans le sémème par les sèmes dénotatifs (qui sont autant de « CNS ») ; mais, dans la perspective prototypique, les différents membres de la classe dénotative n'ont pas besoin d'avoir tous les mêmes propriétés exactement : il suffit qu'ils aient avec le prototype un certain degré de ressemblance. Cette perspective permet donc de rendre compte du caractère flou des signifiés lexicaux (existence de différents degrés d'appartenance d'un élément à un ensemble), qu'on envisage ces signifiés en extension (certains objets tombent sans contestation possible sous le coup du concept, alors qu'on va pour d'autres hésiter davantage), ou en compréhension (certaines composantes du sens sont plus essentielles, plus « saillantes » que d'autres).

– En ce qui concerne le niveau « intercatégoriel » (des relations entre mots)[...]

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

Classification

Pour citer cet article

Catherine KERBRAT-ORECCHIONI. SÉMANTIQUE [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Média

Triangle sémiotique - crédits : Encyclopædia Universalis France

Triangle sémiotique

Autres références

  • ACOUSMATIQUE MUSIQUE

    • Écrit par François BAYLE
    • 7 820 mots
    • 4 médias
    Une quatrième approche pourrait compléter la précédente en insistant volontairement sur les figures du champ sémantique qui nous semblent « induites » dans la genèse et la prolifération des formes sonores produites et perçues en situation acousmatique. Les « relations imaginées » y seront figurées...
  • ADJECTIF

    • Écrit par Robert SCTRICK
    • 504 mots

    Élément linguistique appartenant à une classe dont les caractéristiques peuvent être envisagées du triple point de vue sémantique, morphologique ou syntaxique. Selon le niveau d'analyse retenu, l'extension de la classe présente certains flottements, alors même que sa compréhension ne semble...

  • ADVERBE

    • Écrit par Robert SCTRICK
    • 312 mots

    L'une des parties du discours traditionnellement définie par sa propriété sémantique de modifier le contenu du prédicat ou de l'assertion, l'adverbe présente, en outre, la possibilité récursive de se combiner avec soi-même. Les difficultés de l'analyse proviennent surtout du fait qu'on...

  • AMBIGUÏTÉ, linguistique

    • Écrit par Pierre LE GOFFIC
    • 685 mots

    Un mot ou un énoncé sont dits ambigus quand ils sont susceptibles d'avoir plusieurs interprétations. Cette définition intuitive étant très large, on s'efforce en linguistique de la préciser en circonscrivant, parmi tous les malentendus, équivoques et autres imprécisions du langage,...

  • Afficher les 73 références

Voir aussi