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SCIENCES Sciences et discours rationnel

La question de la scientificité

Quoi qu'il en soit, on peut se demander s'il est possible de dégager un critère général de scientificité, susceptible de s'appliquer à toutes les disciplines auxquelles on reconnaît la qualité de « science ». La notion d' opération semble pouvoir fournir une réponse, au moins de principe, à cette question. On retrouve l'intervention de l'opération, en effet, tant au niveau des démarches purement formelles qu'au niveau des démarches expérimentales, voire au niveau des constructions interprétatives. Cela suggère que l'intelligibilité, la crédibilité et l'efficacité propres du savoir scientifique lui viennent de son caractère opératoire, et que c'est en définitive ce caractère qui confère à la science son statut distinctif. Serait scientifique tout savoir qui aurait réussi à inscrire ses pratiques (constructives, déductives, expérimentales, évaluatives, voire fondationnelles) dans le cadre d'un jeu réglé d'opérations, c'est-à-dire de transformations régies par des schémas formels. L'élucidation des mécanismes fondamentaux des pratiques opératoires, telle que la logique combinatoire tente de la poursuivre, constituerait alors le programme par excellence d'une fondation scientifique de la science. Et l'on retrouverait la logique dans son rôle naturel d'instance fondatrice.

Mais, au-delà de cette problématique de nature logique, en apparaît une autre, de caractère philosophique : qu'est-ce qui donne à la démarche opératoire son efficacité ? comment s'explique la fécondité du savoir qu'elle fonde ? comment l'opération, caractéristique de la scientificité, s'accorde-t-elle à la nécessité structurale du « logos » d'une part, aux exigences de l'action humaine d'autre part ? Comme on l'a suggéré déjà, cette problématique ne peut être développée adéquatement que dans un horizon ontologique. Ce qu'il faudrait pouvoir rejoindre, c'est la genèse absolue de l'opération, son advenir dans le distanciement originaire qui produit l'étant. À partir de cette genèse on pourrait comprendre son rôle dans la constitution de la science et les caractères spécifiques de celle-ci ; ce serait là la tâche d'une véritable philosophie des sciences.

— Jean LADRIÈRE

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Écrit par

  • : professeur émérite à l'université catholique de Louvain (Belgique)

Classification

Pour citer cet article

Jean LADRIÈRE. SCIENCES - Sciences et discours rationnel [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • SCIENCE, notion de

    • Écrit par Jean-Paul THOMAS
    • 1 954 mots

    La science désigne traditionnellement, pour les philosophes, une opération de l'esprit permettant d'atteindre une connaissance stable et fondée. Platon (428 env.-env. 347 av. J.-C.) oppose ainsi, dans le livre V de La République, la science et l'opinion, cette dernière réputée changeante...

  • ANALOGIE

    • Écrit par Pierre DELATTRE, Universalis, Alain de LIBERA
    • 10 427 mots
    Tout langage de description ou d'interprétation théorique utilisé dans les sciences de la nature comporte une sémantique et une syntaxe, la première portant sur les « objets » que l'on met en relation, la seconde sur ces relations elles-mêmes. Les données sémantiques sont au fond des ...
  • ANTHROPOLOGIE DES SCIENCES

    • Écrit par Sophie HOUDART
    • 3 546 mots
    • 1 média

    L’anthropologie des sciences constitue, au sein de l’anthropologie sociale, le champ d’étude relatif aux faits de savoir, notamment naturels (botanique et zoologie au premier chef). Elle peut être saisie au sein d’une double généalogie : celle des ethnosciences d’une part ; celle de la sociologie...

  • ARCHÉOLOGIE (Traitement et interprétation) - Les modèles interprétatifs

    • Écrit par Jean-Paul DEMOULE
    • 2 426 mots

    L'archéologie ne saurait se résumer à la simple collecte d'objets contenus dans le sol. Elle ne saurait non plus se cantonner, comme elle l'a longtemps été, au rôle d'une « auxiliaire de l'histoire », incapable par elle-même d'interpréter ses propres documents. Toute science dispose à la fois de faits...

  • CAUSALITÉ

    • Écrit par Raymond BOUDON, Marie GAUTIER, Bertrand SAINT-SERNIN
    • 12 987 mots
    • 3 médias
    Le cheminement de la notion métaphysique à un principe utilisable en sciences a été graduel et lent : il a fallu, du côté de la philosophie, restreindre les ambitions ; et, du côté des sciences, clarifier les principes et instituer des expériences.
  • Afficher les 62 références

Voir aussi