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DEDEKIND RICHARD (1831-1916)

Les courbes algébriques planes

En 1882, en collaboration avec H. Weber, Dedekind montrait que les mêmes principes peuvent aussi servir à fonder, de façon purement algébrique, la théorie des courbes algébriques planes qui, jusqu'alors, paraissaient du ressort de la géométrie et de l'analyse. Ce qui doit ici remplacer l'anneau des entiers rationnels Z, c'est l'anneau C[x]des polynômes en une variable, à coefficients complexes ; si l'on part d'une courbe algébrique d'équation P(x,y) = 0, où P est un polynôme en deux variables, ce qui remplace le corps K est le corps formé des « fonctions rationnelles sur la courbe », c'est-à-dire des fonctions de x de la forme F(x,y)/G(x,y), où F et G sont deux polynômes dans lesquels il faut remplacer y par une « fonction algébrique » de x, solution de P(x,y) = 0. L'anneau A qu'il faut considérer est ici encore celui de toutes les « fonctions régulières » sur la courbe, c'est-à-dire celles des fonctions de K qui vérifient une équation de la forme :

où cette fois les aj(x) sont des polynômes en x et le premier coefficient est égal à 1. Moyennant ces définitions, Dedekind et Weber montrent que les lois de la divisibilité dans A sont de nouveau celles de l'arithmétique classique, bien entendu en les formulant pour les idéaux de A. Mais ils font voir, en outre, que cette formulation algébrique abstraite redonne les résultats géométrico-analytiques obtenus notamment par Riemann et par Brill et Noether. Pour cela, ils « traduisent » la théorie des idéaux en langage géométrique : si la courbe considérée est sans singularité, un « idéal premier » de A est exactement l'ensemble des fonctions z ∈ A, qui s'annulent en un point donné de la courbe, et on obtient ainsi une correspondance biunivoque entre points de la courbe et idéaux premiers, les idéaux généraux apparaissant donc comme des « systèmes de points » en nombre fini, affectés de multiplicités, tels que les avaient introduits Brill et Noether.

On retrouve donc, ici encore, une des idées clés de la mathématique moderne, celle qui consiste à calculer sur des objets qui ne sont plus du tout des nombres ou des fonctions. De plus, le mémoire de Dedekind et Weber attirait pour la première fois l'attention sur une parenté frappante entre deux domaines mathématiques tenus jusque-là pour très éloignés, première manifestation de ce qui devait devenir un « leitmotiv » des travaux ultérieurs : la recherche des structures communes cachées sous des apparences parfois très diverses.

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Pour citer cet article

Jean DIEUDONNÉ. DEDEKIND RICHARD (1831-1916) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • ALGÈBRE

    • Écrit par Jean-Luc VERLEY
    • 7 143 mots
    ...définissent avec précision l'appartenance d'une quantité à un tel corps, ils ne considèrent pas explicitement l'ensemble ainsi constitué. Il faut attendre Dedekind (qui introduit le mot corps) pour une étude systématique de certains corps d'un type assez général, les corps de nombres algébriques ; ce sont...
  • ANALYSE MATHÉMATIQUE

    • Écrit par Jean DIEUDONNÉ
    • 8 527 mots
    ...dont les « monstres » auraient été les manifestations. Ce doute fut levé par les travaux à peu près simultanés de Weierstrass, de Méray, de Cantor et de Dedekind, qui, par divers procédés, définirent les nombres réels à partir des nombres rationnels, au moyen de l'opération que nous appelons maintenant...
  • AXIOMATIQUE

    • Écrit par Georges GLAESER
    • 2 036 mots
    On doit à G.  Peano (1858-1932) et à R. Dedekind (1831-1916) un exposé axiomatique de la théorie des nombres entiers ; désirant caractériser axiomatiquement l'ensemble N* des nombres entiers strictement positifs, Peano prend comme concept primitif la fonction S qui, à tout entier, associe...
  • CANTOR GEORG (1845-1918)

    • Écrit par Hourya BENIS-SINACEUR
    • 2 886 mots
    • 1 média
    ...correspondant exact du continu géométrique linéaire. À cette date, Cantor n’a pas encore adopté la dénomination « nombre réel » introduite la même année par Dedekind dans l’opuscule Continuité et nombres irrationnels, où les réels sont définis par des « coupures » dans l’ensemble des rationnels – une coupure...
  • Afficher les 11 références

Voir aussi