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DEDEKIND RICHARD (1831-1916)

Les idéaux

Le grand mérite de Dedekind fut, par un puissant effort d'abstraction, de substituer au calcul d'entités à demi métaphysiques, comme les « nombres idéaux » de Kummer, un calcul sur des entités entièrement définissables à partir de l'anneau donné A ; mais ces entités soumises au calcul étaient, non plus des éléments de A ou d'un ensemble plus grand que A, mais des sous-ensembles de A (ce qui, à l'époque, constituait une grande nouveauté). L'observation qui peut servir de point de départ à la notion d'idéal est la suivante : dans l'anneau Z des entiers rationnels, on peut, à chaque entier n, associer l'ensemble A de ses multiples kn (k entier positif ou négatif). Cet ensemble a les deux propriétés suivantes : la somme de deux nombres de A est encore dans A, ainsi que le produit d'un nombre de A et d'un nombre quelconque de l'anneau. La remarque fondamentale de Dedekind est que ces deux propriétés gardent un sens, même si l'on ne sait pas d'avance que A est formé des multiples d'un même nombre ; on peut donc, dans un anneau commutatif quelconque A, définir un idéal comme un sous-ensemble A de A possédant les deux propriétés en question. En outre, on peut calculer sur ces entités : le produit de deux idéaux A, B est le plus petit idéal contenant tous les produits xy, où x parcourt A et y parcourt B (dans l'exemple de l'anneau Z, cela correspond bien au produit de deux nombres). Enfin, à tout élément de x de A correspond l'idéal « principal » Ax formé des éléments zx, où z parcourt A, si bien que les éléments de A s'identifient à des idéaux particuliers (le point essentiel est qu'en général il y a d'autres idéaux que les idéaux principaux).

À l'aide de ces notions, auxquelles s'ajoutent bien d'autres idées originales et profondes, Dedekind put, dès 1871, donner la solution complète du problème de la divisibilité des entiers algébriques : il faut tout d'abord restreindre les anneaux A d'entiers algébriques que l'on considère, en ne gardant que ceux qui sont formés de tous les entiers algébriques du corps K engendré par A (cela exclut par exemple les nombres  m + n √– 3, car (– 1 + √– 3)/2 est aussi un entier algébrique dans le corps K correspondant). C'est seulement dans ces anneaux que les lois de l'arithmétique classique gardent leur validité, en les exprimant bien entendu pour les idéaux de l'anneau : il y a des idéaux premiers tels que tout autre idéal soit un produit d'idéaux premiers, uniquement déterminé à l'ordre près des facteurs.

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Pour citer cet article

Jean DIEUDONNÉ. DEDEKIND RICHARD (1831-1916) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • ALGÈBRE

    • Écrit par Jean-Luc VERLEY
    • 7 143 mots
    ...définissent avec précision l'appartenance d'une quantité à un tel corps, ils ne considèrent pas explicitement l'ensemble ainsi constitué. Il faut attendre Dedekind (qui introduit le mot corps) pour une étude systématique de certains corps d'un type assez général, les corps de nombres algébriques ; ce sont...
  • ANALYSE MATHÉMATIQUE

    • Écrit par Jean DIEUDONNÉ
    • 8 527 mots
    ...dont les « monstres » auraient été les manifestations. Ce doute fut levé par les travaux à peu près simultanés de Weierstrass, de Méray, de Cantor et de Dedekind, qui, par divers procédés, définirent les nombres réels à partir des nombres rationnels, au moyen de l'opération que nous appelons maintenant...
  • AXIOMATIQUE

    • Écrit par Georges GLAESER
    • 2 036 mots
    On doit à G.  Peano (1858-1932) et à R. Dedekind (1831-1916) un exposé axiomatique de la théorie des nombres entiers ; désirant caractériser axiomatiquement l'ensemble N* des nombres entiers strictement positifs, Peano prend comme concept primitif la fonction S qui, à tout entier, associe...
  • CANTOR GEORG (1845-1918)

    • Écrit par Hourya BENIS-SINACEUR
    • 2 886 mots
    • 1 média
    ...correspondant exact du continu géométrique linéaire. À cette date, Cantor n’a pas encore adopté la dénomination « nombre réel » introduite la même année par Dedekind dans l’opuscule Continuité et nombres irrationnels, où les réels sont définis par des « coupures » dans l’ensemble des rationnels – une coupure...
  • Afficher les 11 références

Voir aussi