RÉSERVES PHYSIOLOGIQUES Réserves végétales

Lipides, protéines et glucides de végétaux - crédits : Encyclopædia Universalis France

Lipides, protéines et glucides de végétaux

La continuité de l'espèce chez les Végétaux supérieurs ( Spermaphytes) est assurée par divers systèmes s'appuyant sur des structures dont la plus répandue et la mieux exploitée est la graine. Mais ce n'est pas le seul organe de conservation et de multiplication des plantes. Tubercules, rhizomes, bulbes, hibernacles et turions concourent aussi à leur propagation. Dans un cas comme dans l'autre, les espèces prévoyantes emmagasinent des réserves qui seront mises à la disposition du nouvel organisme au moment de la germination. Il les utilisera jusqu'à son sevrage, c'est-à-dire lorsque, devenu autotrophe, le jeune individu assurera en toute indépendance son alimentation. Ces réserves sont destinées à fournir les éléments de base utiles aux nouvelles synthèses tout en libérant l'énergie nécessaire à la vie. C'est ainsi que dans la graine, le moment venu, l'embryon muni de ses réserves pourra prendre possession du milieu avec le maximum de chances de survie, sans autre secours que l'air et l'eau. Il affrontera donc avec une certaine garantie de succès les facteurs ambiants plus ou moins hostiles.

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L'emmagasinement des réserves ne se limite pas aux graines, aux fruits, aux tubercules et autres organes de multiplication et de dissémination. Les racines, les tiges, les feuilles peuvent également accumuler les métabolites en excès, ce stockage étant accompagné ou non d'hyperplasies et d'hypertrophies plus ou moins accusées des tissus.

Réserves liées à l'économie générale de la plante

Réserves énergétiques

Les précurseurs des réserves sont au départ toujours des glucides, puisqu'ils sont synthétisés dans les parenchymes chlorophylliens. Les produits issus de la photosynthèse non utilisés par les feuilles migrent par voie libérienne vers des parenchymes de réserve où ils se déposeront généralement sous forme de glucides, plus rarement sous forme de lipides qui se constituent au détriment des glucides, ou encore de protides. C'est par exemple à partir des glucides solubles que se fabriquent les acides cétoniques qui permettront l'incorporation de l'azote et sa transformation en acides aminés.

La mise en réserve dépend des cycles nycthéméral, saisonnier, annuel et selon des modalités propres aux divers organes qui seront donc examinés tour à tour.

Racines

Prenons l'exemple de la betterave à sucre (Beta vulgaris). La betterave est une plante bisannuelle. La première année, elle s'étale en une rosette de grandes feuilles tandis que s'accroît sa racine qui se charge de saccharose (de 15 à 20 p. 100 du poids frais). Au début de la journée, les limbes foliaires sont dépourvus d'amidon. Grâce à une photosynthèse active, un excès de glucides se constitue rapidement ; ils s'accumuleront, sur place, sous forme d'amidon qui sera transformé en sucres réducteurs au cours de la nuit lorsque la photosynthèse aura cessé. D'autre part, pendant la période diurne elle-même, un flux (moins important cependant) est acheminé par la sève élaborée qui descend vers la racine pivotante, en passant par les pétioles des feuilles et la courte tige. En hiver, le pied entre en vie ralentie. La deuxième année, de nouvelles feuilles apparaissent. Les sucres qu'elles élaborent s'ajoutent aux réserves de la racine tubérisée qui s'épuisent pour assurer la croissance de la plante et la formation d'une tige qui portera en fin de végétation des semences bourrées de réserves. Il est évident que les agriculteurs effectueront la récolte au moment où les tubercules sont les plus riches en sucres.

Chicorée sauvage - crédits : Inna Nerlich/ Panther Media/ Age Fotostock

Chicorée sauvage

La chicorée (Cichorium intybus), le dahlia entassent dans leurs racines, sous forme d'inuline, le mélange de saccharose, de glucose et de fructose élaboré dans leurs feuilles, glucides transportés par les vaisseaux du phloème. L'uridine-diphosphate-fructose participe à cette biosynthèse.

Tiges et troncs

Les substances de réserve peuvent s'accumuler dans des tiges souterraines (fécules de pomme de terre, crosne du Japon, cyclamens, ignames...) ou aériennes (saccharose de la canne à sucre, des sorghos sucriers...). Chez le maïs, plante annuelle, la tige aérienne épaisse se charge au cours de la phase végétative de matières nutritives qui sont consommées lors de la floraison et de la fructification. Pour les espèces bisannuelles, le scénario s'identifie à celui qui a déjà été décrit dans le cas de la betterave.

Les arbres accumulent leurs réserves hydrocarbonées dans leurs troncs et dans leurs racines. La moelle de plusieurs palmiers (Metroxylon rumphii, M. sagu, Arenga...) est exploitée pour en extraire du sagou (jusqu'à 400 kg par arbre), amidon qui leur est particulier. Chez les arbres à feuilles persistantes, l'accumulation est maximale en période de reprise active de la végétation, c'est-à-dire au printemps. Les teneurs sont les plus élevées chez les Corypha, palmiers hapaxanthes, juste avant la floraison unique et très profuse qui précède la mort de l'individu après soixante-dix ans de vie végétative. Chez les arbres à feuilles caduques, l'accumulation, d'une part, et la consommation, d'autre part, des produits de réserve se font en relation avec les périodes de vie active et de vie ralentie, elles-mêmes liées au rythme saisonnier ; ainsi, c'est au moment de la chute des feuilles que les réserves seront le plus abondantes. Leur utilisation suivra, au printemps, la « montée de sève » qui réveille la vie végétative (elle fournit le sucre d'érable au Canada).

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Les processus métaboliques en jeu varient avec les espèces, avec le type de photosynthèse (C3, C4, CAM) et les conditions du milieu. La plante régularise son métabolisme et l'adaptera, dans certaines limites, aux circonstances. Cette homéostasie harmonise ses fonctions en rapport avec les facteurs ambiants et les facteurs internes. Dans tous ces phénomènes interviennent de nombreuses enzymes qui jalonnent les diverses étapes métaboliques. Le compartimentage intracellulaire complexe permet d'assurer une protection des systèmes métaboliques cellulaires. Cependant, certains stress induisent des changements enzymatiques. Ces modalités sont encore plus nettes quand il s'agit des réserves hydriques des végétaux.

Feuilles

Les feuilles peuvent contenir de forts pourcentages de protéines. L'une des plus importantes et des plus abondantes est la ribulose-diphosphate-carboxylase qui agit à la fois comme catalyseur et comme réserve. Elle représente de 40 à 80 p. 100 des protéines foliaires totales solubles du soja, de la luzerne, de la plupart des céréales. Elle est séquestrée dans les chloroplastes où elle se trouve protégée des protéases cytoplasmiques. Elle catalyse la fixation photosynthétique du CO2 et intervient dans l'assimilation des nitrates. Ces protéines emmagasinées dans la feuille migrent vers la graine lors de la croissance de celle-ci.

Les hautes teneurs en protéines des feuilles sont à la source d'une industrie de concentrés utilisés pour la nourriture du bétail ; cette utilisation est envisagée pour l'alimentation des hommes dans les régions où les protéines animales font défaut.

Fruits

Cépage cabernet - crédits : Tim Rue/ Corbis/ Getty Images

Cépage cabernet

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Le fruit est par excellence un organe d'emmagasinement de réserves. Celles-ci sont variées, mais, à maturité, ce sont les substances sucrées qui sont les plus abondantes et les plus courantes. Le raisin, la pomme, la poire, la banane, la châtaigne sont riches en glucides. Cependant, les transformations chimiques subies au cours de la croissance du fruit et de sa maturation sont complexes et différentes selon les espèces et variétés considérées et les conditions de développement.

Pommes - crédits : Tawakkaltu Ilallah / 500px/ Getty Images

Pommes

Poires - crédits : Teri A. Virbickis/ Moment/ Getty Images

Poires

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Les lipides sont d'ordinaire en faibles proportions. Toutefois, l'olive, l'avocat, le fruit du palmier à huile en renferment des quantités notables. En général, les lipides augmentent parallèlement à une diminution des glucides. D'autre part, R. Ulrich souligne que le fruit sur pied est le siège d'une accumulation de substances azotées, que la maturation est marquée par une active protéogenèse et que la sénescence est une phase de simplification moléculaire.

Réserves hydriques

Un type particulier de réserves se rencontre parmi les plantes adaptées aux régions arides et semi-arides qui accumulent d'abondantes quantités d' eau, qu'elles emploieront durant les périodes de sécheresse.

Selon leur morphologie et leur physiologie, plusieurs catégories de plantes peuvent être distinguées :

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– Les arbres-bouteilles, dont le tronc épaissi est surmonté le plus souvent d'une malingre frondaison aux feuilles caduques. Ce tronc est constitué d'une forte proportion de tissus parenchymateux gorgés d'eau, souvent parcourus par des canaux, des cavités ou des cellules à mucilage. Le baobab, sorte d'immense éponge, peut emmagasiner plus de 120 000 litres d'eau, ce qui explique que les pasteurs du sud de Madagascar, lors des pénuries d'eau, les débitent pour « abreuver » leurs troupeaux. Les Bombacacées d'Amérique du Sud (Cavanillesa, Chorisia...) bien adaptées à de rudes conditions de sécheresse ont d'inhabituels troncs en forme de baril, d'œuf ou de bouteille. Des espèces appartenant à d'autres familles présentent les mêmes possibilités d'emmagasinement (Adenium obsesum, Apocynacées, Moringa druardii, Moringacées, Adenia spp., Passifloracées...).

Arbre-bouteille - crédits : P. Jaccod/ De Agostini/ Getty Images

Arbre-bouteille

Baobab - crédits : vil.sandi/ flickr ; CC-BY-ND

Baobab

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– Les succulentes (plantes grasses) aux épidermes à cuticule épaisse, qui emmagasinent l'eau dans les feuilles (Lithops ou plantes-cailloux et autres Aizoacées, Agave, Aloe, Crassulacées...), les tiges (Stapelia, Euphorbia, Cactacées...) ou dans les racines et dans la région hypocotylaire (Pachypodium succulatum, Apocynacées).

Ici aussi l'accumulation d'eau peut être considérable. Carnegiea gigantea, ou sagouaro, Cactacée de l'Arizona, peut renfermer dans son appareil végétatif de 2 à 3 mètres cubes d'eau ou plus.

Les plantes succulentes sont intéressantes parce qu'elles manifestent des interrelations entre leur organisation foliaire, leur physiologie et leur métabolisme. Elles les conduisent à conserver l'eau tout en ayant une photosynthèse maximale sous des conditions d'aridité. Cette dernière est de type CAM (métabolisme acide crassulacéen). D'une manière inaccoutumée, les stomates des plantes CAM sont ouverts la nuit de manière à absorber le CO2 quand la transpiration est basse. Le CO2 est fixé grâce à la phospho-énol-pyruvate-carboxylase et conservé dans les vacuoles des cellules foliaires sous forme de malate ou d'aspartate. Dans la journée, les stomates sont fermés, ce qui limite les pertes d'eau à la seule transpiration cuticulaire. D'autre part, le CO2 est libéré et utilisé dans la synthèse glucidique selon la voie photosynthétique normale en C3.

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La plupart des plantes CAM modulent leur métabolisme d'après les conditions de l'environnement. Ainsi, leur fonctionnement varie selon que la saison des pluies ou la saison sèche sévissent, ou encore avec la durée de la photopériode. Les enzymes en jeu ne sont pas les mêmes en jours courts et en jours longs. D'autre part, la protection des propriétés membranaires est assurée par divers mécanismes, par exemple par la libération de simples sucres, de polyhydroxyalcools, de protéines. Les feuilles d'une même plante peuvent même appartenir à deux systèmes photosynthétiques différents selon leur position sur la plante et selon leur âge. Cela fait ressortir les remarquables qualités adaptatives et homéostasiques de nombreuses espèces.

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Écrit par

  • : professeur à l'université de Genève, directeur du département de biologie végétale

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Médias

Lipides, protéines et glucides de végétaux - crédits : Encyclopædia Universalis France

Lipides, protéines et glucides de végétaux

Chicorée sauvage - crédits : Inna Nerlich/ Panther Media/ Age Fotostock

Chicorée sauvage

Cépage cabernet - crédits : Tim Rue/ Corbis/ Getty Images

Cépage cabernet

Autres références

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    • Écrit par
    • 334 mots

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