VIE RALENTIE ou LATENTE

La vie latente — ou vie ralentie — est un état où toutes les activités sont réduites au minimum : la respiration et le dégagement de chaleur sont infimes, les échanges nutritifs sont nuls, il n'y a ni synthèses ni croissance ; pourtant l'organisme n'est pas mort, car si certaines conditions sont remplies, il peut reprendre la vie active dans toutes ses manifestations.

Elle se rencontre chez les graines, les bulbes, les tubercules, les spores, les grains de pollen, les plantes reviviscentes, etc. et, sous une forme plus atténuée, chez les arbres en hiver, les bourgeons dormants, et dans les organes qui interrompent pour un temps leur développement (diapause) : ovule dans l'attente de la fécondation, embryon pendant la maturation de la graine, etc.

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L'entrée en vie latente peut s'inscrire dans la suite d'un processus de développement (maturation de la graine), résulter de facteurs internes, sans doute hormonaux (inhibition des bourgeons axillaires par le bourgeon apical), ou être déclenchée par les conditions extérieures (sécheresse pour les plantes reviviscentes, raccourcissement des jours à l'automne pour les arbres).

La réduction des activités métaboliques est très souvent corollaire d'une faible teneur en eau : alors que dans un tissu végétal il y a généralement entre 500 et 1 500 grammes d'eau pour 100 grammes de matière sèche, dans une graine il n'y en a que 10 grammes. Les plantes reviviscentes, comme les lichens, les mousses, certaines fougères (Ceterach officinarum) et même quelques végétaux supérieurs (Ramondia pyrenaïca), entrent en vie latente quand leur teneur en eau descend en dessous de 150 grammes pour 100 grammes de matière sèche.

Mais la règle n'est pas absolue : dans un tubercule ou un bourgeon, la teneur en eau est élevée. La réduction des échanges est assurée par d'autres moyens (imperméabilité à l'eau et à l'oxygène du périderme du tubercule ou des écailles des bourgeons).

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Les tissus en vie latente doivent posséder des réserves suffisantes pour assurer la reprise ; elles se rencontrent dans les graines, les bulbes, les tubercules, et, pour les bourgeons, dans les rayons médullaires du bois, où elles se sont constituées à partir des synthétisats et des produits d'hydrolyse venus des feuilles qui se vident avant leur chute.

La vie latente constitue parfois un changement d'état si profond que non seulement les activités vitales sont ralenties, mais qu'il y a inaptitude interne au retour à la vie active. On dit qu'il y a dormance (la forme complémentaire, où il suffit du retour de conditions favorables pour la reprise de la vie active, étant parfois nommée quiescence).

Une graine, mise dans de bonnes conditions d'humidité, d'aération, de température, ne germe pas si elle est dormante. Il faut alors qu'un traitement spécial intervienne. C'est le plus souvent le froid humide de l'hiver qui assure la levée de dormance (dormances psychrolabiles), mais chez certaines espèces elle est levée par la lumière (dormances photolabiles, pigment responsable : le phytochrome). La cause de la dormance se situe dans les téguments (résistance mécanique excessive, production d'inhibiteurs) ou dans l'embryon lui-même. La dormance des semences est un phénomène très répandu chez les espèces sauvages ; elle est en général éliminée par sélection chez les cultivées (des grains d'avoine peuvent germer sur des gerbes longtemps mouillées, ce qui ne se produirait pas avec des graminées sauvages).

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Les bourgeons végétatifs ou floraux entrent généralement en dormance à l'automne ; c'est le froid de l'hiver qui lève leur dormance. Les boutons floraux de lilas sont formés dès le mois d'août, mais eux aussi ne peuvent éclore qu'après l'hiver, à moins qu'un procédé artificiel ne leur soit appliqué (forçage) : éther, chloroforme, etc. Les bulbes de tulipe sont formés dès l'été (thermo-induction chaude), puis ils entrent en dormance et il faut plusieurs semaines à température fraîche (moins de 10 0C) pour la lever.

La dormance renforce le caractère adaptatif de la vie latente : de belles journées de décembre pourraient être fatales à la végétation, si celle-ci sortait prématurément de sa vie latente et s'exposait en vie active aux rigueurs de l'hiver. Leur dormance les oblige à attendre le printemps.

— René HELLER

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  • : professeur honoraire de physiologie végétale à l'université de Paris-VII, membre de l'Académie d'agriculture

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