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RELIURE

La reliure moderne et contemporaine

Avec l'apparition des premières sociétés de bibliophiles – notamment Les Amis des livres constituée en 1874 –, une nouvelle bibliophilie vit le jour, qui reposait sur des éditions à tirage limité d'œuvres contemporaines, appelées « livres de peintre », et associait des textes d'auteurs classiques, voire de poètes modernes, à des artistes de l'époque. Ceux-ci eurent une influence déterminante dans l'évolution de la reliure originale. Une œuvre moderne réclamait en effet une interprétation moderne de la part du relieur. Le critique Henri Béraldi n'affirmait-il pas : « Le livre de son temps [doit être] dans la reliure de son temps. » L'ère du pastiche et du décor rétrospectif était dès lors révolue. Ceux-ci perdurèrent néanmoins dans de nombreux ateliers jusqu'à la Première Guerre mondiale. Il convient de souligner que, jusque dans les années 1960, la plupart des grands ateliers de reliure étaient situés à Paris.

Le développement de la reliure industrielle et semi-industrielle au cours de la seconde moitié du xixe siècle, avec ses cartonnages d'éditeur en toile (la percaline est utilisée), tels les fameux cartonnages polychromes Hetzel sur les livres de Jules Verne, créa de nouvelles habitudes visuelles et constitua une sorte de défi lancé à la reliure originale. Une tentative sérieuse de changement fut introduite par Amand (Pierre Chevannes, dit) au cours des années 1873-1876, avec ses « reliures emblématiques » et ses « reliures parlantes », ces dernières intégrant souvent des vignettes serties dans de vastes médaillons floraux exécutés en mosaïque de cuir de couleur.

Les précurseurs

Ce fut Henri Marius-Michel (1846-1925), fils d'un relieur parisien de renom Jean Michel, dit Marius-Michel, qui fit entrer la modernité dans la profession. Constatant que les relieurs avaient toujours créé des compositions assujetties au cuir et non des compositions apparentées au contenu du livre, il entreprit d'élaborer un répertoire de style ornemental qui lui permit d'adapter le décor des reliures au sujet des livres. Il choisit comme thème principal les plantes, représentées sous toutes leurs formes – fleur, pétale, feuille, tige et racine – et mit au point un style qu'il désigna du nom de « flore ornementale » et où la plante était représentée de façon à la fois stylisée et naturaliste. Mais ce n'est que vers la fin des années 1880 que ce style finit par être reconnu, grâce à plusieurs bibliophiles et historiens, comme Octave Uzanne, Henri Béraldi, Derome et Léon Gruel, qui exprimaient, dans leurs articles et leurs ouvrages, la volonté d'un changement. Ainsi, la reliure de Marius-Michel sur le Faust de Goethe, qui avait été illustré par Delacroix en 1828, est l'un des premiers livres de peintre. Réalisée en 1881, l'œuvre fut saluée par la critique de l'époque pour son ornementation florale. L'Exposition universelle de 1889 apporte la notoriété à Marius-Michel considéré comme le plus grand relieur de son temps, tandis que le jury de l'Exposition universelle de 1900 le reconnaît officiellement comme le premier relieur français en lui décernant le Grand Prix ainsi que le ruban de chevalier de la Légion d'honneur, distinction très rare à l'époque pour un artisan. Un siècle plus tard, on est en mesure d'apprécier plus justement la nouveauté apportée par Marius-Michel. Celle-ci se limite en réalité à la constitution d'un style et à une tentative d'adaptation nécessaire face à l'évolution du livre à la fin du xixe siècle. Demeuré fidèle aux matériaux et aux techniques traditionnels, Marius-Michel eut recours à des motifs floraux qui semblent bien plus aujourd'hui les pâles précurseurs de l'esthétique Art nouveau que les instruments[...]

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Écrit par

  • : journaliste, chargé de cours à l'École supérieure Estienne
  • : ancien membre de l'École française de Rome, conservateur en chef de la bibliothèque de l'Arsenal

Classification

Pour citer cet article

Pascal FULACHER et Jacques GUIGNARD. RELIURE [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • LIVRES EN BRODERIE. RELIURES FRANÇAISES DU MOYEN ÂGE À NOS JOURS (exposition)

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    L'exposition Livres en broderie (30 novembre 1995-24 mars 1996) et le catalogue qui l'accompagnait furent une révélation pour tous. En effet, aucune étude ni aucune recherche n'avaient jamais auparavant été consacrées aux reliures brodées. Le fait que cette manifestation ait pris place dans le...

  • ARABESQUE, histoire de l'art

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    • 1 180 mots

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