BIBLIOPHILIE
Le terme bibliophilie est de création récente, mais la chose est fort ancienne. Déjà, les Assyro-Babyloniens conservaient parfois dans un étui de terre cuite les tablettes, elles-mêmes de terre cuite et quasi indestructibles, qui leur tenaient lieu de livre. En Grèce et à Rome, le rouleau de papyrus (volumen), souvent teint, se développait autour de bâtonnets d'ivoire terminés par des boutons précieux. Au jour de l'An, Martial envoyait à ses amis ses poésies inscrites sur des tablettes d'ivoire, assurément dignes de bibliophiles. Dans une villa d'Herculanum, la bibliothèque renfermait plusieurs exemplaires d'une même œuvre, réunis par quelque collectionneur éclairé. Sénèque pourra cependant dénoncer les amateurs qui amassent les livres non pour les lire, mais pour les faire admirer (De tranquillitate animi, ch. ix). Mais au Moyen Âge, « les livres étaient plus rares et plus chers que les pierres précieuses » (Voltaire). Il est donc impensable que l'on ait pu réunir des livres sans être bibliophile.
Qui sont les bibliophiles ?
En fait, si l'on excepte les communautés religieuses et les hommes d'Église, seuls les souverains ou quelques grands seigneurs purent posséder des manuscrits, encore que l'on connaisse dès le xiie siècle le nom de quelques amateurs laïcs, dont un homme de loi limousin, Gérald de Rialac, et une bourgeoise de Tournai, Macroie Payenne. Leur nombre ira croissant avec le temps. Et si, jusqu'à la fin du Moyen Âge, les ouvrages les plus beaux et les plus luxueux restent les livres d'Église, on en trouve d'aussi précieux entre les mains d'amateurs éclairés comme Charles V, Jean de Berry ou les ducs de Bourgogne.
L'invention de l'imprimerie n'apportera d'abord aucun changement en ce domaine. À sa riche clientèle le grand libraire florentin Vespasiano de Bisticci ne propose que des manuscrits. Et en Italie comme en France, en Allemagne comme en Angleterre, les grands de ce monde qui se voient offrir des livres imprimés reçoivent des exemplaires sur vélin, enluminés à la façon des manuscrits. Au temps de l'humanisme et après Pétrarque, l'Italie demeure terre d'élection pour les bibliophiles, avec Cosme et Laurent de Médicis, Niccolo dei Niccoli, Enea Silvio Piccolomini (le futur pape Pie II) et Frédéric de Montefeltre, duc d'Urbin. C'est en Italie que Mathias Corvin, roi de Hongrie, réunit les plus belles pièces de sa collection, de l'Italie que reçoivent d'abord leurs leçons les amateurs français (souverains comme François Ier ou Henri II, riches financiers comme Jean Grolier, « le prince des bibliophiles », et son émule Thomas Mahieu), les Allemands comme l'empereur Maximilien ou l'électeur palatin Otton-Henri, et de l'Italie encore – mais par le canal de la France – Henri VIII et Édouard VI d'Angleterre ou Thomas Wotton. Tous se montrent d'abord soucieux d'éditions correctes et élégantes dans de belles reliures.
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Écrit par
- Jacques GUIGNARD : ancien membre de l'École française de Rome, conservateur en chef de la bibliothèque de l'Arsenal
Classification
Pour citer cet article
Jacques GUIGNARD, « BIBLIOPHILIE », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le . URL :
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