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PORTS MARITIMES

Pour les premiers marins, les ports ont représenté des abris, des lieux de refuge ou des havres plus ou moins bien aménagés sur les côtes lorsque les conditions de navigation étaient sévères. Puis, ils se sont avérés des lieux de chargement ou de déchargement des marchandises, insérés dans les villes à une époque où les transports maritimes étaient de loin la voie la plus adaptée pour commercer, ainsi que des lieux de stationnement des forces navales des nations maritimes.

Brest - crédits : Nicolas Le Maire Dit Bellegarde / EyeEm/ Getty Images

Brest

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Il existe quatre types principaux de ports : les ports de commerce, les ports de pêche, les ports de plaisance et les ports militaires. Aujourd'hui, les ports de commerce jouent un rôle essentiel dans la mondialisation, puisque, grâce à une massification toujours plus intense, les prix du transport maritime sont particulièrement faibles, si bien que 90 % des échanges internationaux de marchandises en volume et environ 80 % en valeur passent par cette voie, avec des navires dont les chargements peuvent atteindre couramment 300 000 tonnes pour des pétroliers ou 20 000 conteneurs pour des porte-conteneurs. Ces prix de transport, qui ont donc nettement baissé au fil des années, connaissent toutefois des variations conjoncturelles importantes en fonction de la situation, comme ce fut le cas pendant la pandémie de Covid-19. Les économies plus régionales bénéficient du cabotage le long des côtes et certains détroits resserrés sont très favorables aux déplacements intenses de passagers (Manche, Gibraltar, etc.).

Les ports de commerce maritimes sont donc aujourd'hui comme des poumons de l'économie mondiale qui, tout au long de leur histoire, ont su adapter leur logistique à la croissance des échanges et à celle de la démographie. Ils évoluent dans un contexte concurrentiel très marqué qui a forgé l'unité et la diversité de leurs communautés humaines, qu'abritent les places portuaires associées. Ces mutations ont été à la fois spatiales, technologiques et organisationnelles. Ainsi, pour se développer, les ports ont dû s'éloigner des villes et se déployer sur des territoires toujours plus étendus, gagnés sur les estuaires, sur les franges littorales disponibles, voire sur la mer, ce qui a fait émerger la notion de port durable, symbole des nouveaux équilibres spatiaux, car ces mêmes espaces peuvent aussi servir pour partie à développer des activités touristiques, à faire croître des ressources vivantes piscicoles ou conchylicoles ou à assurer le respect de préoccupations plus globales (biodiversité végétale ou animale dans des milieux favorables, réduction des émissions polluantes ou de gaz à effet de serre).

Histoire contemporaine des ports

Développement portuaire

L'histoire du développement des ports de commerce est étroitement liée à celle de la navigation maritime et à la géographie du commerce mondial. En se limitant à la période contemporaine (de la fin du xixe à nos jours), et pour simplifier la présentation générale de leur utilisation, quatre étapes de développement sont souvent retenues : le port traditionnel, le port industriel, le port moderne et le port durable.

L'étape du port traditionnel, qui va durer jusqu'au début des années 1970, est marquée pour le fret par la croissance considérable de la capacité d'emport des navires, de 5 000 tonnes de port en lourd (tpl) à quelque 500 000 tpl avec des tirants d'eau qui sont passés de 7 à 25 mètres. Pour les passagers, en revanche, l'essor des lignes régulières transatlantiques et transocéaniques, qui a connu son apogée dans l'entre-deux-guerres, s'est effondré avec le développement du transport aérien dès les années 1950. Techniquement, l'adaptation pour le fret s'est opérée en approfondissant les chenaux d'accès maritimes, en stabilisant les fleuves grâce à des systèmes de digues fondées à terre, en réalisant des ensembles de darses soumises aux rythmes de la marée (bassins de marée) ou à niveau constant (bassins à flot), grâce à des écluses dont les dimensions s'adaptent peu à peu à la taille croissante des navires. Les pré- et postacheminements s'opèrent principalement par voie ferroviaire et fluviale, la voie routière étant encore peu développée. Des systèmes de ponts levants franchissent les chenaux d'accès. Pour les passagers, l'essor des déplacements routiers entraîne celui des lignes de ferries. L'exploitation des ports recourt à une main-d'œuvre très abondante, principalement des dockers ou ouvriers portuaires, pour des opérations qui vont peu à peu se mécaniser ou s'automatiser (manutention des charges à transporter). Les terminaux reçoivent soit des marchandises en vrac, solides ou liquides, soit des marchandises diverses, qui comprennent de plus en plus de produits manufacturés.

Pétrolier - crédits : Wayne Eastep/ The Image Bank/ Getty Images

Pétrolier

La deuxième période correspond au développement de l'industrie dans les zones portuaires elles-mêmes. Elle couvre à peu près la fin des années 1970 et la décennie 1980 où, à cause des deux premiers chocs pétroliers et en raison des risques de pollution, la taille des navires pétroliers cesse de croître (abandon des projets de 1 000 000 tpl) et où de vastes zones industrialo-portuaires sont confiées à la gestion des ports pour accueillir diverses industries (sidérurgie, pétrochimie, cimenteries, agro-industrie, etc.). De très importantes écluses (400 m de longueur) sont conçues dans les ports majeurs pour pouvoir accueillir des navires au droit des sites industriels.

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Le port moderne apparaît dans les années 1990 : il correspond à la fois au formidable essor de la conteneurisation qui, bien que née dès les années 1960, va alors connaître son plein développement à tel point qu'on peut presque déplacer en conteneurs tout ce qui peut s'imaginer. Cette période correspond aussi au déploiement progressif des technologies de l'information et de la communication avec d'abord le plein essor des échanges de données informatisées, puis avec le développement d'Internet. La forte valeur des marchandises transportées en conteneurs et des navires correspondants impose des temps de séjour au port des marchandises et des durées d'escale des navires toujours plus courts. D'où une recherche constante de productivité des opérations qui passe à nouveau par la croissance de la taille des navires, par l'adaptation des moyens de déchargement et par des temps de séjour à quai réduits. L'automatisation des opérations s'accroît et leur logistique se déplace vers des centres d'entreposage ou vers des centres de distribution qui permettent de conditionner les produits en les adaptant aux besoins du consommateur final. De fait, des moyens de massification adaptés (navettes ferroviaires ou fluviales) sont déployés. Lorsque la configuration des côtes le permet, la massification s’opère aussi par la voie maritime (cabotage à courte distance). L'échange de données électroniques et l'amélioration des précisions en localisation (liée aux techniques satellitaires et à la reconnaissance des formes) permettent de suivre la marchandise en temps réel, de la localiser et de développer de nouveaux savoir-faire. L'organisation de la place portuaire est perçue comme un moyen essentiel d'accroître l'attractivité et la compétitivité du port lui-même.

L’étape suivante, qui se concrétise dès les années 2010, est bien celle du port durable, c'est-à-dire capable d'inscrire son développement logistique en tenant compte de la rareté des espaces qu'il occupe, comme de faire face aux enjeux physiques que comportent les risques du changement climatique (élévation du niveau marin, variation des fréquences d'apparition des niveaux marins extrêmes). Cette question concerne beaucoup les ports européens ou américains. L'organisation par les États de débats publics liés aux aménagements futurs permet aujourd'hui aux places portuaires d'intégrer à leur développement, et à celui de leurs communautés humaines, les demandes sociétales internationales (préservation de la biodiversité ou des zones humides, modification des pratiques de pêche, traitement des effluents des navires, gestion des eaux de ballast pour éviter les espèces invasives, limitation des émissions atmosphériques polluantes ou de gaz à effet de serre, etc.) dans leur contexte législatif propre.

Développement des aménagements portuaires

L' aménagement des espaces portuaires combine une vision spatiale du développement du port et une connaissance précise du génie portuaire, c'est-à-dire des règles de dimensionnement et des techniques de réalisation des ouvrages correspondants. Cette vision et cette connaissance requièrent aussi d’être partagées avec toutes les parties prenantes à ces développements (collectivités territoriales, armateurs, chargeurs, pêcheurs, professions portuaires, associations de protection de l’environnement, etc.) et aussi, bien sûr, avec le grand public.

La vision spatiale nécessite de projeter le développement de l'activité portuaire et de ses conditions de fonctionnement logistique à une ou deux décennies côté mer et côté terre, voire davantage si l’on se projette au terme de la phase de transition énergétique ou aux horizons des projections climatiques puisque le port en réalise l'interface. Elle demande également de tenir compte des règles applicables aux implantations d'activités industrielles, logistiques ou de service, et enfin de composer avec les conséquences des aménagements sur des espaces naturels protégés. Ce travail est généralement réalisé à l'aide d'un plan masse (master plan) établi de façon plus ou moins réglementaire selon les pays : pour le port de Los Angeles, la Californie a imposé par voie législative une approbation formelle du plan masse et de tout aménagement portuaire qui lui correspond.

Port maritime : schéma de principe - crédits : Encyclopædia Universalis France

Port maritime : schéma de principe

L'appréciation des travaux à réaliser revient souvent au port lui-même, dans la mesure où il est généralement maître d'ouvrage des infrastructures à concevoir. Il faut à la fois concevoir les chenaux d'accès et leur système de signalisation (balisage), déterminer la passe d'entrée et ses musoirs adjacents ainsi que les jetées destinées à protéger l'avant-port des houles les plus sévères, répartir les darses et concevoir les ouvrages d'accostage (postes et quais) de façon à économiser l'espace disponible et à permettre un accès sûr des navires aux postes à quai où ils réaliseront leurs opérations de chargement et de déchargement avec un niveau réduit d’agitation des plans d’eau. Les terminaux sont généralement définis comme des espaces à aménager par des opérateurs qui y réalisent les investissements de superstructures (revêtement des terre-pleins, positionnement des engins de manutention, réalisation des hangars, des voies de circulation et des bâtiments d'exploitation proprement dits, ainsi que des postes de contrôle d'accès).

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Quelques évolutions de la période contemporaine peuvent être rappelées sur trois sujets : les ouvrages, les techniques de conception et les services.

Les ouvrages

Parmi les techniques de conception des postes d'accostage qui ont connu les plus forts développements, on peut citer : les ducs-d'Albe (du nom du chef de guerre espagnol du xvie siècle qui les inventa sous forme de pieux en bois), qui sont des tubulures métalliques de forme cylindrique, ancrées au fond de l’eau, liées entre elles et fort utilisées pour réaliser nombre de postes pétroliers ou gaziers, ainsi que pour des postes rouliers accueillant des ferries qui ne nécessitent pas de disposer de moyens de déchargement lourds ; les caissons Jarlan, qui présentent la particularité de disposer d'ouvertures permettant d'absorber l'énergie des houles incidentes et d'amortir l'agitation des plans d'eau portuaires ; le déploiement des parois moulées de grande hauteur ; les digues flottantes, qui, comme au port de la Contamine à Monaco, permettent de faire l'économie de structures posées au fond (souvent très volumineuses en raison de la profondeur des fonds) et offrent la possibilité d'utiliser des techniques dérivées de l'ingénierie offshore qui, avec les plates-formes en mer et les éoliennes marines flottantes, a développé des outils de conception pleinement adaptés à l’ensemble des installations flottantes.

Techniques de conception

Pour les techniques de conception, on peut citer l'évolution des méthodes de dimensionnement de la largeur des chenaux d'accès, qui est passée par la méthode empirique et pragmatique du marin pratique (le pilote, le commandant de navire), par la méthode dite des écarts maximaux afin d'essayer de déterminer les mouvements extrêmes des futurs navires lors de leurs manœuvres d'approche des quais, par des méthodes de probabilité fondées sur la simulation et utilise aujourd'hui une combinaison des méthodes précédentes et des résultats fournis soit par des maquettes physiques de navires télécommandés, soit par des modèles mathématiques reproduisant la trajectoire des navires et calés sur les essais réalisés lors de la mise en service de ces navires. Souvent, d’ailleurs, des simulateurs utilisés par les stations de pilotage servent aussi aux ingénieurs portuaires pour vérifier la pertinence de leurs dimensionnements au regard des trajectoires des navires. La réflexion sur les profondeurs autorisées est aussi essentielle car elle interfère avec les dragages, qui peuvent représenter des coûts importants de maintien des accès nautiques (notamment avec des profondeurs accrues), et donne lieu aujourd'hui à divers concepts améliorant la notion traditionnelle de pied de pilote (marge de hauteur libre sous la quille du navire) et tendant à la faire évoluer vers une gestion dynamique, notamment dans les ports les plus soumis aux dépôts de sédiments fins (vases, silts). Dans cet esprit, on a observé une nette amélioration des modèles mathématiques hydrauliques et sédimentologiques qui, combinés avec des modèles réduits physiques, permettent aujourd'hui de déterminer l'évolution des fonds et des courants dans les darses et les chenaux d'accès avec une assez bonne précision à l'horizon de quelques décennies.

Services

Les services portuaires ont été marqués eux aussi par une adaptation constante à la taille des navires (formes de radoub fixes ou flottantes adaptées à des navires de 400 mètres de longueur) et par une augmentation des puissances des remorqueurs (jusqu’à 8 000 CV pour un remorqueur portuaire et 22 000 CV pour un remorqueur de sauvetage en haute mer) et de leur manœuvrabilité (propulseur orientable).

Ferry - crédits : Dukas/ Steve Vidler/ Universal Images Group/ Getty Images

Ferry

La conception des gares maritimes s'est modifiée puisque les anciennes gares des paquebots se sont transformées en terminaux adaptés aux ferries de grande taille et aux navires de croisière comme le Wonder of the Seas, sorti des Chantiers de l'Atlantique et mis en service en 2021. À titre indicatif, le tonnage de celui-ci est 60 % plus important que celui du Queen Mary 2, le plus grand paquebot du monde à sa mise en service en 2004.

Les services environnementaux aux navires (réception et traitement des eaux de ballast et des déchets produits à bord ; électricité fournie à bord depuis la terre de façon à limiter les émissions de gaz à effet de serre et les émissions atmosphériques polluantes à quai telles que le dioxyde de soufre, les particules fines, l’oxyde d’azote) représentent un axe de développement majeur des ports, et une compétition s'opère entre les chantiers navals, qui tendent à intégrer ces services à bord des navires, et les ports, qui les proposent eux aussi à terre. D'autres services sont liés aux suites des attentats du 11 septembre 2001, puisque les États-Unis ont progressivement imposé à tous les ports desservant leurs propres ports des mesures de sûreté qui comportent toute une série de vérifications et de contrôles dont la systématisation internationale s'est accrue avec le code ISPS (International Ship and Port Facility Security Code) de l’Organisation maritime internationale (OMI, rattachée à l’ONU) adopté en 2004. Elle s’est étendue aux terminaux à conteneurs et a conduit progressivement à une fermeture physique des terminaux. Ces services s'ajoutent aux services de sécurité comme les systèmes de scanners des conteneurs pour les ports les plus importants afin de lutter contre les trafics de drogue, d’armes ou d’explosifs.

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À partir des années 2010, la prise de conscience des effets globaux du réchauffement climatique s’est accélérée. Elle conduit les ports à favoriser la transition énergétique vers le recours à des énergies décarbonées ou neutres en carbone pour leurs propres activités et à veiller à la décarbonation des industries ou des services qui opèrent sur les espaces fonciers dont ils ont la charge.

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Écrit par

  • : ingénieur général des ponts, des eaux et des forêts, membre associé de l'Inspection générale de l'environnement et du développement durable
  • : directeur technique au port autonome du Havre

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Brest - crédits : Nicolas Le Maire Dit Bellegarde / EyeEm/ Getty Images

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Pétrolier - crédits : Wayne Eastep/ The Image Bank/ Getty Images

Pétrolier

Port maritime : schéma de principe - crédits : Encyclopædia Universalis France

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