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PÉLAGIANISME

La doctrine de Pélage

Le pélagianisme repose essentiellement sur la conception selon laquelle l'homme peut toujours choisir également entre le bien et le mal. Une telle théorie, héritée du stoïcisme, n'est pas, en soi, absolument neuve ; elle l'est seulement par les conséquences que Pélage et ses partisans en tirent. Pour l'exercice de ce choix, pensent-ils, l'homme dispose librement de son corps et de ses membres. Sa volonté est toujours prête à affronter la double option, et elle n'est pleinement libre qu'en tant qu'elle reste capable de ce choix. Mais c'est dans un dessein pédagogique et pastoral, afin de stimuler les énergies de ses disciples, que Pélage, qui était un ascète, ne cesse d'insister sur la valeur de l'homme et de son autonomie : dans sa Lettre à Démétriade (écrite entre 412 et 414), il développe l'idée que l'homme est le chef-d'œuvre de Dieu, et que ce dernier lui a donné, par un privilège unique, la raison, c'est-à-dire la conscience de ses actes. Ainsi, c'est la raison qui permet à l'homme de dominer les autres créatures et des êtres qui peuvent lui être supérieurs par la force ; c'est elle qui lui permet de connaître Dieu. La raison est donc un caractère spécifique, essentiel de l'homme. Elle fait de lui, seul dans tout l'univers, l'exécuteur, volontaire et non contraint par quelque nécessité, de la justice de Dieu. En lui permettant de distinguer le bien du mal, elle laisse ainsi à l'homme la possibilité de mériter par lui-même son salut, car la possibilité de désobéir à la Loi divine est la condition même de cette liberté qui constitue l'éminente dignité de l'homme. Ce texte capital fonde l'autonomie de l'homme par rapport à Dieu et établit entre ce dernier et la créature des relations empreintes d'une totale liberté, étant bien entendu que, chez Pélage, cette autonomie n'existe que située dans un contexte religieux et chrétien. De plus, cette éminente dignité de l'homme est le témoignage de la bonté de la création. Cela implique la notion, alors assez peu fréquente chez les théologiens chrétiens, souvent prisonniers des polémiques contre le paganisme, d'une naturalis quaedam sanctitas, qui constitue, pour Pélage, le soubassement naturel des vertus chrétiennes.

C'est donc la liberté qui règle les rapports entre l'homme et Dieu ; par elle, l'homme atteint ses vraies dimensions. Dans son commentaire des Épîtres pauliniennes, Pélage rejette avec horreur tout fatalisme, toute contrainte héréditaire et physiologique qui viendrait, tel le péché originel, s'opposer à l'exercice de cette liberté et amoindrir en l'homme l'œuvre du Créateur. Mais, en réalité, et parce qu'il est un ascète préoccupé des moyens concrets de faire son salut, il donne plus d'importance à la praxis qu'à la theoria. L'autonomie de l'homme dans la création et par rapport à Dieu ne prend toute sa signification qu'en tant qu'elle est la condition nécessaire et suffisante de l'impeccantia, de ce pouvoir inhérent à la nature même de l'homme, qui peut, s'il le veut, être sans péché. C'est de cette prémisse, le pouvoir d'impeccance, que part Pélage. Il est, d'autre part, suffisamment entraîné au maniement des catégories aristotéliciennes pour distinguer, lorsqu'il parle du péché, entre l'accident et l'essence : le péché, pour lui, ne peut être doué d'existence en soi, il n'est pas une substantia ; il ne peut être générateur d'autres péchés. Il n'est qu'un acte de désobéissance, c'est-à-dire manifestation libre du choix de l'homme. Cet acte par lequel celui-ci manifeste sa liberté, Pélage l'a défini par la formule : posse[...]

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Écrit par

  • : professeur émérite à l'université de Paris-Sorbonne, directeur de l'Institut de recherches pour l'étude des religions

Classification

Pour citer cet article

Michel MESLIN. PÉLAGIANISME [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • AUGUSTIN saint (354-430)

    • Écrit par Michel MESLIN
    • 8 969 mots
    • 2 médias
    ...était-il en voie de solution qu'un autre problème grave sollicitait l'attention de l'évêque d'Hippone. Un concile réuni à Carthage condamnait, en 411, la doctrine d'un moine, Celestius, qui se réclamait de l'enseignement de Pélage, moine breton très influent dans une certaine société aristocratique romaine....
  • CARTHAGE CONCILES DE

    • Écrit par Pierre Thomas CAMELOT
    • 403 mots

    Métropole de l'Afrique proconsulaire, étendant son autorité jusqu'à la Numidie et la Maurétanie, Carthage vit se réunir autour de ses évêques de nombreux conciles. Vers 220, Agrippinus réunit soixante-dix évêques qui refusent de reconnaître le baptême conféré par des hérétiques....

  • CÉLESTIUS (Ve s.)

    • Écrit par Pierre Thomas CAMELOT
    • 282 mots

    Disciple de Pélage. Originaire sans doute d'Italie, Célestius rencontra celui-ci à Rome vers 405 et se mit à son école. Il le suivit en Afrique vers 410. Condamné par le concile de Carthage (411) à cause de sa position sur la baptême des enfants, il passe d'abord en Sicile, puis en Orient : à Éphèse,...

  • OROSE (1re moitié Ve s.)

    • Écrit par Hervé SAVON
    • 1 600 mots
    ...erreurs d'Origène. D'autre part, ce jeune homme, endurant et tout dévoué à Augustin, serait un excellent messager. Orose trouva la Palestine agitée par une controverse qu'il avait déjà rencontrée à Carthage : la querelle pélagienne. Jérôme, qui avait pris sur ce point le même parti qu'Augustin, accusait...

Voir aussi