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WILDE OSCAR (1854-1900)

Portrait de l’artiste en jeune esthète

Les débuts de la carrière de Wilde ont partie liée avec l’esthétisme. Ce mouvement littéraire et artistique, qui naît à la fin des années 1870, se veut une quête de la beauté et un combat contre la laideur qui caractériserait une Grande-Bretagne défigurée par la révolution industrielle et dominée par le matérialisme.

À Oxford, Wilde rencontre deux des maîtres à penser de l’esthétisme, qui contribueront à façonner son œuvre future : John Ruskin (1819-1900) et Walter Pater (1839-1894). Ruskin croit en la vertu sociale de l’art et en la corrélation entre beauté et morale ; il s’érige en critique de la société victorienne. Il initie Wilde à l’amour du beau, mais l’écrivain irlandais se détachera de son mentor pour plaider en faveur d’une dissociation de l’art et de la moralité. Pater, quant à lui, est l’auteur d’essais teintés d’homoérotisme sur la Renaissance italienne (La Renaissance. Études d’art et de poésie, 1873) et la Grèce antique (Platon et le platonisme, 1893), dans lesquels il met l’accent sur la fugacité des sensations. Il formule l’idée, reprise par Wilde, de faire de sa vie une œuvre d’art. Encore étudiant à Oxford, Wilde publie, en 1877, dans un périodique irlandais, un compte rendu de l’exposition annuelle à la Grosvenor Gallery, nouvel espace londonien qui vient d’ouvrir ses portes et accueille les œuvres des artistes associés à l’esthétisme. Un second compte rendu suivra en 1879.

À l’issue de ses années d’études à Oxford, Wilde s’installe à Londres en 1879, dans l’espoir de se forger un nom. Il y partage un logement avec le peintre Frank Miles (1852-1891) et fait paraître un recueil poétique intitulé Poèmes (1881). L’accueil est tiède, voire hostile : ces poèmes seraient, selon les critiques, des fleurs de serre manquant de vigueur et d’originalité, ce que souligne une caricature de George du Maurier (1834-1896) parue le 21 juin 1881 dans le magazine satirique Punch, qui mène campagne contre l’esthétisme et les esthètes au début des années 1880.

Cette campagne contre l’esthétisme constitue paradoxalement une forme de publicité pour ce mouvement. Richard D’Oyly Carte (1844-1901), imprésario qui espère tirer profit de celui qu’il considère comme l’un des modèles de Bunthorne, l’esthète moqué dans l’opérette de W. S. Gilbert et A. Sullivan Patience (1881) – satire de l’esthétisme que D’Oyly Carte produit par ailleurs –, propose à Wilde de donner des conférences en Amérique du Nord. Le 2 janvier 1882, ce dernier débarque à New York. Une année durant, il sillonne le sous-continent et, vêtu d’une tenue soigneusement étudiée, y prononce trois conférences sur le mouvement esthétique britannique (« La Renaissance anglaise », « Les arts décoratifs » et « La maison belle »), qui exaltent le culte de la beauté et la nécessité de faire de la vie un art.

De retour à Londres, Wilde épouse, le 29 mai 1884, Constance Lloyd, dont il aura deux fils, Cyril, né en 1885, et Vyvyan, né en 1886. Il se lance dans le journalisme et devient, entre 1887 et 1889, rédacteur en chef d’un magazine féminin, TheLady’s World, rebaptisé à son instigation TheWoman’s World. Il commence également à publier de brèves fictions dans des périodiques : en février et mars 1887, « Le fantôme des Canterville », nouvelle humoristique dans laquelle des Américains terrorisent le fantôme qui hante leur demeure anglaise ; « Lady Alroy », en mai 1887 (qui sera repris sous le titre « Un sphinx sans secret » dans LeCrime de lord Arthur Savile et autres nouvelles, 1891), reposant sur le paradoxe selon lequel le « secret » du personnage féminin principal est précisément qu’elle n’en possède pas ; à la fin de 1887, « Le crime de lord Arthur Savile », qui s’inscrit dans le genre policier, nouveau à[...]

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Écrit par

  • : maître de conférences à l'université de Reims Champagne-Ardenne

Classification

Pour citer cet article

Xavier GIUDICELLI. WILDE OSCAR (1854-1900) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Média

Oscar Wilde, 1882 - crédits : Napoleon Sarony/ Everett Historical/ Shutterstock

Oscar Wilde, 1882

Autres références

  • OSCAR WILDE, L'IMPERTINENT ABSOLU (exposition)

    • Écrit par Françoise COBLENCE
    • 1 078 mots
    • 1 média

    Oscar Wilde aurait affirmé à André Gide : « J’ai mis tout mon génie dans ma vie ; je n’ai mis que mon talent dans mon œuvre. » Fidèle à cette déclaration, l’exposition du Petit Palais (28 septembre 2016-15 janvier 2017) présente Oscar Wilde en « impertinent absolu » et mêle étroitement la vie et...

  • LE PORTRAIT DE DORIAN GRAY, Oscar Wilde - Fiche de lecture

    • Écrit par Marie-Gabrielle SLAMA
    • 732 mots
    • 1 média

    Le Portrait de Dorian Gray est l'unique roman du sulfureux écrivain d'origine irlandaise Oscar Wilde (1854-1900), par ailleurs dramaturge et auteur de contes. En l'écrivant, Wilde relevait le défi de l'éditeur américain J. M. Stoddart, à la recherche de textes pour sa revue, le ...

  • BEAUTÉ, MORALE ET VOLUPTÉ DANS L'ANGLETERRE D'OSCAR WILDE (exposition)

    • Écrit par Marie-Claude CHAUDONNERET
    • 1 029 mots
    • 1 média

    Après le Victoria and Albert Museum de Londres (2 avril-17 juillet 2011), le musée d'Orsay (12 septembre 2011-15 janvier 2012), puis le Legion of Honor San Francisco (18 février-17 juin 2012), l'exposition consacrée à l'Aesthetic Movement a permis de mettre en lumière un mouvement...

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    • Écrit par Jean-Paul BOUILLON
    • 744 mots

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  • PHYSIOGNOMONIE

    • Écrit par Anne-Marie LECOQ
    • 8 002 mots
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    ...alors un délicieux suspense. Par un trait de génie, Victor Hugo fait du hideux Quasimodo un ange et de « l'homme qui rit » un désespéré ; Oscar Wilde réserve au portrait de Dorian Gray les stigmates de la laideur morale, que rien ne trahit sur le visage du héros lui-même. Mais ces renversements...

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