OCÉAN ET MERS (Vie marine) Vie pélagique
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Le domaine pélagique est représenté par l'ensemble des eaux de l'océan mondial ; les êtres vivants qui peuplent ce domaine constituent le pelagos.
Le degré de liberté de ces êtres vivants par rapport aux mouvements des masses d'eau au sein desquelles ils vivent conduit à subdiviser le pelagos en deux grands ensembles : le plancton et le necton. Le plancton est constitué par les êtres végétaux ou animaux dont les mouvements propres (lorsqu'ils existent) n'ont pas une ampleur suffisante pour leur permettre de surmonter ceux de la masse d'eau qui les porte ; à l'exception de certains déplacements verticaux périodiques, qui sont conditionnés par l'alternance des nuits et des jours (migrations nycthémérales), les êtres planctoniques sont transportés passivement. Le necton, quant à lui, désigne l'ensemble des animaux dont la mobilité propre est suffisante pour leur permettre de surmonter les courants. Il ne comprend que des animaux de taille assez importante : quelques crustacés nageurs, de nombreux céphalopodes, poissons et cétacés.
On distingue parfois, à côté du plancton, deux autres catégories mineures : le neuston et le pleuston. Le neuston est constitué par les êtres vivant au niveau de l'interface de l'eau et de l'air ; certains (épineuston) qui, en quelque sorte, marchent sur l'eau ne sont guère représentés dans les milieux océaniques que par des insectes hémiptères du genre Halobates, assez analogues aux Gerris qui courent sur les mares ou les parties calmes des ruisseaux. Il semble également que la couche d'eau la plus superficielle (de 0 à 2 cm env.) renferme un peuplement assez particulier (hyponeuston), différent de ce que l'on considère habituellement comme étant le plancton de surface ; si les algues unicellulaires qui y vivent ne paraissent rien présenter de spécifique, en revanche, les animaux y montrent souvent une pigmentation bleue, ce qui les protège, semble-t-il, de certaines radiations. Le pleuston regroupe les animaux dont le corps émerge partiellement au-dessus de la surface, et qui se trouvent, de ce fait, soumis concurremment à l'action des courants et à celle des vents ; c'est le cas de divers siphonophores (Velella, Porpita, Physalia, cette dernière ayant de redoutables propriétés urticantes), et du gastéropode Janthina, qui flotte grâce à un radeau de bulles de mucus.
Le plancton
Quoique, dans l'ensemble, le plancton soit constitué d'espèces de petite taille, on a pu en établir une classification fondée sur des critères dimensionnels, allant du picoplancton (10—12 m), représenté surtout par des bactéries, jusqu'au mégaloplancton, où l'on classe les invertébrés qui dépassent 5 cm de longueur, en passant par de minuscules eucaryotes de moins d'un micromètre de diamètre (10—6 m). Les catégories dimensionnelles supérieures ne renferment que des espèces animales (zooplancton), alors que des espèces végétales (phytoplancton) dominent dans les catégories correspondant aux tailles les plus faibles.
Au sein du zooplancton, on distingue des êtres vivants, dits holoplanctoniques, dont la totalité du cycle biologique se déroule au sein des eaux, par opposition aux espèces méroplanctoniques, dont le cycle biologique se partage en deux périodes inégales : l'une planctonique, la plus courte, l'autre benthique, la plus longue.
Composition
Le plancton végétal, ou phytoplancton, est exclusivement constitué d'organismes unicellulaires. Les deux groupes les plus importants, tant par le nombre des espèces que par l'abondance des populations, sont les diatomées, dont les cellules sont protégées par une enveloppe siliceuse, et les dinoflagellés à enveloppe chitinoïde, enveloppe souvent pourvue de prolongements ou d'épines (cf. dinophycées).
Quoique présentes dans toutes les mers, les diatomées forment, du point de vue quantitatif, l'essentiel du plancton végétal des mers froides. Les dinoflagellés, qui possèdent deux flagelles, l'un circulaire et équatorial, l'autre parallèle au grand axe du corps, sont surtout abondants dans les mers chaudes et tempérées chaudes.
Parmi les protophytes dotés de flagelles, on trouve encore des silicoflagellés à squelette siliceux, d'ailleurs assez rares dans les océans actuels, et surtout des coccolithophoridés, dont la taille est très inférieure à celle des diatomées et à celle des dinoflagellés. Les coccolithophoridés sont surtout abondants dans les mers chaudes où leur nombre est plus élevé que celui des dinoflagellés, ces derniers organismes l'emportant toutefois quant au pourcentage de la biomasse en raison de leur taille supérieure. Dans le phytoplancton, on trouve aussi en abondance des flagellés chlorophylliens « nus », c'est-à-dire dépourvus de squelette ; ils sont relativement mal connus en raison de leur taille microscopique et de leur fragilité qui en rendent l'étude très difficile. Il faut aussi citer les cyanobactéries, bactéries connues de longue date par le genre Trichodesmium, qui deviennent parfois localement, surtout dans les eaux tropicales, un élément du plancton suffisamment dominant pour altérer la couleur de l'eau. Ces cyanobactéries ont la capacité de fixer l'azote gazeux et n'ont donc pas besoin de nitrates à l'état dissous. La découverte de minuscules prochlorophytes, comme Prochlorococcus, mis en évidence dans la mer des Sargasses en 1986, ou encore de Synechococcus, qui appartient également aux cyanobactéries, a permis de révéler une nouvelle boucle trophique entre la production paraprimaire bactérienne et de minuscules prédateurs. Ces organismes sont parmi les plus petits que l'on connaisse, avec des dimensions inférieures au micromètre (0,6 μm dans le cas de Prochlorococcus). On s'est aperçu qu'ils abondent dans tous les océans aux latitudes basses et moyennes, dans des régions que l'on considérait jusque-là comme oligotrophes (peu fertiles). Leur densité peut atteindre 100 000 à 200 000 cellules par millilitre. Capables de photosynthèse, ils contribuent pour une part importante à la fixation du dioxyde de carbone atmosphérique ainsi que de l'azote moléculaire gazeux.
Enfin, un autre organisme minuscule, Ostreococcus tauri, a été découvert dans l'étang de Thau en 1994. Celui-ci est en fait répandu dans tous les océans à des densités très élevées. Contrairement aux cyanobactéries, Ostreococcus tauri est un eucaryote, c'est-à-dire qu'il possède vingt chromosmes enfermés dans un noyau, à l'intérieur d'une cellule d'un micromètre environ de diamètre. Cet organisme semble être l'ancêtre des plantes vertes, et est vraisemblablement apparu il y a un milliard et demi d'années. Comme les petites cyanobactéries, Ostreococcus joue un rôle important dans la fixation du dioxyde de carbone et est l'objet de nombreuses recherches.
Un panorama de l'holoplancton animal conduirait à passer en revue les trois quarts des embranchements du règne animal. Le groupe majeur, tant par le nombre des espèces que par le pourcentage qu'il représente dans la biomasse totale, est celui des crustacés. Les plus importants de ceux-ci sont les copépodes, qui sont les principaux utilisateurs des productions primaire et paraprimaire, mais qui possèdent aussi des formes omnivores et des formes prédatrices. Les euphausiacés, dont le nombre d'espèces est bien moindre que celui des copépodes, jouent pourtant un rôle fondamental, notamment dans les mers australes où une espèce herbivore (le krill) est la nourriture de prédilection des grands cétacés. Trois groupes de mollusques sont à signaler : d'abord, les hétéropodes et les ptéropodes, ces derniers plus nombreux dans les mers tropicales, qui sont apparentés aux gastéropodes opisthobranches ; ensuite les céphalopodes (calmars, poulpes pélagiques, argonaute, nautile, spirule...), à propos desquels la distinction est difficile à faire entre les formes planctoniques et les formes nectoniques.
L'embranchement des chétognathes, bien qu'il ne compte que quelques dizaines d'espèces, possède un ensemble de caractères originaux ; tout d'abord, à une ou deux exceptions près, il ne compte que des espèces planctoniques ; ensuite, ces vers aberrants, au corps transparent et aplati en forme de flèche, sont de redoutables prédateurs, capables de s'attaquer à des proies de taille nettement supérieure à la leur ; enfin, beaucoup ont des exigences très strictes vis-à-vis de la température et de la salinité, aussi les utilise-t-on souvent comme espèces indicatrices de certaines caractéristiques hydrologiques.
Parmi les autres groupes zoologiques bien représentés dans le plancton, on peut citer, dans l'embranchement des cnidaires, les méduses et les siphonophores. Ces derniers, tous planctoniques, forment des colonies de polypes, atteignant parfois plusieurs dizaines de mètres de longueur, qui se maintiennent à une profondeur optimale pour l'espèce, grâce à un flotteur de gaz ou aux mouvements rythmiques de polypes spécialisés en forme de cloche. Les « méduses » constituent, sur le plan de la systématique zoologique, un ensemble fort complexe dont le seul élément possédé en commun est la forme générale du corps, rappelant celle d'une ombrelle ; les vraies méduses, les scyphozoaires, sont celles qui atteignent la taille la plus élevée (de quelques dizaines de centimètres à plus de 1 mètre) ; les trachyméduses, narcoméduses et les méduses d'hydroïdes (ces dernières faisant partie du méroplancton) sont en général de taille plus faible (inférieure à quelques centimètres). Presque tous ces cnidaires sont des prédateurs, les proies étant paralysées ou tuées par le venin des cellules urticantes, les cnidocystes. Dans l'embranchement voisin des cténaires (planctonique à une exception près), la capture des proies est réalisée par des cellules non pas urticantes mais adhésives. L'embranchement des tuniciers est représenté par des appendiculaires et les thaliacés. Les appendiculaires ont une structure très primitive ; la queue, larvaire chez les autres tuniciers, persiste à l'état adulte et sert ici à faire circuler l'eau qui apporte les particules dont se nourrit l'animal à l'intérieur de sa logette gélatineuse. Les thaliacés comprennent les pyrosomes, comparables à des colonies d'ascidies en forme de manchon, et surtout les salpes et les dolioles qui constituent, par des processus de bourgeonnement plus ou moins compliqués, des chaînes groupant parfois plusieurs centaines d'individus. Les poissons, malgré leur aptitude à nager, comptent des espèces dont les individus adultes, de quelques centimètres de longueur, peuvent être tenus pour planctoniques (Myctophidae, Scopelidae...).
Enfin, il faut souligner l'importance dans le zooplancton des protozoaires. Si l'on connaît assez bien ceux qui sont dotés d'un squelette, calcaire pour les foraminifères, siliceux pour les radiolaires, de sulfate de strontium pour les acanthaires, ceux qui en sont dépourvus (flagellés hétérotrophes, ciliés) sont beaucoup moins connus, bien qu'ils jouent certainement un rôle important dans la chaîne alimentaire : en effet, en se nourrissant de cellules phytoplanctoniques trop petites pour être collectées par les animaux filtreurs, ils rendent accessible à ces derniers leur énergie potentielle.
Les adaptations des êtres planctoniques
Le problème essentiel que doit résoudre une espèce planctonique est évidemment de se maintenir dans la couche où elle rencontre les conditions de vie qui lui sont le plus favorables, c'est-à-dire, pour les végétaux, au-dessus de la profondeur de compensation (tout en évitant généralement les couches très superficielles qui sont les plus fortement éclairées) et, pour les animaux, à la profondeur où il y a le maximum de chances de trouver en abondance une nourriture convenable et d'éviter les prédateurs.
Comme les radiations solaires, en s'enfonçant dans les eaux, sont assez rapidement absorbées (surtout celles qui correspondent au rouge et à l'orangé du spectre), la quantité de lumière, donc d'énergie disponible, diminue rapidement avec les profondeurs croissantes ; la profondeur pour laquelle l'énergie libérée par photosynthèse compense exactement la dépense d'énergie due à la respiration, c'est-à-dire à l'entretien du métabolisme minimal compatible avec la survie du végétal, s'appelle la profondeur de compensation ; au-delà de cette profondeur – qui varie d'ailleurs avec les espèces, celles-ci étant plus ou moins exigeantes en ce qui concerne l'éclairement –, la végétation benthique ne peut s'établir ; si un individu d'une espèce planctonique a été entraîné par un courant descendant au-delà de la profondeur de compensation, il ne peut que dépérir, à moins qu'un mouvement ascendant des eaux ne le ramène assez rapidement dans la couche où l'éclairement est suffisant.
Flottabilité
La densité de la matière vivante étant de 1,02 à 1,06, presque tous les êtres planctoniques devraient donc s'enfoncer graduellement dans l'eau de mer (densité de 1,027 pour une salinité de 36). La résistance à l'enfoncement peut être réalisée de trois façons : accroissement des forces de frottement ; allégement du corps ; mouvement ascensionnel.
L'accroissement des forces de frottement est obtenu d'abord par une réduction de la taille : plus la taille diminue, plus le rapport entre la surface et le volume est élevé et plus grandes sont les forces de frottement ; toutefois, en particulier pour les animaux pluricellulaires, la diminution de taille ne peut dépasser certaines limites qui dépendent du degré d'organisation des divers groupes. Cet accroissement est encore obtenu soit par l'augmentation de la surface portante de l'ensemble du corps (ombrelle des méduses, forme discoïdale de la diatomée Coscinodiscus, etc.), soit par la présence de prolongements (filaments siliceux de diverses diatomées, épines des dinoflagellés, spicules des radiolaires, appendices garnis de soies des crustacés, etc.). Enfin, chez les formes coloniales, la résistance à l'enfoncement est accrue par la forme allongée – et parfois spiralée – des colonies (certains siphonophores) ou par l'agrégation en chaîne (diatomées, salpes).
L'allégement du corps peut être réalisé tout d'abord par une diminution générale des structures squelettiques externes et internes : amincissement du test des diatomées et des foraminifères, de la carapace des crustacés, de la coquille des mollusques (qui peut même disparaître), du squelette des poissons (à l'exception des os des mâchoires). L'économie de poids pour un volume donné est obtenue également par une teneur élevée en eau : les animaux dits « gélatineux » (méduses, siphonophores, thaliacés) en renferment toujours plus de 95 p. 100 ; parfois, interviennent des mécanismes physico-chimiques beaucoup plus fins, permettant à l'organisme de conserver un milieu intérieur isotonique à l'eau de mer, mais « allégé » par substitution d'ions légers (chlorures, potassium) aux ions les plus lourds de l'eau de mer (sulfates, magnésium, etc.). Ce délestage peut, dans certains cas, faire intervenir un véritable flotteur renfermant un gaz, comme chez certains siphonophores, ou tout autre corps plus léger que l'eau, par exemple les gouttelettes huileuses, utilisées aussi comme réserve, fréquentes chez les œufs et les larves de poissons, de certains crustacés et chez divers thaliacés.
Enfin, il faut noter la possibilité de résister à l'enfoncement par natation : certains poissons planctoniques qui, à distance, paraissent immobiles, se maintiennent grâce à une vibration très rapide des nageoires ; les copépodes qui, malgré leurs longues antennules écartées perpendiculairement à l'axe du corps, tendent à s'enfoncer lentement, restent à la profondeur convenable en remontant de temps à autre grâce à quelques battements énergiques de ces mêmes appendices.
Nutrition
Les adaptations des êtres planctoniques en matière de nutrition sont moins remarquables que celles qui concernent la flottabilité. Chez les végétaux, il est essentiel que la cellule demeure au-dessus de la profondeur de compensation pour que son métabolisme carboné ait un bilan positif. Toutefois, l'éclairement trop intense et trop riche en radiations rouges et orangées des eaux très superficielles étant également défavorable pour la plupart des espèces, le maximum de phytoplancton se trouve en général à une profondeur où l'éclairement total est de l'ordre de un tiers de la quantité de lumière qui a traversé la surface ; en conséquence, les algues se déplacent verticalement en fonction de la nébulosité ou des saisons. La richesse de l'eau en composés minéraux azotés et phosphorés nécessaires à la photosynthèse, compte tenu du fait que le dioxyde de carbone existe toujours en quantité suffisante, est le facteur fondamental de la production primaire. D'une façon très générale, les diatomées sont plus exigeantes en ce domaine que les dinoflagellés. Ainsi s'explique que, dans les mers tempérées et tempérées froides, la poussée de phytoplancton, qui marque, au printemps, le début du relèvement de la température, soit d'abord à dominance de diatomées, puis à dominance de dinoflagellés, lorsque les premières ont largement puisé dans la réserve minérale accumulée pendant la saison hivernale. Ainsi s'explique aussi le fait que les zones d'upwelling, ou divergence, soient surtout riches en diatomées, alors que les eaux tropicales, particulièrement pauvres en éléments minéraux, sont plutôt peuplées de dinoflagellés et de coccolithophoridés. Bien d'autres substances dissoutes interviennent dans le développement des poussées phytoplanctoniques : les vitamines (notamment la vitamine B12) et divers oligo-éléments parmi lesquels le plus important paraît être le fer ; certaines diatomées semblent n'être restreintes aux eaux côtières que parce qu'elles ont des besoins particulièrement grands en fer, dont ces eaux sont plus riches que celles du large. Des enrichissements expérimentaux en limaille de fer ont été pratiqués dans l'océan Antarctique avec un certain succès, mais on a en même temps montré que les quantités de fer à mettre en œuvre pour fertiliser de tels volumes d'eau sont considérables.
Chez les animaux (zooplancton), la collecte de la nourriture se fait de façon très diverse. En gros, on peut dire qu'il y a deux grandes catégories, les filtreurs et les prédateurs. Certes, on range aisément parmi les prédateurs le poisson qui happe des euphausiacés, ou le cténaire qui englue un copépode, ou encore le chétognathe qui accroche de ses puissantes mâchoires un petit poisson, mais il peut aussi y avoir prédation à l'égard de proies végétales ; par exemple, certains copépodes broient de grosses diatomées avec leurs pièces buccales. Les filtreurs ont été longtemps considérés comme essentiellement végétariens ; en fait, quelle que soit la mécanique de la collecte par filtration, qu'il s'agisse du tamis de la logette des appendiculaires, de la grille branchiale des pyrosomes et des thaliacés ou des paniers filtrants formés par les appendices des divers crustacés (fig. 1), le dispositif assure un tri essentiellement dimensionnel ; particules non vivantes, cellules végétales, protozoaires, métazoaires de petite taille ou à l'état de larves entrent dans la nourriture d'un filtreur en fonction de la dimension des « pores » du filtre et de leur abondance respective dans l'eau. Lorsque le phytoplancton est très copieux, par exemple dans les mers boréales au moment de la poussée printanière des diatomées, certains copépodes peuvent retenir sur leur grille filtrante beaucoup plus de cellules végétales qu'ils ne sont capables d'en digérer. Cette « hypercollecte », qui peut diminuer de façon considérable les peuplements végétaux, peut avoir, au contraire, des conséquences favorables, d'une part, parce que les fèces des copépodes, très riches en matières organiques non digérées, peuvent servir de nourriture à d'autres filtreurs et, d'autre part, parce que la matière organique des diatomées non ingérées, mais plus ou moins endommagées, est rapidement minéralisée et redevient disponible pour les végétaux photoautotrophes.
Reproduction
Les processus de la reproduction du plancton ne présentent guère de particularités remarquables. Chez tous les êtres phytoplanctoniques, il y a possibilité de simple division. Chez les diatomées, les divisions successives s'accompagnent d'une réduction progressive de la taille des individus ; les phénomènes sexuels, souvent très mal connus, paraissent intervenir le plus souvent soit pour « régénérer » une lignée affaiblie par une longue période de multiplication asexuée, soit pour assurer la conservation de l'espèce pendant une période défavorable (manque de nutrilites, température inadéquate, etc.).
Chez le zooplancton, l'hermaphrodisme et la multiplication asexuée sont relativement rares, sauf exceptions, notamment parmi les méduses. La multiplication asexuée n'existe que chez les organismes coloniaux : siphonophores, thaliacés. D'une façon générale, les conditions de la reproduction sexuée paraissent assez étroitement ajustées aux facteurs ambiants et à leurs incidences sur les populations de l'échelon trophique immédiatement inférieur. Chez les copépodes, par exemple, la date à laquelle débute la période de reproduction, le nombre de générations par an et la fécondité varient largement d'une région à l'autre de l'océan mondial ; les espèces des hautes latitudes n'ont en général qu'une ou deux générations au moment du maximum de température et de la poussée phytoplanctonique ; les derniers stades larvaires passent l'hiver à l'état de vie ralentie, avec consommation des réserves ; au contraire, les espèces tropicales peuvent avoir dix ou onze générations par an.
Problèmes d'écologie planctonique
Le maillon le plus important de la chaîne alimentaire du plancton proprement dit est celui qui conditionne l'utilisation du phytoplancton par le zooplancton herbivore. C'est dans cet esprit qu'on a beaucoup étudié l'abondance respective des populations phytoplanctoniques et zooplanctoniques (fig. 2). Tantôt (rapport direct) phytoplancton et zooplancton présentent des maximums à peu près simultanés, le second se nourrissant évidemment du premier, sans toutefois en restreindre sensiblement la population. Tantôt, au contraire, il y a rapport inverse, et alors le maximum de zooplancton suit celui des végétaux, soit parce qu'il y a eu broutage intense, soit parce qu'un maillon supplémentaire s'est intercalé dans la chaîne ; par exemple, des infusoires ciliés, ayant consommé le phytoplancton, seront eux-mêmes mangés par les filtreurs. Il semble aussi que certains cas de rapport inverse puissent être expliqués par un phénomène d'exclusion des animaux en raison de substances répulsives émises par certaines algues planctoniques (le plus souvent des dinoflagellés).
Un autre problème important est celui des migrations verticales des êtres planctoniques. Il a été fait allusion plus haut à celles que peuvent réaliser les algues unicellulaires pour se maintenir autant que possible dans la couche où, de jour, elles bénéficient d'un éclairement optimal pour l'exercice de leur photosynthèse. Les migrations du zooplancton sont beaucoup plus marquées ; quelques-unes ont un caractère saisonnier, par exemple celles qui conduisent les individus d'une espèce dans une couche d'eau donnée pour s'y reproduire ou pour y mener une vie ralentie aux dépens de leurs réserves, lorsque les conditions sont défavorables à la profondeur où ils se trouvent pendant le reste du cycle vital.
Les migrations verticales les plus frappantes sont toutefois celles qui sont à peu près ajustées sur l'alternance des nuits et des jours et sont dites, pour cette raison, circadiennes. La plupart des animaux affectés par de telles migrations se trouvent, la nuit, à des profondeurs plus faibles que celles de jour ; les premières observations relatives à ces migrations ont été faites sur des espèces qui sont, la nuit, près de la surface et, le jour, à une profondeur de 100 à 400 m environ. On a cru longtemps que la motivation essentielle des migrations circadiennes résidait dans l'éclairement, soit que celui-ci eût une influence directe sur le comportement des individus, soit qu'il les rendît plus accessibles aux prédateurs. Il faut sans doute accorder davantage d'importance aux facteurs d'ordre trophique. La densité du peuplement planctonique diminue assez rapidement quand la profondeur croît ; une espèce zooplanctonique doit donc monter en surface pour y trouver une nourriture plus abondante et redescendre ensuite dans des couches où le peuplement est plus clairsemé, pour diminuer les risques qu'elle court d'être mangée à son tour. Aussi a-t-on avancé l'hypothèse d'une véritable chaîne de migrations verticales, dont chaque maillon se nourrit dans une couche d'eau plus élevée que celle où il sert de nourriture au maillon suivant, chaîne de migrations qui réalise un véritable transfert actif d'énergie à partir des couches de surface, les seules où existe la production primaire, vers des couches de plus en plus profondes. Un tel schéma généralisé suppose néanmoins des altérations du cycle circadien pour qu'il y ait des zones de recouvrement de deux couches successives.
En fait, l'on sait maintenant que l'énergie produite par la production primaire de la couche éclairée ne peut pas dépasser une profondeur de l'ordre de 1 400-1 500 m, même en tenant compte des espèces – en général plusieurs – dont les migrations verticales couvrent la colonne d'eau de la surface jusqu'à cette profondeur, le matériel organique du microplancton étant alors totalement minéralisé par les bactéries, au cours de sa descente. Au-delà de cette profondeur, il ne peut exister qu'une chaîne trophique basée sur du matériel vivant consommé in situ par les prédateurs ou sur des débris et des fèces produites par la faune bathypélagique ou abyssopélagique.
Il est intéressant de trouver une corrélation entre, d'une part, la distribution verticale liée aux migrations circadiennes de certaines espèces et, d'autre part, les couches au niveau desquelles on a constaté une certaine diffusion des ondes ultrasonores utilisées dans les appareils de sondage.
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Écrit par
- Lucien LAUBIER : professeur émérite à l'université de la Méditerranée, Marseille
- Jean-Marie PÉRÈS : membre de l'Institut de France, commandeur de la Légion d'honneur, professeur émérite de l'université de la méditerranée Aix-Marseille-II
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- PÉLAGIQUE VIE
- OCÉANOGRAPHIE ET OCÉANOLOGIE
- PROTOPHYTES
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