NÉO-POSITIVISME ou POSITIVISME LOGIQUE
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Science et philosophie
La « scientificité » (Wissenschaftlichkeit) de la philosophie est l'une des idées maîtresses du néo-positivisme. Moritz Schlick l'interprète en un sens voisin de celui de Ludwig Wittgenstein : la philosophie a pour tâche d'élucider les propositions scientifiques, la science a pour fonction de les établir et de les vérifier. La philosophie est donc une connaissance positive en ce qu'elle prend pour thème le discours et la pratique scientifiques plutôt que des objets transcendant l'expérience. Mais, si la science elle-même est caractérisée comme représentation exacte du monde, la philosophie, acte d'élucidation, n'est pas une science, elle ne s'exprime pas dans le même langage que la science.
La philosophie comme analyse du langage
Tel n'est pas, toutefois, le point de vue de tous les néo-positivistes, et en particulier de Rudolf Carnap, qui vise à faire de la philosophie une science parmi les sciences. Dans sa Logische Syntax der Sprache (1934), il veut montrer que les questions métaphysiques traditionnelles sont de pseudo-questions, dans la mesure où leur mystère repose sur la confusion et le mélange entre des expressions se référant aux objets du monde et des expressions se référant aux propriétés mêmes du langage. De telles pseudo-propositions apparaissent en particulier lorsqu'on énonce des propriétés syntaxiques d'un certain langage comme s'il s'agissait de propriétés d'objets réels. Par exemple, dire, avec Wittgenstein, que « le monde est la totalité des faits, non des choses » doit être correctement traduit par la proposition de syntaxe : « La science est un système de propositions et non pas un ensemble de noms. »
Cette réduction opérée, la métaphysique se révèle comme expression inadéquate de la situation de l'homme à l'égard de la vie, autrement dit d'une « vision du monde » ; il ne reste plus de la philosophie qu'une logique de la science, c'est-à-dire, pour Carnap, du moins à cette époque (1934), une « syntaxe logique du langage de la science ». Plus tard, Carnap étendra cette thèse en identifiant la philosophie à une métathéorie générale de la science, à la fois syntaxique et sémantique, métathéorie dont l'influence reconnue de David Hilbert et d'Alfred Tarski l'avait conduit à chercher une exposition strictement formelle et exacte, à l'instar des sciences objectives.
L'Encyclopédie et le physicalisme
Sans nécessairement adopter une définition aussi stricte de la philosophie comme science du langage scientifique, les néo-positivistes des années trente se sont mis d'accord pour entreprendre une mise en ordre de l'ensemble des énoncés scientifiques. Ce projet grandiose, renouvelé de Leibniz et des Encyclopédistes français, a explicitement pour visée d'unifier non le contenu de la connaissance, mais son langage. Il ne s'agit nullement de présenter un système, car, selon le mot d'Otto Neurath, « la complétude anticipée du Système s'oppose à l'incomplétude soulignée d'une encyclopédie ». Il suffit de découvrir le langage qui permettra d'assurer à la fois un accord intersubjectif et une extension universelle. Pour Neurath et Carnap, ce langage est celui de la physique, ou plus exactement le langage qualitatif portant sur les « choses » (Dingsprache). Les faits psychiques, en particulier, peuvent bien être traités par le psychologue d'une manière quelconque : ses propositions seront, en tout cas, traduisibles dans le langage physicaliste. Telle est la thèse ; Carnap va même plus loin et propose comme but plausible pour le développement futur de la science, non pas seulement une unification de son langage, mais encore une réduction logique de ses lois à celles de la physique.
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Écrit par :
- Gilles Gaston GRANGER : professeur au Collège de France
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Pour citer l’article
Gilles Gaston GRANGER, « NÉO-POSITIVISME ou POSITIVISME LOGIQUE », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le 27 mai 2022. URL : https://www.universalis.fr/encyclopedie/neo-positivisme-positivisme-logique/