NÉANDERTALIENS ou NÉANDERTHALIENS ou HOMME DE NEANDERTAL

Les Néandertaliens, connus depuis le milieu du xixe siècle, ont constitué une population d'hommes fossiles dont les premières caractéristiques sont apparues il y a plus de 400 000 ans en Europe. Après avoir occupé tout ce continent, une partie du Moyen-Orient, et de l'Asie, jusqu'aux frontières occidentales de la Chine, ils se sont éteints il y a environ 30 000 ans, probablement sous la poussée des hommes de morphologie moderne.

Ils constituent un cas particulier dans les populations fossiles que nous connaissons, pour plusieurs raisons. Ils furent les premiers fossiles humains différents de la morphologie moderne à être découverts ; de ce fait, ils ont joué un rôle essentiel dans la reconnaissance d'une évolution biologique de l'humanité comparable à celle des autres espèces, et donc dans l'histoire de la paléontologie. En outre, ayant disparu au profit des hommes modernes, sans avoir eu de descendance, ils ont souvent été considérés comme une sorte d'échec de l'évolution humaine. Rien n'a encore pu être prouvé à cet égard et les chercheurs s'interrogent, sans avoir encore trouvé de réponse, pour savoir si leur extinction a été le résultat d'une confrontation, ou d'une compétition, avec les hommes modernes. Les Néandertaliens ont longtemps passé pour avoir été inférieurs à ces derniers sur le plan du psychisme, et leurs caractères morphologiques ont été interprétés comme l'expression d'adaptations qui leur auraient été défavorables dans cette rivalité.

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Les Néandertaliens sont un sujet charnière pour l'étude des hommes fossiles. Les recherches qui les concernent ont pour but de préciser leur morphologie et leur place dans l'histoire de la lignée humaine. Mais, en tentant d'éclaircir leurs rapports avec les populations de morphologie moderne, elles permettent aussi d'aborder des questions essentielles telles que les conséquences biomécaniques, et donc comportementales, des différences anatomiques, ou les notions d'espèce et de sous-espèce en paléoanthropologie.

Le développement de nouvelles méthodes d'étude, à partir de l'imagerie médicale ou de la génétique, ouvre de nouvelles perspectives à l'étude d'une population qui, malgré ses incontestables différences, a été très proche de la nôtre.

Les Néandertaliens : évolution des idées

Crâne de l'homme de Gibraltar - crédits : Museum d'Histoire naturelle, Londres/ SPL France

Crâne de l'homme de Gibraltar

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Les premières découvertes de fossiles de Néandertaliens ont été faites à Engis, en Belgique, en 1830, puis à Gibraltar en 1848. Mais, sur le moment, elles passèrent totalement inaperçues. Ce n'est qu'en 1856 que les Néandertaliens firent leur entrée dans l'histoire avec la découverte d'un squelette dans une petite grotte du vallon de Neander (Neandertal), à proximité de la ville de Düsseldorf (Rhénanie-Westphalie). Des ouvriers, travaillant dans une carrière de calcaire, furent amenés à vider une cavité qui avait été recoupée par le front de taille de l'exploitation. Des déblais, ils sortirent des os humains qui furent recueillis par Johann Carl Fuhlrott. Celui-ci, professeur à Elberfeld, comprit qu'il était en présence d'une forme humaine différente de l'homme actuel et témoin d'une humanité disparue. Mais il n'y avait aucun document permettant de dater ces ossements et aucun outil en pierre ni aucun os animal n'avait été recueilli. L'interprétation ne reposait que sur la seule morphologie. Dans le contexte scientifique de l'époque – l'anthropologie n'était pas encore reconnue et l'ouvrage de Charles Darwin sur l'origine des espèces ne sera publié que l'année suivante – cette interprétation fut rejetée par la majorité des anatomistes, à l'exception de Hermann Schaaffhausen. Et toutes les interprétations, même les plus saugrenues, furent proposées pour tenter d'expliquer les caractères très particuliers du squelette de Neandertal. Pour certains, c'étaient les restes d'un membre d'une des tribus barbares qui vivaient aux marges de l'Empire romain. Pour d'autres, il s'agissait d'un cosaque déserteur de l'armée russe qui poursuivait la Grande Armée en 1813.

C'est le biologiste britannique Thomas Huxley qui fit pencher la balance en montrant que la seule interprétation scientifique était celle proposée dès le début par Johann Carl Fuhlrott. Et en 1869, William King proposa de créer pour ce fossile une espèce : Homo neanderthalensis. Au xixe siècle, en effet, le mot allemand die Tal (la vallée) s'écrivait encore die Thal. C'est la raison pour laquelle la transcription latine de Neandertal fut écrite avec un h. Au début du xxe siècle, une réforme de l'orthographe allemande supprima le h d'un certain nombre de mots, dont die Tal. Mais les règles de la systématique, définies par le Code international de nomenclature, interdisent d'apporter tout changement à la terminologie et le nom latin doit donc conserver son h d'origine. Peu de temps après, en 1886, Marcel De Puydt et Max Lohest mettaient au jour dans la grotte de Spy, près de Liège, les restes de deux individus semblables à l'homme de Neandertal. Cette fois il s'agissait de véritables fouilles, des outils en silex et des ossements d'espèces animales disparues accompagnaient les squelettes humains : le doute n'était plus permis. En 1908, la découverte dans le village de La Chapelle-aux-Saints, en Corrèze, d'un squelette complet permit à Marcellin Boule de rédiger la première description détaillée d'un Néandertalien, et son travail servit de base aux recherches ultérieures pendant plus d'un demi-siècle. Cette découverte eut une autre conséquence essentielle. Les découvreurs avaient pu montrer que le squelette se trouvait dans une sépulture. Cela apportait un argument décisif en faveur du caractère pleinement humain de cette population fossile. Cependant, Marcellin Boule considéra que l'homme de Neandertal était « à peine sorti de l'animalité », et il en fit un intermédiaire entre l'homme et les grands singes. Cette interprétation très négative influença durablement la réflexion sur le comportement et le psychisme de cet homme fossile. Quoi qu'il en soit, au début du xxe siècle, les Néandertaliens étaient considérés comme un jalon très primitif sur la voie qui avait conduit des grands singes à l'homme actuel.

Les découvertes se multiplièrent en Europe et, à partir de 1920, les recherches anthropologiques en Afrique et en Asie amenèrent la mise au jour, sur ces continents, d'autres fossiles humains qui, pour certains, présentaient des ressemblances avec ceux d'Europe. Petit à petit s'imposa l'idée que les Néandertaliens, sous la forme connue en Europe, ou sous des formes voisines ailleurs, avaient occupé tout l'Ancien Monde. En même temps, la découverte de fossiles plus archaïques, que nous appelons maintenant australopithèques, Homo habilis et Homo erectus, montra que les Néandertaliens n'étaient pas si éloignés de nous qu'on l'avait cru, et l'anthropologue américain Alex Hrdlicka proposa dans les années 1920 un schéma de l'évolution humaine selon lequel l'humanité dans son ensemble était passée par une succession de stades morphologiques avant d'aboutir à l'homme actuel. Dans ce schéma, les Néandertaliens constituaient le stade précédant le nôtre.

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L'étape suivante, entre 1929 et 1936, fut marquée par la découverte des hommes fossiles de Palestine. Bien que contemporains des Néandertaliens, ils présentaient des traits qui les rapprochaient des hommes actuels. Sous l'influence du généticien T. Dobzhansky devait émerger peu à peu l'idée que les derniers Néandertaliens et les premiers hommes modernes avaient été contemporains et qu'il y avait eu des métissages entre eux. Cela eut deux conséquences. Comme le métissage, en principe ne peut se produire qu'à l'intérieur d'une espèce, on proposa donc de donner aux Néandertaliens le statut d'une sous-espèce, Homo sapiens neanderthalensis, sœur de notre sous-espèce, Homo sapiens sapiens. La seconde conséquence fut une modification de la représentation de la structure phylogénétique de l'évolution humaine : en effet, s'il n'y a plus succession, mais contemporanéité, cela implique un schéma en arborescence.

Parallèlement, le développement des méthodes de la paléoanthropologie a permis, à partir des années 1960, une meilleure interprétation de la morphologie néandertalienne. Les ressemblances avec les fossiles africains et asiatiques ne sont en fait que des caractères hérités d'un ancêtre commun et ne signifient pas l'appartenance à une même population. En revanche, il existe des caractères spécifiquement néandertaliens qui ne se rencontrent que sur un nombre relativement faibles de fossiles. Ils montrent que les Néandertaliens n'ont occupé qu'une partie de l'Ancien Monde : l'Europe, le Proche-Orient et une partie de l'Asie centrale. À partir de cette époque la plupart des anthropologues se sont rangés à cette interprétation.

Les méthodes de datation radiochronologiques se sont aussi beaucoup diversifiées dans les années 1970. Elles ont montré que les premiers traits de la morphologie néandertalienne sont apparus il y a plus de 400 000 ans et que celle-ci a acquis ses pleines caractéristiques il y a environ 120 000 ans. Elles nous montrent aussi que les derniers Néandertaliens ont vécu il y a moins de 30 000 ans.

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Écrit par

  • : docteur es sciences, ancien professeur d'anthropologie à l'université de Bordeaux

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Crâne de l'homme de Gibraltar - crédits : Museum d'Histoire naturelle, Londres/ SPL France

Crâne de l'homme de Gibraltar

Prénéandertaliens et Néandertaliens : principaux gisements - crédits : Encyclopædia Universalis France

Prénéandertaliens et Néandertaliens : principaux gisements

Mâchoire de l'homme de Heidelberg - crédits : John Reader/ SPL France

Mâchoire de l'homme de Heidelberg

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