ARCY-SUR-CURE, site préhistorique
Le site d'Arcy-sur-Cure (Yonne), site majeur pour l'étude du Paléolithique moyen et supérieur de la France du Nord, se situe, au sud du Bassin parisien, entre Auxerre et Avallon. Il est constitué par un ensemble de cavernes creusées par la Cure dans un massif calcaire corallien émergé à la fin du Secondaire. Onze « grottes préhistoriques », dont la première fut explorée il y a 150 ans, conservent les vestiges des occupations humaines qui s'y sont succédé pendant plus de 200 000 ans. Aux fouilles anarchiques, menées dans la grotte des Fées, dès le milieu du xixe siècle par le marquis de Vibraye succèdent les travaux, déjà scientifiques pour l'époque, de l'abbé Parat. En 1890, celui-ci met en évidence, dans la grotte du Trilobite, une importante séquence du Paléolithique constituée par le Moustérien, l'Aurignacien, le Gravettien, le Protosolutréen et le Magdalénien auxquels succède le Néolithique. Sa clairvoyance se manifeste aussi dans son étude de la grotte des Ours, où il discerne, pour la première fois, une industrie intermédiaire entre le Paléolithique moyen et le Paléolithique supérieur. Cette culture, particulièrement bien représentée à Arcy-sur-Cure, sera par la suite attribuée par l'abbé Breuil au Châtelperronien. En 1946, trois spéléologues forcent un boyau étroit et, après une reptation rendue difficile par la hauteur du passage qui n'excède pas 30 centimètres à certains endroits, y déchiffrent des mammouths gravés. La découverte de la grotte du Cheval, unique grotte ornée paléolithique alors connue au nord de la Loire, attire André Leroi-Gourhan à Arcy. Il y travaillera jusqu'en 1964 dans les grottes de l'Hyène, du Bison, du Loup, du Renne et dans l'abri du Lagopède et y appliquera des méthodes rigoureuses de fouille et d'enregistrement qui constituent encore la base de l'archéologie moderne. La grotte de l'Hyène, petite grotte-couloir de 6 mètres de largeur environ, présente une importante série de niveaux moustériens qui recouvrent une couche ancienne contenant des galets de type clactonien associés à une faune archaïque chaude. Les niveaux IV b6 à IV a, particulièrement riches au sommet de la séquence, sont attribuables au Moustérien typique et au Moustérien à denticulés. Les industries, aux caractères levallois peu nombreux, sont en chaille, matière première locale. Plusieurs ossements humains dont une mandibule et un maxillaire appartenant à deux Néandertaliens adultes, y ont été retrouvés, mêlés aux déchets culinaires. La petite grotte du Bison, dont les couches moustériennes conservées à l'avant du porche atteignent près de 2 mètres d'épaisseur, a livré l'unique foyer construit retrouvé dans ces niveaux. La grotte du Renne, fouillée pendant seize années consécutives, se présente comme une longue salle à partir de laquelle partent des diverticules. L'un d'entre eux, la galerie Schoepflin, conserve sur son sol les vestiges d'un habitat moustérien. Des ossements brisés, des outils, des amas de débitage, des percuteurs sont restés à l'air libre et restituent l'image d'un « campement en état de marche » tel que les hommes l'ont laissé au moment de leur départ. Sous le porche, qui s'est progressivement effondré, la séquence stratigraphique commence par des niveaux moustériens (XIII à XI) qui situent le début de l'occupation vers la fin du Paléolithique moyen. Puis se succèdent des couches appartenant au Châtelperronien (X à VIII), à l'Aurignacien (VII), au Gravettien (VI à IV) et au Protosolutréen. Les niveaux du Châtelperronien ont livré des vestiges et des structures d'habitat exceptionnels. L'industrie lithique (plus de 35 000 pièces) se compose d'un grand nombre de pointes de châtelperron et de burins, façonnés essentiellement sur du silex, auxquels s'ajoutent des pointes, racloirs et denticulés de type moustérien, le plus souvent en chaille. L'industrie osseuse, qui n'existait pas auparavant, est abondante et variée. Des dents animales percées ou rainurées, des fragments d'ivoire travaillés constituent les premiers éléments de parure connus. Les aménagements retrouvés au sol suggèrent l'existence de constructions circulaires particulièrement élaborées dont la superstructure était constituée par des défenses de mammouth. Des restes humains de type néandertalien, essentiellement des dents et un squelette partiel de jeune enfant déterminé par Jean-Jacques Hublin en 1995, attestent la survie de ce groupe au début du Paléolithique supérieur.
À la richesse exceptionnelle des habitats s'ajoutent deux grottes ornées. La grotte du Cheval est un petit sanctuaire dont les figurations sont raclées dans l'argile de décalcification des parois. Les mammouths, majoritaires, sont accompagnés de très nombreux signes et tracés digitaux, de quelques cervidés, de deux bisons et d'un cheval. André Leroi-Gourhan, se fondant sur le style et la localisation profonde des représentations, les attribuait au Magdalénien, mais il se pourrait que la décoration de cette grotte soit plus ancienne car ces deux critères n'ont plus aujourd'hui de valeur chronologique. La Grande Grotte, vaste caverne de 500 mètres de longueur, est visitée depuis des siècles pour la beauté de ses concrétions, mais ce n'est qu'en 1990 que sa fréquentation paléolithique a été reconnue. Les phases successives de sa décoration : raclages, gravures, peintures rouges et noires se retrouvent sur les parois et le plafond de la salle des Vagues de la mer. Les peintures, détruites en partie par un nettoyage récent, sont parfois recouvertes par un épais concrétionnement. Ce mauvais état de conservation a nécessité l'emploi de méthodes originales pour leur étude (enregistrement infrarouge, ultraviolet et amincissement de la calcite, technique utilisée pour la première fois dans une grotte ornée). Les peintures rouges, les plus nombreuses, se répartissent en panneaux distincts sur lesquels plus de cent quarante unités graphiques, dont une soixantaine d'animaux, ont été distinguées. Le bestiaire, dominé largement par les mammouths (50 p. 100), est principalement constitué par des espèces peu fréquentes dans les autres grottes ornées mais que l'on retrouve sensiblement dans les mêmes proportions à la grotte Chauvet en Ardèche (ours, rhinocéros, félin, oiseau) auxquelles s'ajoutent des cervidés, un bison et un cheval. Cet ensemble est complété par les empreintes de huit mains négatives, d'une main positive et par des signes variés (points, lignes sinueuses, barbelé, signe trapézoïdal). Les restes anthropiques, retrouvés sur le sol préhistorique scellé sous 30 centimètres de dépôts stériles, sont liés à l'activité picturale (colorants, broyeurs) et à l'éclairage (foyers, lampes). Les datations au carbone 14, obtenues sur les restes charbonneux, s'étagent entre 25 000 et 28 000 B.P. et font de la Grande Grotte la plus ancienne grotte ornée d'Europe, après la grotte Chauvet.
Accédez à l'intégralité de nos articles
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Dominique BAFFIER : ingénieur de recherche C.N.R.S., Laboratoire d'ethnologie préhistorique, Nanterre
Classification
Autres références
-
COMMERCE DES FOSSILES
- Écrit par Eric BUFFETAUT
- 2 938 mots
- 3 médias
... et ayant disparu il y a quelque 250 millions d’années), trouvé dans des niveaux magdaléniens (datant d’environ 17 000 à 14 000 ans) d’une des grottes d’Arcy-sur-Cure (Yonne) et transformé en objet de parure, paraît provenir d’Europe centrale. Pour des périodes plus récentes, on a la preuve d’un... -
EUROPE, préhistoire et protohistoire
- Écrit par Gérard BAILLOUD , Encyclopædia Universalis , Jean GUILAINE , Michèle JULIEN , Bruno MAUREILLE , Michel ORLIAC et Alain TURQ
- 21 411 mots
- 22 médias
...climat semble avoir incité l'homme de Neandertal à préférer les grottes dès le début du Würm II. Est-ce également le froid qui a poussé les Moustériens d' Arcy-sur-Cure (Yonne) à s'installer dans une galerie profonde de la grotte du Renne où la lumière ne pénètre pas ? Toujours est-il que cette galerie,... -
FIGURATION, paléolithique et néolithique
- Écrit par Jean-Paul DEMOULE
- 4 571 mots
- 6 médias
...progressivement, entre 300 000 et 200 000 ans, vers une nouvelle forme, l’homme de Neandertal (appelé aussi Homo sapiens neandertalensis), à l’origine de la collection d’Arcy-sur-Cure, et avec lequel les activités symboliques se multiplient. Non loin d’Arcy d’ailleurs, il a taillé dans la grotte de la Roche-au-Loup,... -
LEROI-GOURHAN ANDRÉ (1911-1986)
- Écrit par José GARANGER
- 2 233 mots
...activités qui s'y déroulaient, et d'élaborer une esquisse de l'organisation sociale. Les premiers résultats ainsi obtenus le furent dans la grotte du Renne à Arcy-sur-Cure, où Leroi-Gourhan et son équipe mirent au jour les témoins d'une hutte construite sous l'auvent de la grotte : une aire dallée et entourée...
Voir aussi