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MOÏSE BEN NAḤMAN (1194-1270)

Exégète, philosophe et kabbaliste, né à Gérone, Moïse ben Naḥman, plus connu sous le nom de Naḥmanide, de son nom espagnol Bonastrug de Porta, est une figure éminente de la pensée juive médiévale. D'après son disciple Salomon ben Adret, il gagnait sa vie en exerçant la médecine.

Naḥmanide était le chef spirituel de la communauté juive de la Catalogne. Il était respecté même par la cour et participa à une controverse publique contre l'apostat Pablo Christiani, en présence du roi Jacques Ier. Sorti victorieux de la dispute, il éveilla par là l'hostilité des Dominicains, qui avaient pris l'initiative de la rencontre, et fut accusé d'avoir tenu des propos antichrétiens. Le roi réussit à le sauver, mais les Dominicains en appelèrent au pape Clément VI ; Naḥmanide dut s'enfuir d'Espagne et émigra en Terre sainte. Arrivé à Acre en 1267, il y réorganisa la communauté, dont il devint le chef spirituel.

Parmi les quelque cinquante ouvrages de Naḥmanide, le plus important et le plus étendu est son commentaire sur le Pentateuque. Commencé en Espagne et achevé en Palestine, ce livre inclut, outre des explications philologiques et textuelles, tout l'enseignement philosophique et théologique de l'auteur. Contrairement à Rashi et à Abraham ibn Ezra, celui-ci cherche le sens profond de la Bible et y expose ses doctrines sur Dieu, la Torah, la vocation du peuple juif et l'histoire du monde : chaque récit biblique, tout en consignant des événements du passé, est porteur de prophéties sur l'avenir : le récit de la Création contient des prédictions sur les six mille ans de l'histoire du monde ; l'histoire des patriarches annonce celle du peuple juif. L'ouvrage contient aussi des allusions à des doctrines kabbalistiques. Imprimé à Rome avant 1480, ce commentaire, dont une édition critique a été récemment établie par H. D. Chavel (Jérusalem, 1962-1963), a suscité de nombreux sur-commentaires, les plus connus étant ceux de Bahya ben Asher (éd. critique H. D. Chavel, Jérusalem, 1966-1968) et de Jacob ben Asher.

Le commentaire de Naḥmanide sur Job est resté célèbre en raison de son allusion à la doctrine de la métensomatose, dans laquelle l'auteur voit l'explication des injustes contradictions entre le comportement moral des hommes et leur destin : le bonheur des méchants est le fruit de leurs mérites dans une existence antérieure ; les infortunes des justes seront récompensées dans une vie ultérieure. Le traité de Naḥmanide sur la rédemption (Sefer ha-geulah) contient des commentaires sur plusieurs passages du Livre de Daniel.

Dans ses explications sur le Talmud, il concilie la méthode des talmudistes d'Espagne et celle des écoles du nord de la France. Il s'efforce d'établir un texte correct du Talmud en utilisant les anciens manuscrits provenant des écoles orientales. Il recourt aussi aux travaux des rabbins de Provence, Abraham ben Isaac de Narbonne, Abraham ben David de Posquières et Isaac ben Abba Mari. L'exégèse talmudique de Naḥmanide a occupé et occupe encore, avec les commentaires de Rashi, la première place dans les études rabbiniques.

Les allusions de Naḥmanide à des doctrines kabbalistiques se trouvent principalement dans la première version de son commentaire sur la Genèse. Selon la légende, à la suite d'un ordre divin reçu en songe, Naḥmanide aurait supprimé ces passages dans une version corrigée. D'autres allusions à la kabbale se trouvent dans un traité de psychologie (Torat ha-adam), dans l'ouvrage sur la rédemption et surtout dans le commentaire sur Job, où la doctrine de la métensomatose est, pour la première fois, clairement mentionnée. Le seul ouvrage purement kabbalistique de l'exégète est un commentaire sur le premier chapitre du Sefer Yesira. Suivant les auteurs contemporains[...]

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Pour citer cet article

Gabrielle SED-RAJNA. MOÏSE BEN NAḤMAN (1194-1270) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • IBN SHUAIB JOSHUA (1re moitié XIVe s.)

    • Écrit par Michel GAREL
    • 342 mots

    Rabbin et kabbaliste espagnol de la première moitié du xive siècle. Joshua ibn Shuaib fut l'élève de Salomon ben Abraham Adret (le RaSHbA) et le maître de Menaḥem ben Aaron ibn Zeraḥ. Il vécut en Navarre, peut-être à Tudèle même. Il doit la notoriété à son œuvre Derashot...

  • JACOB BEN SHESHET (XIIIe s.)

    • Écrit par Gabrielle SED-RAJNA
    • 209 mots

    Kabbaliste qui vécut en Catalogne et fit partie du cénacle de Gérone, avec Azriel, Ezra ben Salomon et leur condisciple, plus jeune, Moïse ben Naḥman (Naḥmanide), lequel les dépassa tous en célébrité. La diffusion d'un des écrits de Jacob ben Sheshet a été d'ailleurs en partie due à son attribution,...

  • MEIR BEN SALOMON ABU SAHULA (1260 env.-1335)

    • Écrit par Roland GOETSCHEL
    • 226 mots

    Kabbaliste espagnol qui vécut entre les années 1280 et 1290 à Guadalajara, alors centre d'un groupe de la kabbale. Le maître d'Ibn Abu Sahula fut Joshua ben Shaib, lui-même disciple de Salomon ben Abraham Adret. On ne sait si le supercommentaire qui lui est attribué sur les passages ésotériques...

Voir aussi