LEIPZIG
Avec 593 344 habitants en 2019, Leipzig est la ville la plus peuplée de l’État libre de Saxe, en Allemagne. À la croisée de la via Regia et de la via Imperii, la cité s’est construite sur des fonctions commerciales et s’est distinguée par son rôle dans l’édition, l’imprimerie et le graphisme. En raison de sa situation et de sa topographie, la plaine lipsienne fut le champ de nombreuses batailles (bataille de Breitenfeld et de Lützen pendant la guerre de Trente Ans, bataille des Nations en 1813).
Au sein d’un bassin fertile propice à l’agriculture intensive, la ville, dont le toponyme est dérivé du sorabe Lipsk (« lieu des tilleuls »), occupe une terrasse alluviale de l’Elster blanche. Le margrave de Meissen Otto le Riche lui accorde le privilège urbain et le privilège de marché vers 1165, et la ville devient dès la fin du xiie siècle un centre européen de la pelleterie et du textile. L’empereur Maximilien Ier accorde à Leipzig en 1497 le titre de foire impériale (Reichsmesse), privilège qui conforte sa renommée dans tout l’Empire et assoit sa position dominante face aux concurrences régionales (Halle, Magdebourg, Erfurt).
L’essor de l’imprimerie et de l’édition est très lié aux foires et aux liens étroits entretenus par la bourgeoisie négociante avec l’élite intellectuelle. L’université, l’une des plus anciennes d’Europe centrale, est fondée en 1409, à la suite d’une sécession de l’université de Prague. Le premier quartier des imprimeurs et des libraires apparaît dès la fin du xve siècle entre le monastère Saint-Paul et l’église Saint-Nicolas. Après l'introduction de la Réforme par Martin Luther et Justus Jonas à Leipzig en 1539, la ville devient rapidement l'un des plus importants lieux d'impression en Europe, et sa foire du livre évince au début du xviie siècle sa rivale Francfort-sur-le-Main, fragilisée par la censure catholique. Outre des livres, on édite à Leipzig des revues périodiques et des journaux quotidiens. Au xviiie siècle, la vie littéraire et culturelle de la ville s’enrichit d’une forte composante musicale (séjours de Telemann, Bach ; orchestre du Gewandhaus) qui suscite l’invention de l’impression des partitions et la création de grandes maisons d’édition musicale (Breitkopf, Peters). L’essor des principales maisons d’édition (Brockhaus, Teubner, Seemann, Baedeker) et de la presse rapide entraîne le développement au xixe siècle du Quartier graphique (Graphisches Viertel), à l’est du centre historique, qui rassemble en 1840 cent huit librairies et maisons d’édition, vingt-quatre imprimeries et sept fonderies typographiques.
La desserte par le chemin de fer, à partir de 1839, conforte la centralité de Leipzig, à la croisée d’un axe est-ouest reliant la Rhénanie à la Silésie et de l’axe nord-sud reliant Berlin à Munich. Le savoir-faire des négociants fut propice au développement d’activités financières et assurancielles dans la première moitié du xixe siècle. Un temps devancée par sa voisine Halle, qui bénéficiait des investissements prussiens, Leipzig a dû attendre l’unification allemande en 1871 pour connaître son plein essor industriel. Aux activités traditionnelles s’ajoutent la construction de machines, la métallurgie et la chimie, ainsi que l’extraction et l’exploitation de lignite au sud de la ville. L’industrialisation se traduit par une croissance urbaine considérable (100 000 habitants en 1870 ; 600 000 habitants en 1910), matérialisée dans le développement de quartiers péricentraux wilhelmiens, aujourd’hui très prisés, et dans la construction de nombreux édifices publics (Bibliothèque nationale allemande, palais de justice, nouvel hôtel de ville, gare centrale, monument de la Bataille des nations).
Cette croissance ainsi que la renommée européenne de la foire du livre se poursuivent jusqu’à l’avènement du régime nazi (700 000 habitants en 1930) qui ne rencontre pas de résistance notable dans la ville. Les bombardements alliés de 1943 et 1944 détruisent la gare centrale et une partie importante du centre-ville. En mars 1945, Leipzig est occupée par l’armée américaine, relayée le 2 juillet par l’Armée rouge, conformément aux accords de Yalta.
Sous la République démocratique allemande, Leipzig voit ses fonctions éditoriales et industrielles affaiblies par les destructions de la fin de la Seconde Guerre mondiale, le démantèlement de l’appareil productif par les Soviétiques et par la rupture avec ses traditionnels partenaires commerciaux ouest-allemands. La planification socialiste priorise l’extraction de lignite et la chimie ; la construction de grands ensembles (les Plattenbau) dans les quartiers de Grünau et Paunsdorf permet de loger des habitants qui délaissent les logements dégradés du centre-ville. Les infrastructures sportives et culturelles ne sont pas négligées : le stade central est construit en 1956, de nouveaux bâtiments universitaires voient le jour, et le nouveau Gewandhaus est inauguré en 1981 sous la direction de Kurt Masur.
Dans les années 1980, Leipzig joue un rôle important dans la contestation du régime socialiste (rencontres de l’église Saint-Nicolas, manifestations du lundi). La décennie 1990 est marquée par la désindustrialisation, la disparition de nombreux éditeurs et une diminution de la population, à tel point que Leipzig devient au tournant des années 2000 un modèle de gestion des villes en décroissance. Mais de nombreux investissements – d’origine ouest-allemande principalement – ont permis à Leipzig de se doter de nouveaux équipements collectifs, de restaurer progressivement ses quartiers centraux, et ainsi de renouer avec un certain dynamisme. La ville devient un site majeur de l’industrie automobile allemande (Porsche, BMW et Siemens) et de la logistique (Amazon, DHL) ; des clusters se sont développés dans les domaines des biotechnologies, de l’énergie et de l’environnement. Leipzig retrouve depuis la fin des années 2000 une croissance démographique portée par les apports migratoires tant allemands qu’étrangers. Dotée de nombreux espaces verts, le long de l’Elster notamment, la ville est particulièrement attractive pour les étudiants et sujette à un processus de gentrification, notamment sensible dans les quartiers de l’époque wilhelmienne.
Sous l’effet de l’extension urbaine, Leipzig forme désormais avec Halle une conurbation qui constitue le cœur de la région métropolitaine d’Allemagne médiane (MetropolregionMitteldeutschland). C’est à cette échelle que s’organisent les réseaux de transport en commun et le transport aérien, l’aéroport Halle-Leipzig étant le deuxième aéroport allemand de fret.
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Écrit par
- Hélène ROTH : docteure, maître de conférences en géographie à l'université Clermont-Auvergne
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