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JENNY-CLARK JEAN-FRANÇOIS (1944-1998)

Fondamentale mais discrète, la contrebasse occupe rarement le devant de la scène. C'est elle pourtant qui définit l'ancrage harmonique et l'assise rythmique de l'improvisation jazz. On a pu parfois se passer de piano ou de batterie, on n'a jamais pu omettre la contrebasse. Et quand, au-delà de cet obscur travail d'architecte, se révèle un tempérament de soliste, tous les instruments se taisent pour que s'élève le chant sourd de ce cœur qui s'affole ou se calme. D'immenses musiciens, souvent inconnus du grand public, ont choisi cette voie souterraine : Wellman Braud, Jimmy Blanton, Slam Stewart, Charlie Mingus, Paul Chambers, Percy Heath, Oscar Pettiford, Niels-Henning Ørsted Pedersen, Ron Carter, Tommy Potter, Charlie Haden, Ray Brown... Jean-François Jenny-Clark était de cette race.

Il naît à Toulouse le 12 juillet 1944. Il n'a que seize ans quand Jackie McLean l'entend à Paris au Chat qui pêche. Sans hésiter, il l'engage durant deux ans (1960-1961). Le jeune contrebassiste rejoint ensuite Don Cherry (1963-1964) et sera le partenaire de Gato Barbieri. S'allonge alors la liste des grands du jazz qui le réclament : Bernard Vitet, Beb Guérin, François Tusque, Aldo Romano, Pharoah Sanders (1965), Jean-Luc Ponty (1966-1967), Martial Solal (1967-1968).

Jean-François Jenny-Clark tient aussi à parfaire sa formation classique : en 1968, il remporte un premier prix de contrebasse au conservatoire de Paris. Il ne ralentit pas pour autant le rythme de ses expériences musicales. On le retrouve ainsi aux côtés de Keith Jarrett, de Joachim Kühn (1968-1969), d'Anthony Braxton, de Paul Motian, de Joe Henderson (1974). Après une participation au groupe Pork Pie (1974), ses nouveaux compagnons s'appellent André Mangelsdorff, Michel Portal, Chet Baker (1980), Bernard Lubat, François Jeanneau et Daniel Humair (1981-1984). Avec ce dernier et Joachim Kühn, il fonde en 1985 un trio, avant de dialoguer avec Jack DeJohnette. Il est aussi très sollicité par la musique savante contemporaine. Membre de l'ensemble Musique vivante, que dirige Diego Masson, il collabore avec l'élite des compositeurs de notre temps : John Cage, Mauricio Kagel, Vinko Globokar, Gilbert Amy, Luciano Berio, Karlheinz Stockhausen, Pierre Boulez. La maladie l'emporte brutalement, le 6 octobre 1998, à Paris, alors qu'il était au sommet de ses moyens et de son inspiration.

Jean-François Jenny-Clark a goûté à toutes les aventures de son époque. Il les a enrichies de la lucidité de son regard musical, de la perfection de sa technique, de la richesse de son imagination. Une justesse – si problématique sur l'instrument – idéale, un legato irrésistible, une intelligence et une sensibilité rares lui ont valu l'appel des plus grands. Il aimait les sonorités inhabituelles, les petites cellules rythmiques qui déstructurent les phrases, les soudaines envolées vers l'aigu. Mais son timbre et son langage ont conservé un naturel et une simplicité qui sont sa signature.

— Pierre BRETON

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Pour citer cet article

Pierre BRETON. JENNY-CLARK JEAN-FRANÇOIS (1944-1998) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • KÜHN JOACHIM (1944- )

    • Écrit par Pierre BRETON
    • 1 256 mots

    Grand voyageur, Joachim Kühn franchit les frontières avec la même insouciance qu'il transgresse les barrières esthétiques. Alors que tant d'autres sombrent alors dans une versatilité insignifiante et superficielle, le pianiste allemand sait préserver son tempérament naturel et ses exigences artistiques....

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