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DUNS SCOT JEAN (1266 env.-1308)

Le franciscain Duns Scot – le Docteur subtil – attire par une certaine modernité de pensée plus encore qu'il ne rebute par les difficultés ou les finesses de son système. Une des clefs du scotisme est sa réaction contre le primat de l'intellect, lié à une certaine lecture d'Aristote.

Plus proche d'Avicenne (980-1037) que d'Averroès (1126-1198), Duns Scot développe une métaphysique des essences. Sans faire de l'acte d'exister un accident, il se garde – danger mortel à ses yeux pour la théologie comme pour la philosophie – de concevoir le monde à la manière d'une conséquence découlant d'un principe. Sa revendication essentielle, celle de la « liberté », l'a fait un peu vite rapprocher de Descartes. Il reste que le Dieu de Duns Scot crée sans être soumis à la règle du Bien, qu'il envoie son Fils indépendamment du péché d'origine. Il reste que l'homme de Duns Scot aime son Dieu d'un mouvement qui est entièrement sien et ne doit rien, en tout cas, à quelque raison nécessitante.

Le Docteur subtil

La vie

Les origines de Jean Duns Scot, la date et le lieu de sa naissance laissent encore place à quelque incertitude. Après l'avoir cru fils d'un comte Ninian Duns, de Maxton, près de Barwick, on pense plutôt aujourd'hui qu'il est né dans le village de Duns, au sud-est d'Édimbourg, et c'est là que les participants du Congrès international d'études scotistes de 1966 ont inauguré une statue et une plaque commémorative. Malgré les prétentions de l'Irlande et même de l'Angleterre, il est reconnu, comme le dit l'inscription (d'ailleurs tardive) de son tombeau colonais, que si l'Angleterre l'a « accueilli », si la France l'a « instruit », si Cologne « conserve » sa dépouille, c'est bien l'Écosse qui le « vit naître ». L'hypothèse qui situait cette naissance vers 1274 est, d'autre part, contredite par des documents d'archives qui situent l'entrée du futur Docteur subtil chez les Franciscains de Dumfries en 1278 ou 1279, et son ordination sacerdotale au 19 mars 1291 ; compte tenu des règlements canoniques qui fixaient à vingt-cinq ans l'accès des Frères mineurs à la prêtrise, on peut penser que Jean Duns Scot est né dans les derniers mois de 1265 ou au début de 1266 ; cette dernière date a été retenue pour la célébration de son septième centenaire.

Plus précise est la date de sa mort, 8 novembre 1308, mais, sur les diverses étapes de sa brève carrière, les renseignements tout à fait sûrs restent trop rares. Sa présence est probable, entre 1291 et 1293, au « studium » écossais de Northampton et ensuite, dans un climat politique troublé par la lutte du roi Édouard Ier contre le royaume d'Écosse (au temps de Baliol et des Bruce), son transfert à l'Université d'Oxford ; on admet qu'il vint à Paris une première fois entre 1293 et 1297, mais que c'est à Cambridge, entre 1297 et 1300, qu'il lut les Sentences de Pierre Lombard, c'est-à-dire commenta, comme bachelier, le manuel théologique en usage depuis le xiie siècle dans toutes les écoles de l'Occident chrétien. Il continua cet enseignement, de nouveau, à Oxford dans les deux premières années du xive siècle, puis à Paris. Ayant refusé en 1303 d'approuver les positions de Philippe le Bel contre Boniface VIII, il dut retourner quelque temps à Oxford, mais c'est à Paris qu'en 1305 il accède au grade de magister regens (c'est-à-dire au doctorat). Dans des circonstances mal éclairées, son ordre l'envoie à Cologne à la fin de 1307, comme lecteur principal au studium franciscain, et c'est là qu'il meurt prématurément à l'automne de l'année suivante.

Les œuvres

Nous empruntons au feu Père Charles Balić, animateur incomparable[...]

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Écrit par

  • : professeur émérite à l'université de Paris-I
  • Universalis : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis

Classification

Pour citer cet article

Universalis et Maurice de GANDILLAC. DUNS SCOT JEAN (1266 env.-1308) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • AUGUSTINISME

    • Écrit par Michel MESLIN, Jeannine QUILLET
    • 5 572 mots
    C'est sans doute dans l'œuvre de Jean Duns Scot († 1308) que l'on trouve la synthèse la plus complète entre un augustinisme strict et un aristotélisme mêlé, par ses filières arabes, de néo-platonisme : il édifie une métaphysique subtile et profonde par laquelle il expose comment, à partir de l'essence...
  • AVICENNE, arabe IBN SĪNĀ (980-1037)

    • Écrit par Henry CORBIN
    • 8 902 mots
    • 1 média
    ...nécessaire entre la cosmologie et la gnoséologie, la sotériologie et les hiérarchies célestes, tout cela s'effondre. Le fin mot de l'affaire, c'est chez Duns Scot, semble-t-il, que nous le trouvons plus tard. Certes, Duns Scot eut une compréhension subtile et approfondie des thèses avicenniennes ; sa métaphysique...
  • GODEFROID DE FONTAINES (av. 1250-apr. 1305)

    • Écrit par Olivier JUILLIARD
    • 639 mots

    Né près de Liège, ce clerc séculier fut étudiant à l'université de Paris vers 1270 et assista à la grande querelle entre Thomas d'Aquin, Gérard d'Abbeville et Siger de Brabant. Puis il suivit les leçons d'Henri de Gand et défendit contre lui le thomisme. Régent de...

  • HENRY DE HARCLAY (1270 env.-1317)

    • Écrit par Olivier JUILLIARD
    • 386 mots

    Étudiant à Oxford, puis à Paris, ordonné prêtre en 1297, Henry de Harclay enseigna la philosophie à l'université d'Oxford, dont il devint chancelier en 1312, et fut ensuite nommé évêque de Lincoln. Toute sa vie, il s'opposa aux Dominicains, mais c'est contre Jean Duns...

  • Afficher les 8 références

Voir aussi