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COPEAU JACQUES (1879-1949)

Ce qu'on a appelé la réforme de Jacques Copeau, c'est d'abord le retour délibéré aux sources traditionnelles les plus pures (tragédie grecque, commedia dell'arte, théâtre élisabéthain, etc.) ; c'est aussi une volonté de resserrer les liens du théâtre et de la poésie, entre lesquels s'étaient développés toutes sortes de malentendus ; c'est enfin un effort d'épuration radicale des techniques et des mœurs de la scène. Aussi se présente-t-elle à la fois comme une réaction contre le théâtre bourgeois des années 1900 et comme une résistance au théâtre des metteurs en scène techniciens. Chez l'Anglais E. G. Craig et chez le Suisse A. Appia, Copeau trouve formulées ses exigences fondamentales. Profondément classique, il récuse les expériences allemandes ou russes, dans la mesure où elles donnent le pas aux prestiges techniques. En ce sens, Copeau a orienté pendant quarante ans l'école française de mise en scène, qui ignorera à peu près le constructivisme ou l'expressionnisme et se tiendra à distance des Reinhardt, des Meyerhold et des Piscator. C'est par la découverte, dans les années 1950, du théâtre épique, de Brecht et du style du Berliner Ensemble que les hommes de théâtre français mettront en question l'héritage esthétique de Copeau et du Cartel, encore contraignant chez un Barrault ou un Vilar. Mais l'éthique du Vieux-Colombier, compte tenu de l'évolution économique et sociale du théâtre, n'en demeure pas moins vivante.

Le promoteur du tréteau nu

En fondant le théâtre du Vieux-Colombier en 1913, Jacques Copeau, né à Paris trente-quatre ans plus tôt, avait conscience d'entreprendre une réforme à la fois esthétique et éthique. Mêlé étroitement à la vie littéraire de son temps, celui qui fut le premier directeur de la Nouvelle Revue française, l'ami d'André Gide, le critique dramatique de L'Ermitage et de la Grande Revue, n'ignorait pas de quel discrédit l'art du théâtre était menacé. L'héritage réaliste d'Antoine, dont il admirait cependant le courage et l'exigence artistique, l'esthétisme décadent du symbolisme, le mercantilisme du théâtre bourgeois des Boulevards contribuaient également à dénaturer un art coupé de ses sources profondes. C'est à lui rendre sa dignité et sa pureté que le promoteur du « tréteau nu », non moins épris d'absolu que le fut Mallarmé en poésie, usera son énergie avec autant d'intelligence lucide que de passion quasi mystique.

Goût de la contrainte, économie des moyens sont les caractères dominants de cet esprit de réforme qui anime Copeau. Ils se sont manifestés dans l'idée qu'il se faisait tant de la fonction du poète dramatique, animateur total, que de l'enseignement de l'acteur – tâche qui, finalement, a absorbé la plus grande part de son activité – et de la mise en scène proprement dite.

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Pour citer cet article

Georges LERMINIER. COPEAU JACQUES (1879-1949) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • ACTEUR

    • Écrit par Dominique PAQUET
    • 6 815 mots
    • 2 médias
    ...de rigueur. Grâce aux travaux de François Delsarte et de Jaques-Dalcroze, la machine corporelle est mise en relation avec l'esprit et le rythme. Jacques Copeau s'en souviendra, qui fondera la formation de l'acteur sur des exercices de gymnastique rythmique, d'acrobatie, de danse,...
  • BOULEVARD THÉÂTRE DE

    • Écrit par Daniel ZERKI
    • 5 988 mots
    C'est précisément contre ces facilités que Copeau, dès avant 1914, puis les metteurs en scène du Cartel, après 1920, mènent le combat. Cette lutte a paradoxalement pour effet d'appauvrir encore le répertoire du Boulevard : puisque le public difficile va au Cartel, les théâtres de boulevard ne se feront...
  • CARTEL, théâtre

    • Écrit par Pierre-Aimé TOUCHARD
    • 2 015 mots
    • 1 média
    ...thèmes de la pensée contemporaine, quels qu'ils fussent, pourvu qu'ils expriment les inquiétudes, les refus, les espoirs et les volontés de son époque. Copeau avait corrigé son excès de libéralisme en rappelant que le théâtre avait ses lois propres, qu'il était un art indépendant, avec ses moyens...
  • FONDATION DU THÉÂTRE DU VIEUX-COLOMBIER

    • Écrit par Jean CHOLLET
    • 216 mots

    Lorsque, avec l'appui de ses amis de La Nouvelle Revue française, André Gide, Gaston Gallimard et Jean Schlumberger, Jacques Copeau (1879-1949) fonde en 1913 le Théâtre du Vieux-Colombier, à Paris, il lance un « appel » resté célèbre dans l'histoire du théâtre contemporain. Il s'adresse...

  • Afficher les 9 références

Voir aussi