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ISMAÉLISME

L'ismaélisme (ismā‘īliyya) est un rameau majeur du chiisme (shī‘a) qui compte de nombreuses subdivisions. Il est apparu au iie siècle de l'hégire (viiie s.), et l'on sait peu de choses sur le début de son histoire. La période la mieux connue est la période califale des Fatimides (910-1171), pendant laquelle les imām, guides divins de la communauté, dirigèrent un empire qui fut un temps le plus puissant du monde méditerranéen. Mais différents schismes contribuèrent à l'affaiblir. Les nizārites constituèrent, dans le nord de la Perse, un royaume qui allait défier pendant plusieurs siècles la puissance seldjoukide. Simultanément, l'ismaélisme connut un regain de vigueur dans le nord-ouest de l'Inde.

Après des périodes plus obscures, les autorités suprêmes des deux principales communautés ismaéliennes, les Khojas et les Bohras, s'établirent à Bombay (Mumbai). Grâce à la protection britannique, les ismaéliens du sous-continent, issus principalement de castes de marchands, accédèrent à une relative prospérité économique. Modernistes, les communautés furent cependant divisées sur le problème de la partition et, depuis les indépendances, les ismaéliens cherchent à reconstruire leur identité au gré du développement des fondamentalismes religieux.

Histoire du mouvement

Origine et période fatimide

Après la mort du sixième imām chiite Dja‘far al-Ṣādik en 765/148, une querelle de succession éclata entre ses deux fils Ismā‘īl et Mūsā al-Kāṣim. Marqué dès l'origine par une grande diversité, le mouvement des partisans d'Ismā‘īl ou ismaéliens, ne devint actif qu'à la fin du ixe siècle, sous une double forme, qarmate et fatimide. Vers 877-878/264, un certain Ḥamdan Qarmat, fondateur éponyme de la secte, déployait une intense activité dans la région de Kūfa. C'est vers 886 qu'il aurait envoyé Abū Sa‘īd al-Djannābī à al-Aḥsā' et à Baḥrayn, où celui-ci créa une principauté dévouée à sa cause, un royaume quarmate. En 930, sous le règne de son fils Abū Ṭāhir, les Qarmates s'emparèrent de La Mecque, massacrèrent les habitants, puis emportèrent la Pierre noire qu'ils ne restitueront contre rançon qu'en 950. Mais dès 939, la puissance militaire des Qarmates faiblit. La principauté qarmate d'al-Aḥsā' nous est connue par la relation qu'en donna le philosophe persan Nāṣir-i Khusraw (1004-1088). Il décrit une sorte de royaume idéal – welfare state avant la lettre –, où le gouvernement offre des subventions à qui veut fonder une « entreprise ».

À la fin du ixe siècle, les Ikhwān al-Ṣafā' (Frères de la pureté), tous ismaéliens, commencèrent à rédiger leur fameuse encyclopédie, qui constituait une tentative réussie d'harmoniser le néo-platonisme et la révélation coranique. En 881/268, un autre missionnaire, Ibn Ḥawshab, surnommé Manṣūr al-Yaman, est envoyé par l'imām au Yémen où il s'assure rapidement l'appui des tribus. En 883/270, il envoie son neveu al-Haytham comme missionnaire au Sind. Au Maghreb, en décembre 909, Abū ‘Abd Allāh al-Shī‘ī parvient à renverser la dynastie aghlabide avec le soutien de la tribu berbère des Kutāma. L'imām, ‘Abd Allāh al-Mahdī, révèle publiquement son identité et il est intronisé calife en janvier 910, avant de s'établir en Ifrīqiyya. Son règne (909-934/297-322) fut marqué par la soumission de tribus berbères, et celui de ses deux successeurs par la révolte du khāridjite Abū Yazīd. Al-Mu‘izz, le quatrième calife, une fois restaurée la paix intérieure, entreprit la conquête du reste du Maghreb, mais son objectif prioritaire restait la conquête de l'Égypte. Son général, Djawhar, entrait à Fusṭāṭ en 969/358. Il entreprit l'édification non loin de cette ville d'une nouvelle cité, la future capitale fatimide [...]

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Écrit par

  • : chargé de cours d'histoire à l'université de Savoie, Chambéry, chercheur associé au Centre d'études de l'Inde et de l'Asie du Sud, Paris
  • : docteur de l'université Al-Azhar, Le Caire (alimiyya), docteur ès lettres, université de Paris-Sorbonne, maître de recherche au C.N.R.S.

Classification

Pour citer cet article

Michel BOIVIN et Osman YAHIA. ISMAÉLISME [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Média

Mariage collectif bohra - crédits : Vikas Khot/ AFP

Mariage collectif bohra

Autres références

  • AGA KHAN III (1877-1957)

    • Écrit par Mostafa Ibrahim MORGAN
    • 402 mots

    Fils unique d'Aga khan II, Muḥammad shāh lui succéda à l'âge de huit ans comme imām des ismaéliens. La sympathie probritannique étant assez forte dans la famille, le jeune Aga khan III reçut une éducation typiquement anglaise. Mais c'est grâce à sa mère, appartenant à une grande maison iranienne,...

  • ‘AMR

    • Écrit par Roger ARNALDEZ
    • 224 mots

    Mot arabe qui, venant du verbe amara (« commander », « ordonner »), désigne l'impératif en grammaire et le commandement divin dans le Coran et la théologie. Le ‘amr est donc en relation avec la volonté de Dieu, tantôt avec la volonté législatrice (irāda), tantôt avec une volonté...

  • ASSASSINS, secte

    • Écrit par Roger ARNALDEZ
    • 473 mots

    Membres d'une secte musulmane, célèbre par la manière dont elle se faisait un devoir sacré de mettre à mort les ennemis de la Vérité. Les assassins recherchaient, croit-on, l'extase dans la drogue, ce pourquoi on les appelle en arabe ḥashshāshīn ou ḥashīshiyya, nom qui...

  • AVICENNE, arabe IBN SĪNĀ (980-1037)

    • Écrit par Henry CORBIN
    • 8 902 mots
    • 1 média
    ...avicennien. Enfin l'œuvre d'Avicenne est contemporaine d'un fait d'une importance majeure : la constitution de ce que l'on peut désigner comme le corpus ismaélien, c'est-à-dire les œuvres considérables, tant en langue arabe qu'en langue persane, où s'expriment la philosophie et la théosophie...
  • Afficher les 16 références

Voir aussi