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CHIISME ou SHĪ‘ISME

Le chiisme (shī‘isme) ne doit pas être désigné comme une « hétérodoxie » par rapport à un sunnisme qui serait l'« orthodoxie » islamique. Il n'y a ni concile ni autorité pontificale en Islam pour déterminer ces positions dogmatiques, et l'idée de majorité n'est pas plus l'équivalent d'orthodoxie que celle de minorité n'est l'équivalent d'hétérodoxie. Le shī‘isme représente une certaine manière de comprendre et de vivre l'islam qui remonte jusqu'aux origines de celui-ci, c'est-à-dire au vivant même du Prophète. Le mot « shī‘isme » est bizarrement formé en français par l'adjonction d'un suffixe tiré du grec au mot arabe shī‘a. La racine d'où provient ce dernier connote l'idée de suivre, d'accompagner. La shī‘a, c'est l'ensemble des adeptes, de l'école (il y a, par exemple, la shī‘a de Platon). Au sens strict du mot, la shī‘a, le shī‘isme, s'applique essentiellement aux fidèles qui professent la foi en la mission des Douze Imāms, c'est-à-dire les shī‘ites duodécimains ou imāmites tout court (le mot imām veut dire guide, principalement au sens spirituel). Au sens large, le mot peut désigner une vaste famille en mesure de se réclamer d'une ascendance shī‘ite. Dans cette famille entrent les Ismaéliens (comme shī‘ites septimains, différenciés des duodécimains à partir du VIIe Imām), et subsidiairement les Druzes et les Noṣayris. D'autres branches, tel le zaydisme (au Yémen), forment en quelque sorte transition avec le sunnisme.

Après le bref éclat jeté par les princes iraniens shī‘ites de la dynastie des Bouyides (xe s.), qui furent un moment les vrais maîtres de l'empire ‘abbāside, le shī‘isme duodécimain eut à traverser des siècles de persécution qui le réduisirent à la clandestinité. C'est seulement avec l'avènement de la dynastie safavide au xvie siècle et la reconstitution de la souveraineté nationale iranienne qu'il put revivre au grand jour, ce qui ne veut nullement dire que la pensée shī‘ite soit une création de l'époque safavide. La quasi-totalité de la population iranienne professe de nos jours le shī‘isme ; aussi bien, dès les origines, le shī‘isme avait-il pris fortement racine en Iran. Il y a, en outre, de forts îlots shī‘ites en ‘Irāq (où sont les lieux saints : Najaf, Karbalā, Kāẓimayn), au Liban, en Syrie, dans l'Inde, au Pakistan..., mais les statistiques, quand il y en a, ne fournissent pas des données numériques qui soient hors de doute. Aussi bien, par sa « discipline de l'arcane », le shī‘isme échappe-t-il plus que toute autre formation religieuse aux statistiques.

Les périodes

On peut à grands traits distinguer quatre périodes dans l'histoire du shī‘isme duodécimain.

La première période est celle des saints Imāms et de leurs adeptes et familiers. Elle s'étend jusqu'à la date qui marque le début de la « Grande Occultation » (al-ghaybat al-kobrā) du XIIe Imām (329/940). Cette même date est celle de la mort de l'un des premiers grands théologiens shī‘ites, Moḥammad ibn Ya‘qūb Kolaynī, qui rassembla en un corpus de plusieurs dizaines de milliers de ḥadīth les traditions rapportées des Imāms, lesquelles, constituant la sunna ou tradition proprement shī‘ite, sont aussi la source de toute pensée shī‘ite.

Une deuxième période s'étend depuis cette date jusqu'à la mort du grand philosophe et théologien shī‘ite, mathématicien et astronome, Nāṣir al-dīn Ṭūsī (mort en 1274), celui qui, lors du sac de Baghdād par les Mongols (1258), réussit à sauver le quartier et la population shī‘ites. Pendant cette période, les théologiens continuateurs de Kolaynī poursuivent l'élaboration du corpus des traditions shī‘ites formant plusieurs[...]

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Écrit par

  • : directeur d'études à l'École pratique des hautes études (Ve section)
  • : professeur à la l'université de Paris-III-Sorbonne nouvelle

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Médias

Rouhollah Moussavi Khomeyni, 1978 - crédits : Keystone/ Getty Images

Rouhollah Moussavi Khomeyni, 1978

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