HÉPATITE C

Histoire naturelle de l’hépatite C - crédits : Encyclopædia Universalis France

Histoire naturelle de l’hépatite C

Les hépatites virales sont, derrière les infections respiratoires tristement médiatisées avec la pandémie de SARS-CoV-2, la deuxième cause de décès d’origine infectieuse, dépassant la mortalité liée à l’infection par le virus de l’immunodéficience humaine (sida), la tuberculose ou le paludisme. Au moins 1 200 000 personnes en meurent chaque année dans le monde. La lutte contre les hépatites virales est donc une priorité. Le prix Nobel de médecine 2020 a été attribué à Harvey Alter, Michael Houghton et Charles Rice, pour leurs contributions décisives à la découverte du virus de l’hépatite C – qui constitue, avec le virus de l’hépatite B, l’un des problèmes de santé majeurs dans le monde – et à la lutte contre cette maladie à transmission parentérale. Le virus C est en effet à l’origine de pathologies hépatiques graves voire mortelles (cirrhose et cancer du foie), de manifestations vasculaires extra-hépatiques également graves, et contribue à de multiples autres pathologies invalidantes. En dépit de ce constat, en trente ans environ, le développement des travaux de ces trois prix Nobel permet d’envisager l’élimination du virus de l’hépatite C à l’horizon 2030, selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS).

Découverte du virus de l’hépatite C (VHC)

Le mot « hépatite » apparaît dans la littérature médicale dans les années 1760, pour désigner une inflammation du foie. Les descriptions se complexifient au fil du temps, mais il faut attendre les années 1940 et la multiplication des hépatites post-transfusionnelles pendant la guerre, pour que s’impose l’idée que nombre d’hépatites sont infectieuses et particulièrement d’origine virale, sans pour autant que leurs agents infectieux soient identifiés. À partir des années 1960, on assiste à l’éclatement de la notion « simple » d’hépatite virale. Le virus de l’hépatite B (VHB) est d’abord découvert par Baruch Blumberg en 1967 (prix Nobel de médecine en 1973). La découverte du virus de l’hépatite A (VHA) suit peu après, en 1977. L’identification de ces deux virus permet de distinguer les hépatites à transmission féco-orale (dues au VHA) de celles à transmission parentérale ou sexuelle (dues au VHB). Cependant, des cas d’hépatites post-transfusionnelles persistent, malgré l’élimination des sangs contaminés par les VHA et VHB. Harvey Alter a été pionnier dans la description de ces hépatites virales dites « non A non B ». Au sein des NIH (National Institutes of Health), à Bethesda (États-Unis), il montre que les virus « non A non B » étaient transmissibles au chimpanzé (le seul hôte possible en dehors de l’être humain). D’autres études montrent que cet agent infectieux devait être un virus et Alter peut ainsi définir une nouvelle entité clinique, l’hépatite « non A non B » transmise par le sang. Pendant dix ans, les virus « non A non B » n’ont pas été caractérisés. L’équipe de Michael Houghton travaillant au laboratoire pharmaceutique Chiron d’Emeryville en Californie, y parvient en 1987, en isolant le matériel génétique du VHC. Une banque d’ADN complémentaires (préparés à partir des ARN messagers) de cellules du sang d’un chimpanzé infecté par du virus « non A non B » est préparée. Partant du principe que la banque inclurait certes des fragments du génome du chimpanzé, mais aussi des fragments du virus inconnu, Houghton l’a criblée avec des anticorps provenant de patients ayant une hépatite « non A non B ». Un clone exprimant une protéine reconnue par ces anticorps a été identifié. Elle correspond à un nouveau virus à ARN enveloppé appartenant à la famille des flavivirus, et appelé virus de l’hépatite C (VHC). La présence d’anticorps contre des protéines codées par ce génome chez les patients ayant une hépatite chronique « non A non B » suggérait fortement que ce virus correspondait à l’agent viral recherché. Mais est-il seul responsable ? Charles Rice, à l’université Washington de Saint Louis, a identifié une région du génome viral C importante pour la réplication du virus. Il a construit des variants du VHC dans cette région : leur injection dans le foie de chimpanzés entraîne la détection de VHC dans le sang, et des anomalies histopathologiques hépatiques comparables à celles des hépatites chroniques observées chez les humains infectés. C’était la dernière preuve que le VHC seul pouvait être à l’origine des cas jusque-là inexpliqués de contamination transfusionnelle « non A non B ».

La découverte du VHC a été capitale pour les stratégies diagnostiques et thérapeutiques ultérieures qui ont connu une véritable révolution dans les années 1990 à 2010. Des tests diagnostiques sérologiques sensibles, puis des tests virologiques (par RT-PCR permettant l’identification de l’ARN viral et sa quantification) ont permis non seulement de dépister les sujets infectés, mais aussi d’exclure le sang des donneurs infectés, souvent asymptomatiques, renforçant ainsi la sécurité des dérivés du sang (hémovigilance) : le risque transfusionnel d’hépatite C s’est effondré à environ 1 pour 1 million de prélèvements.

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La découverte des virus a enfin contribué au développement rapide de traitements antiviraux oraux efficaces, depuis 2014, qui ont fait passer le taux de guérison de 7 % en 1980 avec le seul interféron, à la guérison de presque tous les patients traités en 2020.

Le dépistage des sujets infectés et leur traitement permettent même d’espérer une élimination du virus à l’horizon 2030, selon l’OMS, sous réserve d’un dépistage élargi et d’un accès facilité aux traitements les plus efficaces. Cette histoire unique méritait bien un prix Nobel tant les principales étapes de l’histoire médico-scientifique du VHC sont exemplaires par la rapidité de leur succession et par la transdisciplinarité « translationnelle », illustrée par une interaction réciproque entre scientifiques, médecins cliniciens, virologues, pharmacologues et épidémiologistes

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Écrit par

  • : professeur des Universités, praticien hospitalier, département d'hépatologie et d'addictologie, hôpital Cochin, Paris
  • : médecin, praticienne hospitalière, service d'hépatologie, hôpital Cochin, Paris

Classification

Médias

Histoire naturelle de l’hépatite C - crédits : Encyclopædia Universalis France

Histoire naturelle de l’hépatite C

Virus de l’hépatite C - crédits : BSIP/ Universal Images Group/ Getty Images

Virus de l’hépatite C

Biologie moléculaire du virus de l’hépatite C - crédits : Encyclopædia Universalis France

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Autres références

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  • FOIE

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