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PRIX NOBEL DE PHYSIOLOGIE OU MÉDECINE 2020

Prix Nobel de physiologie ou médecine 2020 - crédits : John Abbott/ The Rockefeller Univ. ; Chiachi Chang/ NIH ; Richard Siemens/ Univ. of Alberta)/ AFP

Prix Nobel de physiologie ou médecine 2020

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Le 5 octobre 2020, l’assemblée Nobel de l’Institut Karolinska a attribué conjointement le prix Nobel de physiologie ou médecine aux Américains Harvey J. Alter et Charles M. Rice ainsi qu’au Britannique Michael Houghton « pour la découverte du virus de l’hépatite C ». Après avoir honoré, en 1976, Baruch Blumberg, à qui l’on doit l’identification du virus de l’hépatite B, le comité vient ainsi récompenser en 2020 trois chercheurs qui ont contribué de manière décisive à la lutte contre les hépatites transmises par le sang, un problème de santé publique international, au premier rang de gravité desquelles se trouve l’hépatite C.

Harvey J. Alter est né le 12 septembre 1935 à New York. Il étudie à l’université de Rochester (Brighton, États-Unis) et en sort docteur en médecine en 1960. Il exerce comme médecin dans plusieurs hôpitaux universitaires (Seattle, Georgetown en particulier) et, pendant cette période, participe aux travaux de Baruch Blumberg sur le virus de l’hépatite B. Il rejoint en 1969 le département de transfusion sanguine des instituts américains de la santé (NIH), où il poursuit ses activités de recherche, est nommé directeur de la section des maladies infectieuses et réalise l’essentiel de ses travaux sur l’identification du virus de l’hépatite C.

Michael Houghton est né en 1949 au Royaume-Uni. Après des études de biologie à l’université d’East Anglia (Norwich, Angleterre), il obtient un doctorat en biochimie au King’s College de Londres en 1977. Il n’embrasse pas une carrière universitaire mais rejoint rapidement le groupe pharmaceutique G. D. Searle & Company, puis la société californienne de biotechnologie Chiron Corporation en 1982. C’est au sein de cette dernière que le virologiste réalise la partie la plus importante de son travail sur l’identification du matériel génétique du virus de l’hépatite C à partir de 1989 et la mise au point des tests sanguins de présence du virus. Il devient titulaire de la chaire d’excellence de virologie de l’université de l’Alberta (Edmonton, Canada) et directeur de l’Institut de virologie appliquée Li Ka Shing de cette même université.

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Charles M. Rice est né le 25 août 1952 à Sacramento (Californie). Diplômé en biologie de l’université de Californie à Davis en 1974, il mène pendant quelque temps des travaux de recherche en médecine vétérinaire puis en biologie marine. À partir de 1975, il se consacre à l’étude des virus à ARN, sujet pour lequel il obtient son doctorat en 1981 à l'Institut de technologie de Californie (Caltech) à Pasadena au sein duquel il passe quelques années en tant que postdoctorant et où il se spécialise dans l’étude du virus responsable de l’hépatite C. En 1986, il rejoint l’école de médecine de l’université Washington, à Saint Louis, puis l’université Rockefeller à New York en 2001. C’est pendant cette période qu’il effectue ses travaux les plus importants sur les protéines du virus de l’hépatite C. Il est également professeur à l’université Cornell (Ithaca, État de New York). Soucieux de santé publique, il participe aux activités de l’Agence américaine du médicament (FDA) et de l’Organisation mondiale de la santé (OMS).

Les hépatites désignent des inflammations aiguës ou chroniques du foie. Elles peuvent être d’origine toxique (dues, par exemple, à certains médicaments, à l’alcool), ou infectieuse (surtout virale). Selon l’OMS, environ 400 millions de personnes souffrent d’hépatite virale. La recherche des virus responsables d’hépatites a débuté vers la fin des années 1940. En 1960, Baruch Blumberg démontre l’existence d’un virus d’hépatite transmis par le sang, le virus de l’hépatite B (B pour Blumberg) ou VHB (HBV, en anglais). L’infection par ce virus peut déboucher sur des formes chroniques associées à des cirrhoses et cancers hépatiques. La découverte du VHB permet la mise au point de tests sanguins puis d’un vaccin, et limite ainsi la transmission par le sang. Cependant, le VHB n’explique que 15 à 20 p. 100 des hépatites transmises par transfusion. En 1973, un second virus, dit A (VHA), est identifié. Transmis par les matières fécales ainsi que par les eaux et les aliments contaminés, il ne l’est pas par le sang et n’explique donc pas les autres formes d’hépatite transfusionnelle. On doit à Harvey J. Alter et ses collègues d’avoir prouvé l’existence d’un virus « non-A non-B » en 1978, en démontrant en particulier qu’il était transmissible au chimpanzé et y provoquait les lésions hépatiques aiguës et chroniques semblables à celles observées chez l’homme. Ce nouveau virus, appelé C (VHC), restait toutefois élusif, n’ayant pas été mis en évidence avec les méthodes classiques de la virologie. C’est en ayant recours aux méthodes alors naissantes de la biologie moléculaire que Michael Houghton et ses collaborateurs parviennent à isoler des fragments du matériel génétique du virus de l’hépatite C, clonés dans des colibacilleset exprimant dans la bactérie des protéines reconnues par des anticorps contenus dans le sang de sujets infectés par le virus. Un test sanguin est très rapidement mis au point et permet d’éliminer les porteurs de virus du don de sang. La preuve décisive que le VHC est bien responsable d’hépatites et de leur caractère chronique pouvant évoluer vers la cirrhose et le cancer du foie est enfin apportée par Charles M. Rice et ses collaborateurs qui, au milieu des années 1990, montrent l’importance de certaines régions du génome viral dans la pathogénicitédu virus.

À partir de ces données, la mise au point de tests sanguins pour les hépatites B et C, de vaccins contre l’hépatite B – il n’en existe pas contre le VHC – et de protocoles thérapeutiques efficaces contre l’hépatite C – en France, le Maviret®, associant les antiviraux glécaprévir et pibrentasvir, et l’Epclusa®, associant les antiviraux sofosbuvir et velpatasvir – ne s’est pas fait attendre. Près de 95 p. 100 des malades atteints par le VHB peuvent désormais être guéris, ce qui, par exemple en France, justifie un plan d’éradication de la maladie pour 2025. Il en va tout autrement à l’échelle de la planète, dans la mesure où, en l’absence de dépistage, une majorité des porteurs chroniques ne savent pas qu’ils le sont. Et, si les travaux récompensés en 2020 ont offert de réelles perspectives de progrès, la régression de l’incidence de l’hépatite C constitue toujours un objectif d’actualité, comme le souligne d’ailleurs la fondation Nobel.

— Gabriel GACHELIN

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Écrit par

  • : chercheur en histoire des sciences, université Paris VII-Denis-Diderot, ancien chef de service à l'Institut Pasteur

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