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FINALITÉ

La finalité d'une action en est le « pourquoi », le sens, par opposition à son « comment », aux mécanismes ou fonctionnements qu'elle met en jeu. Le mot « finalité » et l'expression « cause finale » sont démodés ; on les emploie souvent entre guillemets, comme antiscientifiques.

La finalité est éprouvée comme une évidence lorsque l'on entreprend de faire quelque chose, d'obtenir un résultat. Cette évidence conduit à interpréter comme « finalisée » l'action observée d'un autre : Que veut-il faire ? Quel est le sens de son acte ? On pense observer de la finalité, non seulement dans l'action d'un homme, mais dans le comportement ou la structure d'un organisme, même supposé inconscient, si l'on y voit une certaine adaptation de moyens à une fin, si ses actes ou ses organes semblent appropriés à sa survie. On en trouve de même dans tout système constitué, vivant ou non, lorsque ses parties parais-sent agencées relativement à une fonction de l'ensemble. Un appareil qui résulte de notre « faire » nous savons qu'il est finalisé – par nous. Un équipement industriel sert aux usagers, son fonctionnement a une fin. Par analogie, les systèmes naturels donnent l'impression d'avoir une fonction bénéfique ou maléfique.

L'impression de finalité s'étend à tout être dont la présence, la nature – même sans agencement interne – paraît lourde de sens, semble exprimer quelque chose, avoir une vertu ou une force quelconque.

La finalité est de l'ordre de la compréhension, non de l'explication. Là même où la finalité est intuitive, ou saisissable par analogie directe, elle n'est jamais un ensemble d'« observables », au sens strict du mot, que l'on peut voir, photographier, ou relever par un appareil enregistreur. Elle est seulement descriptible ou observable en gros ; elle échappe à la méthode scientifique rigoureuse. Elle est extraite de l'expérience par une lecture ou une traduction plus ou moins libre, non par une observation scientifique. On perçoit des signes d'intention : un animal gratte à la porte, il est donc impatient d'entrer. La compréhension par des signes est plus spontanée et plus facile que l'explication scientifique ; elle peut être hésitante dans tel cas particulier (par exemple, quand on essaie de deviner l'intention d'un adversaire qui cache son jeu), mais elle n'est pas hésitante en tant que procédé général de lecture. Elle fait appel à l'imagination animante et n'a pas à élaborer péniblement un système de lois générales, un enchaînement déterminé de causes et d'effets. Elle interprète chaque cas par sympathie, dans l'émotion de son propre effort, conjugué ou opposé aux intentions des autres.

Figures historiques de la finalité

La finalité magique

La finalité magique consiste à voir en toutes choses des vertus actives, s'exprimant par des signes, en des correspondances formant des systèmes. Les choses sont vivantes et conscientes, même quand elles sont immobiles comme les miroirs ou les pierres précieuses. Les croissances et les décroissances, les maladies et les accidents, sans avoir toujours des intentions précises, sont le fait de « pouvoirs » en correspondance magique. Cette infra-finalité reste sous-jacente même aux négations philosophiques de la finalité. Empédocle a beau parler, comme un atomiste, de mélanges et de dissociations, il admet que la Nature mère fait pousser « des têtes sans cou, des bras isolés et privés d'épaules ». Le manque d'ajustement n'empêche pas la magie productive. Beaucoup plus tard, Pline l'Ancien continue à dire que « les mers se purgent à la pleine lune », que, quand la lune croît, les coquillages croissent, et que « le sang de l'homme augmente et diminue avec la lumière de[...]

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Écrit par

  • : professeur à la Faculté des lettres et sciences humaines de Nancy, correspondant de l'Institut

Classification

Pour citer cet article

Raymond RUYER. FINALITÉ [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • ACTION RATIONNELLE

    • Écrit par Michel LALLEMENT
    • 2 646 mots
    • 1 média
    ...au nom de convictions religieuses, esthétiques, politiques... sans tenir compte des conséquences prévisibles de leurs actes. La seconde est rationnelle en finalité (Zweckrational). La définition est extrêmement exigeante. Agit en effet de façon rationnelle en finalité celui qui oriente son action en considérant...
  • ARISTOTE (env. 385-322 av. J.-C.)

    • Écrit par Pierre AUBENQUE
    • 23 786 mots
    • 2 médias
    ...faire que notre expérience soit cohérente, ce sont les principes de notre discours sur l'expérience qu'Aristote s'efforce avant tout de dégager. Ainsi la finalité est-elle moins chez Aristote une affirmation dogmatique sur l'ordre qui régnerait dans le monde qu'une condition d'intelligibilité de l'expérience...
  • BAECHLER JEAN (1937-2022)

    • Écrit par Alexandre ESCUDIER
    • 1 184 mots
    ...des monothéismes proche-orientaux (judaïsme, christianisme, islam), ainsi que de l’atmanisme védique et hindouiste (Inde). Les deux ouvrages intitulés Qu’est-ce que l’humain ? Liberté, finalité, rationalité (2014) et Modèles d’humanité (2019) résument sa position d’ensemble sur les « virtualités...
  • BIEN, philosophie

    • Écrit par Monique CANTO-SPERBER
    • 6 623 mots
    • 1 média
    Dans la Doctrine de la vertu, Kant réintroduit le concept de fins et de souverain bien. Le souverain bien est une fin vers laquelle s'oriente la volonté bonne. Ce n'est pas un objet de contemplation. La rencontre des deux principales finalités humaines, accessibles à l'homme sous la forme de l'accord...
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Voir aussi