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EXTINCTIONS BIOLOGIQUES

La crise de la limite Trias-Jurassique

Si, à partir de la limite Crétacé-Tertiaire, on descend dans les âges géologiques, on constate une autre grande crise biologique à la limite entre le Trias et le Jurassique, il y a environ 200 millions d'années. Cette extinction en masse, qui a eu lieu au sein de l'ère mésozoïque, demeure mal connue et pourrait s'être déroulée en plusieurs phases. Elle affecte aussi bien le domaine marin que le domaine continental. Dans les mers, de nombreuses espèces d'ammonites disparaissent – sans aller toutefois jusqu'à l'extinction totale, qui n'interviendra qu'à la fin du Crétacé. Sur les continents, le passage du Trias au Jurassique se manifeste par un changement faunique important chez les Vertébrés. Nombre de groupes de reptiles « archaïques », tels les rhynchosaures (herbivores) et les pseudosuchiens (carnivores), disparaissent alors. Les dinosaures, apparus une trentaine de millions d'années plus tôt et déjà bien diversifiés, ne semblent pas avoir été très affectés par cette crise.

Divers phénomènes ont été proposés pour expliquer cette crise : régression marine suivie d'une transgression, provoquant l'expansion d'eaux mal oxygénées (ce qui n'explique guère les extinctions en milieu continental), ou encore volcanisme de grande ampleur associé aux débuts de l'ouverture de l'océan Atlantique.

Des recherches, publiées en 2002, sur la limite Trias-Jurassique dans l'est de l'Amérique du Nord suggèrent un impact météoritique (marqué par un faible enrichissement en iridium) accompagné d'une crise dans le monde végétal similaire à celle de la limite Crétacé-Tertiaire. D'après, notamment, l'étude des empreintes de pas fossiles dans cette région, le début du Jurassique marquerait à la fois la disparition de certains groupes de reptiles et l'expansion d'autres tels les grands dinosaures carnivores. Un scénario similaire à celui de la limite Crétacé-Tertiaire pourrait donc être envisagé à la limite Trias-Jurassique. Cependant, les effets de ces crises sont très différents : à la limite Crétacé-Tertiaire, tous les grands animaux terrestres disparurent, ne laissant subsister que des formes de petite taille (poids maximum estimé : 25 kg), dont les mammifères, mais les organismes d'eau douce furent peu affectés ; à la limite Trias-Jurassique, les grands dinosaures – dont certains atteignaient une quinzaine de mètres de longueur – survécurent alors que disparurent les phytosaures, grands reptiles aquatiques qui jouaient dans les lacs et rivières du Trias le rôle écologique tenu ensuite par les crocodiles. En conséquence, si les extinctions de la fin du Trias et celles de la fin du Crétacé sont dues à un même type de phénomène (qu'il s'agisse d'un impact météoritique, d'un épisode volcanique majeur ou de toute autre cause), il faut donc admettre que les effets sur les êtres vivants en furent très différents.

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Écrit par

  • : directeur de recherche émérite au CNRS
  • : docteur en sciences de l'environnement, historienne des sciences et de l'environnement, chercheuse associée au laboratoire SPHERE, CNRS, UMR 7219, université de Paris-VII-Denis-Diderot

Classification

Pour citer cet article

Eric BUFFETAUT et Valérie CHANSIGAUD. EXTINCTIONS BIOLOGIQUES [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Extinctions biologiques : la limite Crétacé-Tertiaire - crédits : E. Buffetaut

Extinctions biologiques : la limite Crétacé-Tertiaire

Extinctions biologiques : les effets de l'impact d'une météorite - crédits : Encyclopædia Universalis France

Extinctions biologiques : les effets de l'impact d'une météorite

Extinctions d'espèces : les cinq grandes crises - crédits : Encyclopædia Universalis France

Extinctions d'espèces : les cinq grandes crises

Autres références

  • ALVAREZ ET L'EXTINCTION DES DINOSAURES

    • Écrit par Eric BUFFETAUT
    • 182 mots

    Les chercheurs américains Luis W. Alvarez, son fils Walter Alvarez, Frank Asaro et Helen Michel annoncent, en 1980, la découverte d'un fort enrichissement en iridium dans un niveau argileux daté à 65 millions d'années (limite entre le Crétacé et le Tertiaire). Cet élément chimique...

  • BIODIVERSITÉ

    • Écrit par Isabelle CHUINE, Sandra LAVOREL
    • 5 883 mots
    • 10 médias
    ...tous les niveaux : nombre d’espèces, taille des populations pour une espèce donnée et diversité génétique au sein même des populations. On estime que la vitesse d’extinction des espèces est actuellement cent à mille fois supérieure à ce qu’elle a pu être au cours des dix derniers millions d’années. Mais...
  • CÉNOZOÏQUE

    • Écrit par Marie-Pierre AUBRY
    • 7 601 mots
    • 7 médias
    ... et les plantes à fleurs. Le Cénozoïque est, quant à lui, une ère de spécialisations qui s'opèrent sur des groupes déjà bien établis et ayant survécu à l'extinction en masse de la limite Crétacé/Paléogène (aussi dite Crétacé/Tertiaire) (fig. 4 et 5). Le nombre de ces groupes est très...
  • CHICXULUB CRATÈRE DE

    • Écrit par Robert KANDEL
    • 440 mots

    Pour la plupart des spécialistes, les extinctions massives d'espèces à la fin du Crétacé, il y a 65 millions d'années (Ma), ont résulté de l'obscurcissement du Soleil et de changements climatiques de grande ampleur déclenchés par un impact météoritique catastrophique. Témoins d'un...

  • Afficher les 16 références

Voir aussi