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EURO

La dernière ligne droite

En 1992-1993, cependant, le SME connaît une crise sévère, liée à la réunification dans un contexte de libéralisation des mouvements de capitaux. Comme l’enseigne le triangle d’incompatibilité de Robert Mundell, la stabilité des taux de change est incompatible avec la parfaite mobilité des capitaux si les politiques monétaires se mettent à diverger. Or c’est ce qui se produit à la suite de la réunification allemande, en novembre 1990. La réunification a provoqué une poussée inflationniste en Allemagne, obligeant la Bundesbank à conserver une politique monétaire stricte. Au contraire, les autres pays du SME subissent un chômage élevé, ce qui appelle une politique monétaire plus souple.

La crédibilité du régime de change fixe vacille à la suite du non porté par les Danois au référendum sur la ratification du traité de Maastricht, et du « petit oui » (51 %) français, en 1992 : quitter le mécanisme de change, et donc à ne pas participer à la monnaie unique dès sa création, ne provoque peut-être pas un coût politique aussi élevé qu'on l'avait pensé. Les banques centrales tentent de défendre les parités en rachetant leurs propres monnaies sur le marché des changes et en relevant considérablement les taux d'intérêt. Mais l’augmentation des taux d'intérêt renforce l'idée selon laquelle le système de changes fixes n'est pas tenable en raison de la conjoncture économique. La livre sterling et la lire italienne quittent le mécanisme de change en septembre 1992. La peseta est dévaluée deux fois, l'escudo une fois. L'Espagne, le Portugal et l'Irlande rétablissent temporairement le contrôle des changes. En août 1993, la livre irlandaise est contrainte de dévaluer, ainsi que, de nouveau, la peseta et l'escudo. Au cours de cette période tourmentée, toutes les monnaies du mécanisme de change sauf le florin (et le deutsche Mark) ont été attaquées. L'élargissement des marges de fluctuation, de ± 2,25 % à ± 15 %, a finalement raison de la spéculation en rendant cette dernière plus risquée et en sauvant ainsi le SME de la disparition pure et simple.

Les gouvernements entreprennent alors de démontrer aux marchés leur volonté de suivre à la lettre le traité de Maastricht. Pour cela, ils mettent en œuvre des programmes spectaculaires d'ajustement des finances publiques, et stabilisent leurs taux de change dans des marges bien plus étroites que les ± 15 % désormais autorisées. Enfin, l'Autriche, l'Italie, la Finlande et la Grèce rejoignent le mécanisme de change de manière à respecter ce critère de convergence.

Le Conseil européen de Madrid de décembre 1995 baptise « euro » la future monnaie unique et définit un scénario concret d'unification monétaire. Le traité de Maastricht est repris et complété en juin 1997 par le traité d'Amsterdam, auquel est notamment annexé un Pacte de stabilité et de croissance, destiné à encadrer les politiques budgétaires des pays participant à l'euro.

L'unification monétaire démarre donc le 1er janvier 1999. Les taux de conversion en euros des monnaies participantes sont gelés à leurs valeurs du 31 décembre 1998, la politique monétaire est transférée au système européen de banques centrales (l'ensemble formé par la BCE et les banques centrales nationales de la zone euro), et les marchés financiers basculent sur l'euro.

Les entreprises peuvent désormais acheter, vendre, investir sans coûts de conversion et, surtout, sans risque de change sur tout le territoire de la zone euro ; quant aux particuliers, ils peuvent voyager sereinement, avec une seule monnaie dans leur portefeuille, et donc mieux comparer les prix entre pays. Mais, dix ans après l’unification monétaire, la zone euro connaît une crise économique, sociale et politique violente, qui va jusqu’à faire[...]

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Pour citer cet article

Agnès BÉNASSY-QUÉRÉ. EURO [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Valéry Giscard d'Estaing et Helmut Schmidt, 1978 - crédits : Bettmann/ Getty Images

Valéry Giscard d'Estaing et Helmut Schmidt, 1978

Taux d’ouverture en 2012 pour les échanges de biens et services (en pourcentage du P.I.B.) - crédits : Encyclopædia Universalis France

Taux d’ouverture en 2012 pour les échanges de biens et services (en pourcentage du P.I.B.)

Corrélation des taux de croissance réels du P.I.B. avec ceux de la zone euro à 17<o:p></o:p> - crédits : Encyclopædia Universalis France

Corrélation des taux de croissance réels du P.I.B. avec ceux de la zone euro à 17

Autres références

  • ARRIVÉE DE L'EURO

    • Écrit par Marie-France BAUD-BABIC
    • 243 mots
    • 1 média

    Le 1er janvier 2002, dans douze pays de l'Union européenne, 300 millions de consommateurs découvrent les pièces et les billets de la monnaie qui leur servira désormais d'instrument de paiement commun, l'euro. Trois ans après sa naissance juridique et financière, l'euro fiduciaire...

  • CRISE DE LA ZONE EURO

    • Écrit par Arnaud BALVAY
    • 326 mots

    À partir de 2010, la zone euro est confrontée à une crise économique liée à la dette publique des États qui la composent.

    À partir de 2007, la crise des subprimes (prêts immobiliers à taux variable) contraint les principaux pays industrialisés, dont la dette publique est très importante depuis...

  • ACHAT POUVOIR D'

    • Écrit par Stéfan LOLLIVIER
    • 5 643 mots
    • 2 médias
    ...au prix des biens qu'ils achètent le plus fréquemment, et jugent alors leurs évolutions de pouvoir d'achat en fonction des hausses de prix de ces biens. Le passage à l'euro constitue un cas d'école venant illustrer ce phénomène. Lors du passage à l'euro en 2002, l'indice des prix à la consommation n'a...
  • BANQUE CENTRALE EUROPÉENNE (BCE)

    • Écrit par Jézabel COUPPEY
    • 1 142 mots

    La Banque centrale européenne (B.C.E.) est entrée en fonction le 1er juillet 1998, quelques mois avant l'ultime phase de l'union monétaire (la troisième phase de l'Union économique et monétaire selon le traité sur l'Union européenne signé à Maastricht en 1992), marquée par le basculement à l'...

  • CHANGE - Les opérations de change

    • Écrit par Henri BOURGUINAT, Gunther CAPELLE-BLANCARD
    • 7 015 mots
    • 2 médias
    Traditionnellement, la livre sterling (GBP) était cotée au certain et faisait donc exception par rapport à la plupart des autres grandes monnaies. Elle a été rejointe au 1er janvier 1999 par l'euro (EUR), qui est également coté au certain. Ainsi, par exemple, on cote, respectivement à Paris...
  • CHANGE - Les régimes de change

    • Écrit par Patrick ARTUS
    • 6 907 mots
    • 5 médias
    Même entre des pays raisonnablement similaires, comme ceux de la zone euro, on voit apparaître des chocs asymétriques ou des différences structurelles. La nature des négociations salariales n'est pas la même en France ou en Allemagne, la taille de l'industrie et des services diffère, la structure géographique...
  • Afficher les 43 références

Voir aussi