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EURO

Les contraintes de l'euro

Les avantages de la monnaie unique qu’on vient de décrire se payent d’une contrainte macroéconomique majeure : la perte, pour chaque État membre de l’euro, d’un instrument d’ajustement indépendant face aux aléas de la conjoncture.

Dans une économie, la capacité de production des entreprises augmente assez régulièrement au rythme de l'accumulation du capital productif (immobilier, machines) et de la quantité de travail disponible (population active multipliée par le temps de travail). Des innovations techniques (le train, l'électricité, l'ordinateur, Internet), réglementaires (l'interdiction du travail des enfants, les 35 heures) infléchissent de temps en temps la croissance des capacités de production, mais, en dehors des grandes crises et des guerres, l'évolution de cette capacité est plutôt régulière (on ne modifie pas du jour au lendemain un stock de capital, on ne forme pas du jour au lendemain des millions de travailleurs). Tel n'est pas le cas de la demande pour les biens et services produits par les entreprises. Cette demande – somme de la consommation des ménages, de l'investissement, des dépenses publiques et de la demande étrangère – fluctue fortement au cours du temps, au gré du « moral » des ménages, des anticipations des entreprises et des soubresauts de l'économie mondiale. Les risques sont alors une poussée de l'inflation lorsque la demande augmente plus vite que les capacités de production, ou du chômage dans le cas inverse. La politique économique consiste, dans le premier cas, à calmer la demande, et dans le second, à l'activer. Pour cela, le gouvernement peut utiliser le budget : réduire les dépenses (ou relever les impôts) pour calmer la demande, augmenter les dépenses (ou réduire les impôts) pour l'activer. Mais la banque centrale peut aussi intervenir, en relevant le coût des crédits (pour freiner la consommation et l'investissement) en cas de boom de la demande, en le réduisant dans le cas inverse. L'efficacité de cette politique monétaire est renforcée par la réaction du taux de change, qui tend à s'apprécier en cas de hausse du taux d'intérêt (les capitaux étant attirés dans le pays par un rendement attrayant), à se déprécier dans le cas inverse. Ainsi, la hausse du taux d'intérêt, parce qu'elle entraîne une appréciation de la monnaie, dégrade la compétitivité des exportateurs et accroît celle des fournisseurs étrangers lorsque la demande augmente trop vigoureusement.

La Banque centrale européenne (BCE) fixe sa politique monétaire en fonction des tensions sur les prix dans l'ensemble de la zone euro, elles-mêmes liées à l'évolution comparée de la demande et des capacités de production dans l'ensemble de la zone, ainsi qu'à certaines composantes des coûts comme les fluctuations du prix du pétrole.

Cette politique unique convient aux pays soumis à des évolutions de prix similaires à la moyenne de la zone. C'est plus facilement le cas pour les grands pays de la zone, qui comptent pour une part importante de l'indice des prix de la zone euro, que pour les économies plus petites. Durant la première décennie de l’euro, la politique monétaire unique s'est avérée insuffisamment stricte dans certains pays, comme l’Irlande ou l’Espagne, dont l’inflation était supérieure à la moyenne de la zone euro : leurs taux d'intérêt réels (taux d'intérêt moins inflation) ont souvent été négatifs, de sorte qu'il n'y avait plus d'incitation à épargner dans ces pays (les intérêts accumulés ne compensant pas la hausse des prix des biens de consommation), mais au contraire une incitation à s’endetter. Ces pays auraient dû compenser cet effet déstabilisant par des politiques réglementaires (contraintes sur les emprunts immobiliers, par exemple) et budgétaires (restrictions budgétaires plus ambitieuses[...]

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Pour citer cet article

Agnès BÉNASSY-QUÉRÉ. EURO [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Valéry Giscard d'Estaing et Helmut Schmidt, 1978 - crédits : Bettmann/ Getty Images

Valéry Giscard d'Estaing et Helmut Schmidt, 1978

Taux d’ouverture en 2012 pour les échanges de biens et services (en pourcentage du P.I.B.) - crédits : Encyclopædia Universalis France

Taux d’ouverture en 2012 pour les échanges de biens et services (en pourcentage du P.I.B.)

Corrélation des taux de croissance réels du P.I.B. avec ceux de la zone euro à 17<o:p></o:p> - crédits : Encyclopædia Universalis France

Corrélation des taux de croissance réels du P.I.B. avec ceux de la zone euro à 17

Autres références

  • ARRIVÉE DE L'EURO

    • Écrit par Marie-France BAUD-BABIC
    • 243 mots
    • 1 média

    Le 1er janvier 2002, dans douze pays de l'Union européenne, 300 millions de consommateurs découvrent les pièces et les billets de la monnaie qui leur servira désormais d'instrument de paiement commun, l'euro. Trois ans après sa naissance juridique et financière, l'euro fiduciaire...

  • CRISE DE LA ZONE EURO

    • Écrit par Arnaud BALVAY
    • 326 mots

    À partir de 2010, la zone euro est confrontée à une crise économique liée à la dette publique des États qui la composent.

    À partir de 2007, la crise des subprimes (prêts immobiliers à taux variable) contraint les principaux pays industrialisés, dont la dette publique est très importante depuis...

  • ACHAT POUVOIR D'

    • Écrit par Stéfan LOLLIVIER
    • 5 643 mots
    • 2 médias
    ...au prix des biens qu'ils achètent le plus fréquemment, et jugent alors leurs évolutions de pouvoir d'achat en fonction des hausses de prix de ces biens. Le passage à l'euro constitue un cas d'école venant illustrer ce phénomène. Lors du passage à l'euro en 2002, l'indice des prix à la consommation n'a...
  • BANQUE CENTRALE EUROPÉENNE (BCE)

    • Écrit par Jézabel COUPPEY
    • 1 142 mots

    La Banque centrale européenne (B.C.E.) est entrée en fonction le 1er juillet 1998, quelques mois avant l'ultime phase de l'union monétaire (la troisième phase de l'Union économique et monétaire selon le traité sur l'Union européenne signé à Maastricht en 1992), marquée par le basculement à l'...

  • CHANGE - Les opérations de change

    • Écrit par Henri BOURGUINAT, Gunther CAPELLE-BLANCARD
    • 7 015 mots
    • 2 médias
    Traditionnellement, la livre sterling (GBP) était cotée au certain et faisait donc exception par rapport à la plupart des autres grandes monnaies. Elle a été rejointe au 1er janvier 1999 par l'euro (EUR), qui est également coté au certain. Ainsi, par exemple, on cote, respectivement à Paris...
  • CHANGE - Les régimes de change

    • Écrit par Patrick ARTUS
    • 6 907 mots
    • 5 médias
    Même entre des pays raisonnablement similaires, comme ceux de la zone euro, on voit apparaître des chocs asymétriques ou des différences structurelles. La nature des négociations salariales n'est pas la même en France ou en Allemagne, la taille de l'industrie et des services diffère, la structure géographique...
  • Afficher les 43 références

Voir aussi