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EUCHARISTIE

Analyse des thèmes et recherche de synthèse

Le mémorial

Ce concept biblique représente l'idée-mère d'où naissent de façon organique tous les autres thèmes. Quand Jésus a dit « faites ceci en mémoire de moi », il ne prescrivait pas quelque chose de radicalement neuf, mais il demandait d'accomplir en souvenir de lui un geste que l'on était déjà accoutumé à faire : repas pascal ou repas de communauté à portée religieuse. Il importe au fond assez peu de savoir si la Cène fut ou non un véritable repas pascal : aussi bien dans les Évangiles synoptiques que dans celui de Jean, Jésus est la pâque nouvelle ; au reste, tout repas ordinaire se déroulait dans une atmosphère pascale, celle du mémorial.

Selon la Bible, « faire quelque chose en mémorial » c'est rappeler un événement de l'histoire du salut, en ayant conscience de son actualité et de la participation réelle à laquelle on accède ; un événement jadis accompli, non réitéré, mais partout et toujours présent dans la parole et le rite (Ex., xii, 14 et xiii, 9 : c'est le couple classique mythe-rite ; mais, paradoxalement, dans le judaïsme et dans le christianisme, les événements fondateurs sont historiques). Le mémorial de la Pâque est rappel de la délivrance, conviction qu'on la revit par le rite et que l'on y participe ; il se complète par l'action de grâces et la louange. À travers le récit de la Cène et les anamnèses liturgiques, auxquelles est intimement liée l'offrande, l'objet du mémorial apparaît clairement : ce que l'on rappelle aux hommes, c'est la pâque du Seigneur, la nouvelle alliance, sa mort-résurrection. Si le mémorial est la forme originaire à partir de laquelle se déploient les autres valeurs – et c'est pourquoi il faut partir de lui –, la Pâque en est le contenu, qui permettra, au terme, d'en synthétiser toutes les données partielles. Le mémorial inclut encore un rappel à Dieu : qu'il se souvienne, lui aussi, de l'homme (Ex., xxxii, 43). On remarque donc dans le mémorial une présence de l'intercession qui se retrouvera dans toutes les liturgies chrétiennes : que Dieu poursuive l'œuvre de salut dont on fait mémoire et qui devient actuelle pour l'assemblée ! Cela fait découvrir également une ouverture vers l'avenir : le royaume de Dieu est manifesté dans l'eucharistie, mais il est aussi absent, et la supplication se nuance d'attente du retour du Christ, accomplissement ultime attendu de l'action de l'Esprit.

L'action de grâces

L'action de grâces est l'acte religieux typique du judéo-christianisme, elle est l'expression affective et culturelle de la foi. Comme cette dernière est réponse existentielle à l'interpellation de la Parole, l'action de grâces est assentiment joyeux, commun, liturgique, à l'actualisation de la Parole dans la communauté. Elle présente donc un lien originaire avec le mémorial : on fait mémoire et on rend grâces ; elle fait suite à l'écoute, elle est consentement à l'initiative divine, elle est – comme toute prière chrétienne – dialogue, parce que réponse à la Parole définitive de Dieu en Jésus-Christ. En ce sens, elle est reconnaissance pour les bienfaits divins, gratitude. Mais plus fondamentalement encore, elle est louange, célébration de la puissance glorieuse et bienfaisante de Dieu, proclamation joyeuse et admirative de sa grandeur ; elle traverse le bienfait pour célébrer sa source. Finalement, elle est, comme toute louange, gratuite et aimante. De même que le mémorial a suscité chez les chrétiens une expression liturgique spécifique (l'anamnèse au sens strict), tout en la débordant, de même l'action de grâces avait donné naissance à une forme d'expression très ample, la berâkhâh ou bénédiction adressée à Dieu, genre[...]

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Écrit par

  • : docteur en théologie, dominicain, directeur du centre de formation théologique du Saulchoir, directeur de la revue La Vie spirituelle

Classification

Pour citer cet article

Jean-Pierre JOSSUA. EUCHARISTIE [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • AUTO SACRAMENTAL

    • Écrit par Marcel BATAILLON
    • 3 125 mots
    • 1 média
    ...Saint-Sacrement. Les foules étaient attirées ce jour-là par une procession joyeuse que les corporations animaient de leurs « inventions » dans les villes populeuses. Certaines pièces montrent déjà un souci de célébrer la présence dans l'hostie du « corps du Christ » (Corpus Christi est le nom espagnol...
  • BÉRENGER DE TOURS (999?-1088)

    • Écrit par André CANTIN
    • 604 mots

    Écolâtre de Tours qui provoqua dans l'Église, au milieu du xie siècle, par son enseignement sur l'eucharistie, une très importante controverse, contribuant, avant Anselme du Bec, au progrès du raisonnement dans les questions sacrées.

    Né, au tout début du xie siècle, dans une famille...

  • CALVINISME

    • Écrit par Jean CADIER, André DUMAS
    • 4 244 mots
    • 1 média
    Nouvelle caractéristique importante du calvinisme : sa doctrine de la sainte cène. On sait que ce sacrement d'union, de communion, est celui sur lequel les Églises chrétiennes sont le plus divisées. Alors que la doctrine catholique enseigne qu'au moment de la consécration le pain est transformé...
  • CHRIST CORPS MYSTIQUE DU

    • Écrit par Hervé LEGRAND
    • 250 mots

    Parmi les nombreuses images dont les chrétiens se servent pour décrire l'Église, trois ont une particulière importance : celle de « peuple de Dieu le Père », celle de « corps mystique du Christ » et celle de « temple de l'Esprit saint ». Elles renvoient, en effet, au mystère du Dieu unique, Père,...

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Voir aussi