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ÊTRE ET TEMPS, Martin Heidegger Fiche de lecture

L'être-pour-la-mort

Le Dasein est ses possibilités : « tendu vers un pouvoir-être qu'il est lui-même », il est ouvert à un futur sur les bases d'un passé dont il hérite. En ce sens, le mouvement de la temporalité part du futur, reprend le passé et ouvre le présent. Ce mouvement de se projeter n'est pas infini : il rencontre sa limite propre avec la mort. « Possibilité de l'impossibilité », la mort constitue la limite toujours imminente, constamment présente dans tout projet de l'être-au-monde. « Être-pour-la-mort », le Dasein est temporalité finie. Les fuites, esquives, palinodies multiples, pour « inauthentiques » qu'elles soient, constituent les modes d'être quotidien de celui qui se pense comme situé dans un temps préexistant à ses propres pouvoirs. L'homme est « être des confins » : nulle apologie de la mort dans cette pensée, mais la prise en compte d'une irréductible finitude « déliée des illusions du On (das Man), factice, certaine d'elle-même et angoissée ».

Le livre, inachevé, encore trop marqué par une pensée centrée sur l'homme, ne parvient pas à dégager pleinement une pensée de l'être comme temps. Les développements ultérieurs, marqués par un « tournant » (à partir des années 1930), s'emploieront à penser l'être à partir du temps, reléguant l'homme à n'être que le « berger de l'être ». Reste que les analyses qui scandent Être et Temps orchestrées avec une puissance spéculative rare, ont marqué de leur empreinte des penseurs aussi différents que Sartre, Merleau-Ponty, Lévinas, aussi bien que des psychiatres phénoménologues tels Erwin Straus ou Ludwig Binswanger. Il s'agit bien là, pour la philosophie, d'un livre tout aussi fondateur que les Méditations de Descartes, la Critique de la raison pure de Kant ou la Phénoménologie de l'esprit de Hegel.

— Francis WYBRANDS

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Pour citer cet article

Francis WYBRANDS. ÊTRE ET TEMPS, Martin Heidegger - Fiche de lecture [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • BEAUFRET JEAN (1907-1982)

    • Écrit par Jean LAUXEROIS, Claude ROËLS
    • 647 mots

    Le nom du philosophe Jean Beaufret demeure lié à celui de Martin Heidegger. La rencontre entre les deux hommes décida d'un dialogue lui-même décisif pour la pensée de notre temps. Jean Beaufret naquit à Auzances dans la Creuse. Après l'école communale et le lycée de Montluçon, il vint à Paris...

  • DE L'ESSENCE DE LA VÉRITÉ et PLATON LE SOPHISTE (M. Heidegger) - Fiche de lecture

    • Écrit par Francis WYBRANDS
    • 599 mots

    Il faut espérer que la traduction des tomes 19 et 34 de la Gesamtausgabe, qui rassemblent les cours des semestres d'hiver 1924-1925 et 1931-1932 : Platon « Le Sophiste » (Gallimard, 2001) et De l'essence de la vérité. Approche de l'« allégorie de la caverne » et du « Théétète » de...

  • ÊTRE, philosophie

    • Écrit par Giulio GIORELLO
    • 4 678 mots
    Dans Sein und Zeit (1927), Martin Heidegger part de l'affirmation aristotélicienne que « l'être se prend en de multiples acceptions » pour demander laquelle est fondamentale, laquelle constitue l'être de l'étant. C'est la question qui a « tenu en haleine » Platon et Aristote, celle qui s'est constamment...
  • EXISTENCE (notions de base)

    • Écrit par Philippe GRANAROLO
    • 3 075 mots
    À tort ou à raison, Jean-Paul Sartre s’est réclamé de Martin Heidegger (qui a formellement contesté cette filiation). Dans son premier ouvrage Sein undZeit (Être et Temps, 1927), Heidegger a réfuté la définition cartésienne de l’homme reprise par tout le courant humaniste. L’homme n’est...
  • Afficher les 11 références

Voir aussi