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ÉTATS-UNIS D'AMÉRIQUE (Arts et culture) La littérature

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Les thèmes spécifiquement américains

L'homme de couleur

Pour les Européens, l'événement qui consacrait la naissance d'une littérature américaine était l'apparition de thèmes indigènes, d'une couleur locale comparable à celle que Chateaubriand était allé découvrir aux États-Unis. Le Peau-Rouge et l'esclave noir apportaient le dépaysement que cherchait le lecteur d'une littérature étrangère. Pour les Américains, il s'agissait moins d'une source de pittoresque que d'un problème de conscience. Bonne conscience pour les uns, qui acceptent, comme une évidence, la supériorité du Blanc ; mauvaise conscience pour les autres, qui perçoivent l'injustice fondamentale d'un racisme triomphant. Après Cooper, l' Indien n'est plus pour l'écrivain américain qu'un mauvais souvenir. Il apparaît épisodiquement comme un noble sachem ou un bandit de grand chemin, finalement relégué dans les westerns, ce musée de L'Homme américain. Le Noir, au contraire, vit avec les Blancs, et non en marge de la société qu'il a créée. Dans un pays si dépourvu des signes extérieurs de la hiérarchie sociale, il fournit à l'écrivain sa première image identifiable de l'inégalité et de l'injustice. De La Case de l'oncle Tom et de Huckleberry Finn à Lumière d'août (Light in August, 1932), à L'Homme invisible (Invisible Man, 1952) ou aux Confessions de Nat Turner (1967), de la résignation à la révolte et à la vengeance, le Noir a acquis dans la littérature américaine une place exceptionnelle. Parallèlement aux hommes d'action que sont Martin Luther King ou Malcolm X s'affirment des écrivains comme Ralph Ellison, James Baldwin, Alice Walker et Toni Morrison. Les Blancs eux-mêmes, après avoir créé un monde de la culpabilité qu'illustre bien « L'Ours » de Faulkner, en viennent parfois à identifier leur propre révolte contre la société à celle de l'homme de couleur contre l'oppression raciale ; c'est le Nègre blanc (The White Negro, 1958) de Norman Mailer.

Ainsi se trouve paradoxalement vérifiée la vision puritaine simpliste de l'univers qu'apportaient les premiers pèlerins. Ces pieux Américains firent volontiers du Noir et de l'Indien des symboles du diable qu'il fallait réduire à merci ou détruire. Leurs descendants se voient maintenant encerclés dans l'Enfer ainsi créé : James Baldwin devient le prophète de leur destruction en leur promettant « la prochaine fois, le feu ». Vision biblique de la malédiction céleste que n'est pas loin de partager l'écrivain blanc William Styron, qui leur conseille aussi de « réduire en cendres cette maison ».

Pourtant, si ce thème de la mauvaise conscience est celui auquel nous sommes le plus sensibles, il n'est qu'un contrepoint à celui de la grande espérance qui anime les Américains. Que de sermons ont illustré l'attente de la Terre promise, que de discours ou d'écrits politiques, de Jefferson et Lincoln à Franklin Roosevelt et John Kennedy, ont exalté la victoire de l'homme sur la barbarie politique, morale ou économique ! La réponse que donnait John Crèvecœur à sa question : « Qu'est-ce qu'un Américain ? » est une description de l'homme idéal de son siècle, bon, sain et heureux.

Seules quelques créations folkloriques, équivalents des fabliaux par les témoignages qu'elles contiennent sur la société de l'époque, font vivre cet homme moyen américain, travailleur, optimiste, démocrate, attendant le résultat de ses efforts en ce monde plutôt qu'en l'autre, passionné de justice et d'égalité, le common man, différent de ce que le Français entend par l'homme du peuple. Or, d'Ismaël, le narrateur morose de Moby Dick (1851), ou de Davy Crockett, lequel est[...]

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Pour citer cet article

Marc CHÉNETIER, Rachel ERTEL, Yves-Charles GRANDJEAT, Jean-Pierre MARTIN, Pierre-Yves PÉTILLON, Bernard POLI, Claudine RAYNAUD et Jacques ROUBAUD. ÉTATS-UNIS D'AMÉRIQUE (Arts et culture) - La littérature [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Article mis en ligne le et modifié le 20/07/2017

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