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DÉMOCRATIE

La représentation des intérêts sociaux

Du fait de leur autonomie, les champs politiques se focalisent souvent sur des enjeux spécifiques en relation avec les intérêts propres de leurs acteurs. Mais les débats politiques s'organisent aussi autour de questions qui préoccupent les citoyens « ordinaires » (chômage, éducation, environnement, transports, logement). Des problèmes sociaux se trouvent alors constitués en enjeux politiques. Dans ces débats autour d'enjeux politiques non spécifiques, des intérêts sociaux (par exemple des salariés ou des employeurs, des locataires ou des propriétaires) sont pris en charge par des partis. Les transactions entre des groupes sociaux et des organisations politiques reposent notamment sur des formes diverses de proximité ou, plus souvent, d'homologie sociale entre les trajectoires et les positions sociales des entrepreneurs politiques et de leur « clients ». Ainsi, les représentants des partis de gauche se caractérisent en moyenne par une origine familiale plus modeste (relativement à leurs adversaires de droite), une scolarisation dans des écoles publiques, une plus faible pratique religieuse, une position sociale (relativement) plus basse dans leur univers d'origine avant leur professionnalisation politique (par exemple le bas de la fonction publique supérieure plutôt que les grands corps), une plus grande proximité par rapport au secteur public et aux milieux intellectuels. Leurs expériences sociales les prédisposent, en dépit de divers facteurs qui peuvent jouer en sens inverse, à exprimer plus ou moins adéquatement le point de vue de ceux qui occupent des positions basses dans la hiérarchie sociale globale (les salariés, les immigrés, les syndicats), dans des sous-hiérarchies (les corps du bas de la catégorie A de la fonction publique, les universités contre les grandes écoles, les locataires contre les propriétaires, les agents du secteur public, les intellectuels et les milieux culturels contre les logiques économiques, ou les milieux laïques contre des religions). Pour des raisons symétriques, les partis libéraux et conservateurs sont plus proches (relativement) du secteur privé, de l'entreprise, des milieux économiques, des professions indépendantes, des employeurs, des agriculteurs, de la ruralité, de l'encadrement supérieur ou moyen, des religions majoritaires. Les oppositions politiques se trouvent ainsi en correspondance avec divers clivages (sociaux, économiques, religieux, « ethniques », nationaux) qui structurent les sociétés, mis en évidence par Seymour Lipset et Stein Rokkan.

La prise en charge des intérêts sociaux s'effectue toutefois dans la logique des « jeux » et des intérêts politiques. Les partis défendent plus nettement leurs principes emblématiques et le point de vue de leurs soutiens quand ils sont dans l'opposition. Ceux qui sont au gouvernement adoptent des points de vue « réalistes » et tendent à relativiser leurs engagements antérieurs. Les politiques travaillent à rassembler des préoccupations éparses (par exemple en relation avec le logement) en les agrégeant dans des déclarations générales abstraites (sur le problème du logement). Des malentendus et des effets d'irréalité sont donc inévitables entre les partis et leurs électeurs. On le voit sur les plateaux de télévision quand un ministre expose les causes du chômage et la politique qu'il conduit pour le résorber et qu'il se trouve interpellé par un chômeur de longue durée. Les marges de manœuvre des gouvernements des États-nations se réduisent avec la mondialisation des échanges et la construction d'entités politiques régionales comme l'Union européenne. Les liens historiquement constitués tendent à se relâcher. Les citoyens les moins concernés par la politique oscillent plus que par le passé entre l'abstention et l'expression de préférences affaiblies et instables.[...]

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Écrit par

  • : professeur à l'université de Paris-I, Centre de recherches politiques de la Sorbonne

Classification

Pour citer cet article

Daniel GAXIE. DÉMOCRATIE [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Liberté de la presse - crédits : Keystone-France/ Gamma-Keystone/ Getty Images

Liberté de la presse

Soutien populaire au président Allende - crédits : Library of Condress, Washington, D.C.

Soutien populaire au président Allende

<it>Le Ventre législatif</it>, caricature de Daumier - crédits : GraphicaArtis/ Getty Images

Le Ventre législatif, caricature de Daumier

Autres références

  • ABSTENTIONNISME

    • Écrit par Daniel GAXIE
    • 6 313 mots
    • 3 médias
    ...citoyen de l'étranger. Voter, c'est donc aussi manifester son intérêt pour son pays. Les élections sont par ailleurs considérées comme la clé de voûte des institutions démocratiques. Par ce moyen, les citoyens peuvent exprimer et faire prévaloir des opinions et des attentes. Ils sont censés disposer d'un...
  • AFRIQUE DU SUD RÉPUBLIQUE D' ou AFRIQUE DU SUD

    • Écrit par Ivan CROUZEL, Dominique DARBON, Benoît DUPIN, Universalis, Philippe GERVAIS-LAMBONY, Philippe-Joseph SALAZAR, Jean SÉVRY, Ernst VAN HEERDEN
    • 29 784 mots
    • 28 médias
    ...la Convention pour une Afrique du Sud démocratique (CODESA), des négociations constitutionnelles qui vont radicalement transformer l'État sud-africain. La transition qui s'engage est ainsi fondée sur l'idée de « réconciliation nationale » portée par Nelson Mandela, premier président sud-africain démocratiquement...
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    La démocratie est le troisième thème récurrent de toutes ces mobilisations. L'affaiblissement des pouvoirs des États s'est fait au profit d'institutions régionales, comme l'Union européenne, ou mondiales – qu'elles soient dotées ou non d'un statut formel, de l'...
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