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CRIMES CONTRE L'HUMANITÉ

Le lien de connexité ou d'incorporation

Le crime contre l'humanité n'a pas été initialement conçu comme un crime autonome qui aurait pu se commettre dans n'importe quelle situation. C'est sa combinaison avec une autre infraction qui déclenche l'application des définitions établies par les statuts des tribunaux internationaux de Nuremberg et de Tōkyō, précisée par leur jurisprudence. Mais cette restriction, fortement liée aux circonstances de l'époque, n'était pas entièrement transposable aux statuts du TPIY, du TPIR et de la CPI.

Il convient en effet de distinguer, d'une part, la qualification des crimes contre l'humanité et, d'autre part, la compétence des juridictions pénales à leur égard. En effet, une lecture superficielle de l'article 6c du statut du Tribunal militaire international (TMI), laisserait croire à une contradiction entre la disposition qui vise des actes « commis [...] avant ou pendant la guerre » et celle qui ne soumet ces actes à la juridiction du TMI que lorsqu'ils ont été commis « à la suite de tout crime rentrant dans la compétence du Tribunal, ou en liaison avec ces crimes ». Or ces derniers – crimes contre la paix et crimes de guerre – sont intimement liés au conflit lui-même.

La raison de cette exigence réside dans le fait que les auteurs du statut ne trouvaient pas, dans le droit international de l'époque, de fondement à une compétence du TMI pour connaître de crimes perpétrés par l'État allemand contre ses propres ressortissants. Le respect des droits de l'homme était encore de la seule compétence interne et prétendre le contraire eût été perçu comme une ingérence illicite. Il convenait donc de rattacher ces crimes à un élément qui les rendait justiciables du point de vue du droit international. Cet élément était soit la guerre d'agression, soit le crime de guerre. Ainsi est né cette exigence d'un rapport de connexité. Le TMI s'en est expliqué en donnant de son propre statut une interprétation restrictive. En effet, tout en reconnaissant que les crimes commis, notamment contre les Juifs à partir de 1933, répondaient aux critères d'identification des crimes contre l'humanité, il a considéré que, jusqu'à la déclaration de guerre, il manquait un élément de rattachement pour constituer – au sens du statut – de tels crimes : « En ce qui concerne les crimes contre l'humanité, il est hors de doute que, dès avant la guerre, les adversaires politiques du nazisme furent l'objet d'internements ou d'assassinats dans les camps de concentration ; le régime de ces camps était odieux. La terreur y régnait souvent, elle était organisée et systématique. Une politique de vexations, de répression, de meurtres à l'égard des civils présumés hostiles au gouvernement fut poursuivie sans scrupules – la persécution des Juifs sévissait déjà. Mais, pour constituer des crimes contre l'humanité, il faut que les actes de cette nature, perpétrés avant la guerre, soient l'exécution d'un complot ou plan concerté, en vue de déclencher et de conduire une guerre d'agression. Il faut, tout au moins, qu'ils soient en rapport avec celui-ci. Or le Tribunal estime que la preuve de cette relation n'a pas été faite – si révoltants et atroces que fussent parfois les actes dont il s'agit. Il ne peut donc déclarer d'une manière générale que ces faits, imputés au nazisme, et antérieurs au 1er septembre 1939, constituent, au sens du statut, des crimes contre l'humanité ».

La portée de cette distinction entre crimes perpétrés en temps de paix par l'État contre ses propres ressortissants et crimes commis en liaison avec un conflit international est aujourd'hui réduite, la jurisprudence considérant de plus en plus que ce qui est inhumain[...]

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Écrit par

  • : professeur de droit international à l'université de Paris-II-Panthéon-Assas

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