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CHINOISE (CIVILISATION) Bureaucratie, gouvernement, économie

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État et économie

Cela dit, les pratiques de délégation et de sous-traitance, inévitables dans un contexte de très faible densité administrative, font aussi partie de l'arsenal bureaucratique le plus orthodoxe. On en a un bon exemple avec la formation de la future élite bureaucratique virtuellement laissée aux « académies » privées (shuyuan), l'État imposant sa définition de l'orthodoxie par le biais du monopole qu'il détient sur l'accès aux positions de pouvoir. Mais ces pratiques sont particulièrement en évidence dans le domaine économique. Le commerce et les marchés sont presque partout supervisés par des courtiers (yahang) agréés par le gouvernement, qui se chargent aussi de lever les taxes commerciales ; si l'on excepte l'impôt en grain (le « tribut ») des provinces du Yangzi qui transite par le Grand Canal jusqu'à Pékin, les transports de marchandises publiques (céréales destinées aux stockages publics ou aux secours en cas de famine, cuivre du sud-ouest livré à la Monnaie de Pékin...) sont confiés à des transitaires privés ; l'extraction des matières premières et la production des articles à l'usage du gouvernement sont très largement sous-traitées aux « marchands » ; enfin, l'entretien de la plupart des infrastructures (routes, ponts, digues, canaux...) est assuré par leurs bénéficiaires sous la surveillance de l'administration : dans ce dernier domaine, les digues du fleuve Jaune et la maintenance du Grand Canal sont les deux principales exceptions.

D'une manière générale, si le gouvernement définit les politiques économiques et continue de prendre les décisions cruciales en matière d'« équipement », les gros efforts de trésorerie et de gestion directe sont exceptionnels. L'idéal poursuivi est d'obtenir un maximum de résultats avec un minimum d'investissement en personnel et en fonds, de limiter, chaque fois que c'est possible, l'intervention publique à la définition des procédures, au contrôle de leur application, parfois à des aides remboursables lorsqu'il s'agit de créer de nouvelles infrastructures. Cela suppose l'existence d'un secteur privé fort et, de ce point de vue, les rapports entre État et économie en Chine ont profondément changé depuis les débuts de l'empire.

À la fin du iie siècle avant J.-C., l'empereur Wudi des Han avait cherché à briser la classe marchande par des mesures visant à faire revenir à l'État des profits dont il avait désespérément besoin pour financer sa politique militaire : taxation des stocks et des moyens de transport, monopoles sur la production et la distribution du sel, du fer et des alcools, ateliers publics pour fabriquer les articles nécessaires à l'État – ainsi les fournitures militaires, sur lesquelles les marchands édifient traditionnellement des fortunes... En 81 avant J.-C., un débat organisé à la cour, dont les minutes ont été conservées sous le titre « Discours sur le sel et le fer » (Yantielun), oppose les confucéens orthodoxes, chantres de la « vertu » comme seule source d'efficience, et les technocrates du gouvernement menés par Sang Hongyang, l'homme des monopoles, pour qui l'État doit absolument garder le contrôle des surplus économiques pour accomplir ses missions. Cette dernière idée n'est guère contestée pendant les siècles suivants, mais les circonstances politiques n'en autorisent pas toujours l'application. Les réformes de Wang Anshi au xie siècle lui redonnent une actualité dramatique (jamais les monopoles d'État n'auront tenu une telle place dans l'économie), encore que le développement prodigieux du secteur marchand et manufacturier à cette époque en change considérablement les conditions ; il est intéressant, par exemple, que Wang Anshi ait cherché à concurrencer le secteur[...]

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Pour citer cet article

Pierre-Étienne WILL. CHINOISE (CIVILISATION) - Bureaucratie, gouvernement, économie [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Article mis en ligne le et modifié le 14/03/2009

Autres références

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