Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

CHINOISE (CIVILISATION) Bureaucratie, gouvernement, économie

  • Article mis en ligne le
  • Modifié le
  • Écrit par

Bureaucratie et sub-bureaucratie

La règle d'évitement pour les fonctionnaires territoriaux a pour envers le fait que la masse des agents subalternes placés sous leurs ordres doivent, eux, être recrutés sur place (l'idée étant d'empêcher que les fonctionnaires en titre n'amènent dans leurs wagons une troupe de compatriotes exclusivement dévoués à leurs intérêts). De là découle une des difficultés majeures de l'administration locale. Le gouvernement des sous-préfectures – le point de contact par excellence entre pouvoir politique et société – s'effectue sous le signe d'une double dichotomie : d'une part, entre fonctionnaires en titre, nommés et payés par le pouvoir impérial, et personnel subalterne sans statut, vivant sur le pays ; d'autre part, entre bureaucrates « parachutés » dans une région qui leur est étrangère (souvent même linguistiquement) et agents d'exécution étroitement imbriqués dans le système de pouvoir de la société locale. Comme tant d'autres caractéristiques du système administratif qui prévaut à la fin de l'empire, le fossé entre fonctionnaires responsables et personnel d'exécution est d'abord un héritage des Song. Soucieux de renforcer les privilèges et le prestige de la petite élite bénéficiant du statut de fonctionnaire en rendant plus étanche la frontière qui la sépare du reste, ceux-ci ont affecté les membres du personnel local du statut de citoyens de seconde zone (ou « déclassés », jianmin), qui leur interdit toute mobilité ascendante et leur vaut le mépris des « honnêtes gens » (liangmin). Les conséquences sur la nature et la qualité de l'administration locale ont été considérables, à commencer par le fait qu'en dessous du niveau préfectoral la densité en personnel bureaucratique directement responsable devant le gouvernement est toujours restée extrêmement faible, et l'a même été de plus en plus en raison de l'accroissement démographique et du très petit nombre de créations de nouvelles sous-préfectures. Ajoutons que, à l'opposé de ce qui se passe pour la bureaucratie régulière, il n'est pas rare que les fonctions subalternes soient de facto héréditaires.

C'est sur ce genre de problème que se sont articulées certaines des critiques les plus radicales des institutions en place. Celle de Gu Yanwu (1613-1682), produit direct de la crise intellectuelle et politique majeure qui accompagne la chute des Ming et l'invasion mandchoue, compte parmi les plus notoires. Gu et certains de ses contemporains, comme Huang Zongxi, Yan Yuan, Tang Zhen et d'autres, dénoncent un système dont les blocages et les aberrations sont effectivement parvenus à un point extrême : à la fin des Ming, les institutions rigides et centralisées taillées à sa mesure par le fondateur de la dynastie sont paralysées par leur inadaptation à une société et à une économie profondément transformées, par l'absence de direction ferme au gouvernement central et par les affrontements entre factions au sein de la bureaucratie. Mais il convient de souligner que, en raison même des circonstances particulières dans lesquelles cette critique s'est exprimée, il est abusif de la généraliser au système bureaucratique post-Song dans sa totalité historique, même si elle en souligne indubitablement certaines faiblesses structurelles.

Quoi qu'il en soit, Gu Yanwu est à coup sûr l'avocat le plus illustre d'un certain degré de « reféodalisation » à l'intérieur du système administratif. Plutôt qu'à ces « secrétaires et agents d'administration » (xuyi) qui, selon lui, manipulent complètement le gouvernement, c'est aux élites « naturelles » – entendons, aux lettrés locaux – qu'il faut confier une partie du pouvoir formel dans les sous-préfectures, sur la base du prestige et du[...]

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

Classification

Pour citer cet article

Pierre-Étienne WILL. CHINOISE (CIVILISATION) - Bureaucratie, gouvernement, économie [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Article mis en ligne le et modifié le 14/03/2009

Autres références

  • ASTRONOMIE

    • Écrit par
    • 11 339 mots
    • 20 médias
    Quant aux Chinois, ils pratiquent l’astronomie depuis l’Antiquité. Ils s’intéressent alors surtout aux événements temporaires survenant dans le ciel et qui leur paraissent comme autant de présages : éclipses, apparition d’étoiles nouvelles, de comètes, etc. Ils consignent soigneusement...
  • CALENDRIERS

    • Écrit par
    • 9 907 mots
    • 4 médias
    Nos connaissances surl'astronomie et le calendrier chinois sont dues au travail monumental réalisé entre 1723 et 1759 par le jésuite français Antoine Gaubil. Pendant les trente-six années qu'il passe à Pékin, sa fonction de traducteur et d'interprète lui permet d'être en contact permanent avec la cour...
  • CHINE - Hommes et dynamiques territoriales

    • Écrit par
    • 9 801 mots
    • 5 médias
    ...comme l'extension d'un monde chinois qui trouve son foyer originel dans le bassin moyen du fleuve Jaune dès le IIe millénaire avant J.-C. Plus largement, la Chine se veut le foyer de civilisation de l'Asie orientale dans la mesure où elle était elle-même l'ensemble du monde, « tout ce qui était sous le...
  • CHINE : L'ÉNIGME DE L'HOMME DE BRONZE (exposition)

    • Écrit par
    • 934 mots

    L'expositionChine : l'énigme de l'homme de bronze. Archéologie du Sichuan (XIIe-IIIe s. av. J.-C.), un des sommets de l'année de la Chine en France, eut lieu du 14 octobre 2003 au 28 janvier 2004 à la salle Saint-Jean de l'Hôtel de Ville de Paris. Elle avait pour commissaires...

  • Afficher les 10 références