Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

CHINOISE (CIVILISATION) Bureaucratie, gouvernement, économie

  • Article mis en ligne le
  • Modifié le
  • Écrit par

Conservatisme et réformisme

Les propositions de réforme dont il vient d'être question n'ont pas eu de suite, pas plus d'ailleurs que d'autres, suggérant, en sens inverse, de résoudre le problème de l'insuffisance de la densité administrative en bureaucratisant les échelons subalternes. Est-ce à dire que le système parachevé sous les Song et l'idéologie sur laquelle il s'appuie sont par essence conservateurs ? C'est une question à la fois de contexte politico-institutionnel et d'ambiance intellectuelle. La tradition philosophique dont les fonctionnaires impériaux sont les dépositaires officiels est loin d'être figée et dédaigneuse des réalités. Ce qui frappe, au contraire, c'est la plasticité du confucianisme, surtout enrichi des courants intellectuels et religieux qui ont façonné avec lui l'univers mental des Chinois, son aptitude à justifier, suivant les cas, des projets politiques tantôt réactionnaires, tantôt rénovateurs. Le néo-confucianisme des Song (érigé définitivement en orthodoxie sous les Qing et dont l'« examen des réalités » est un des slogans) pas plus que l'intuitionnisme de l'école de Wang Yangming au tournant du xvie siècle ne sont en contradiction avec une approche concrète et inventive des problèmes de gouvernement. Les efforts les plus drastiques de réorganisation administrative et économique, comme ceux de Fan Zhongyan et de Wang Anshi sous les Song, s'appuient bien sûr sur une rhétorique confucéenne : s'il est d'ailleurs une époque où les bureaucrates chinois ne paraissent pas (en tout cas pas tous) immobilisés par la tradition, recherchant au contraire de nouvelles formes institutionnelles, de « nouvelles lois » (xinfa, le terme qui désigne les réformes fameuses de Wang Anshi) pour améliorer les performances économiques et militaires de l'empire, c'est bien celle-ci.

C'est également à l'époque des Song, plus particulièrement à l'historien Sima Guang (un adversaire des réformes de Wang Anshi, pourtant), que remonte une tradition historiographique où l'évolution des institutions est envisagée de façon dynamique et cumulative et où les réformes attestées historiquement (par opposition à l'utopie antiquisante) sont considérées pour les enseignements qu'on peut en tirer. Cette tradition est à rapprocher du mouvement dit de « service public » (jingshi, littéralement « administrer la société », statecraft dans la littérature anglo-saxonne), encore qu'il serait plus correct de parler d'une tendance, d'un état d'esprit favorables à une approche interventionniste et en même temps flexible des problèmes d'administration. Il n'est pas indifférent que ce mouvement ait été particulièrement en vue pendant des périodes de crise reconnue du système de gouvernement, comme la fin des Ming (Gu Yanwu s'y rattache) ou la première moitié du xixe siècle. Sous ses auspices ont été publiées plusieurs anthologies de rapports, correspondances et essais de toute nature portant sur les problèmes politiques et économiques contemporains : à la fin des Ming, le Huang Ming jingshi wenbian (1639) ; sous les Qing, le Huangchao jingshi wenbian (1827) et ses diverses « suites » compilées à la fin du xixe siècle. Ces ouvrages sont une source inestimable sur la pensée et la pratique des administrateurs les plus actifs et les plus expérimentés des deux dernières dynasties.

Mais il ne faut pas seulement considérer les poussées de réformisme pendant les périodes de déclin ou de crise dynastique. Il est assez remarquable qu'en période de stabilité politique, les impulsions réformistes visant à améliorer l'efficacité de l'administration, le rendement fiscal et les conditions de vie de la population viennent souvent d'en haut : ainsi, pendant cet âge d'or de la dynastie[...]

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

Classification

Pour citer cet article

Pierre-Étienne WILL. CHINOISE (CIVILISATION) - Bureaucratie, gouvernement, économie [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Article mis en ligne le et modifié le 14/03/2009

Autres références

  • ASTRONOMIE

    • Écrit par
    • 11 339 mots
    • 20 médias
    Quant aux Chinois, ils pratiquent l’astronomie depuis l’Antiquité. Ils s’intéressent alors surtout aux événements temporaires survenant dans le ciel et qui leur paraissent comme autant de présages : éclipses, apparition d’étoiles nouvelles, de comètes, etc. Ils consignent soigneusement...
  • CALENDRIERS

    • Écrit par
    • 9 907 mots
    • 4 médias
    Nos connaissances surl'astronomie et le calendrier chinois sont dues au travail monumental réalisé entre 1723 et 1759 par le jésuite français Antoine Gaubil. Pendant les trente-six années qu'il passe à Pékin, sa fonction de traducteur et d'interprète lui permet d'être en contact permanent avec la cour...
  • CHINE - Hommes et dynamiques territoriales

    • Écrit par
    • 9 801 mots
    • 5 médias
    ...comme l'extension d'un monde chinois qui trouve son foyer originel dans le bassin moyen du fleuve Jaune dès le IIe millénaire avant J.-C. Plus largement, la Chine se veut le foyer de civilisation de l'Asie orientale dans la mesure où elle était elle-même l'ensemble du monde, « tout ce qui était sous le...
  • CHINE : L'ÉNIGME DE L'HOMME DE BRONZE (exposition)

    • Écrit par
    • 934 mots

    L'expositionChine : l'énigme de l'homme de bronze. Archéologie du Sichuan (XIIe-IIIe s. av. J.-C.), un des sommets de l'année de la Chine en France, eut lieu du 14 octobre 2003 au 28 janvier 2004 à la salle Saint-Jean de l'Hôtel de Ville de Paris. Elle avait pour commissaires...

  • Afficher les 10 références