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CHINOISE (CIVILISATION) Bureaucratie, gouvernement, économie

« Céleste » ou « hydraulique », peu importe : l'idée communément répandue suivant laquelle la Chine vit depuis des temps fort anciens sous un régime bureaucratique est essentiellement correcte. Sans vouloir ici décrire à nouveau l'évolution, esquissée dans les pages précédentes, des institutions gouvernementales au fil des dynasties, on rappellera simplement que les débuts de ce qui peut évoquer un corps de fonctionnaires payés et révocables, choisis pour leurs compétences supposées, intégrés au sein d'une organisation hiérarchisée, régie par une réglementation unifiée et contraignante, et à l'intérieur de laquelle ordres et informations circulent par le canal de documents écrits, remontent à la période dite des Royaumes combattants (ve-iiie s. av. J.-C.), mais qu'il faut attendre le régime des Song, au xe siècle, pour qu'une telle formation en vienne à dominer définitivement et complètement le gouvernement. On s'attachera ici à mettre en valeur un certain nombre de continuités, de changements et de problématiques. Et, comme l'objectif est en fin de compte de définir le « legs » de l'histoire, on tentera plus spécialement de définir les grandes caractéristiques de la bureaucratie impériale à la veille des temps modernes.

Principes généraux

Certaines notions remontent à l'époque authentiquement « féodale », aux premiers siècles de la dynastie royale des Zhou. Ainsi, celle du couple prince-ministre idéalisée par Confucius, dont plusieurs traits restent intégrés au discours bureaucratique à l'époque impériale : loyauté absolue du ministre à l'égard de la famille régnante, mais aussi droit et même devoir de remontrance (symbolisé sous l'empire par les fonctionnaires du censorat, dont la fonction est de rappeler à la fois le souverain à ses devoirs et de dénoncer les abus à l'intérieur de la bureaucratie). La précarité du pouvoir dynastique, auquel son manque de vertu peut faire perdre le Mandat céleste, implique une certaine marge d'autonomie politique pour la bureaucratie par le droit reconnu d'attirer l'attention sur ce manque de vertu et, à la limite, d'en tirer les conséquences. Cette autonomie est d'ailleurs indispensable pour qu'existe un authentique fonctionnariat « professionnalisé », dévoué au service public plutôt qu'à une personne en particulier, et dont les carrières ne soient pas soumises aux caprices du souverain. La tension entre l'exigence dynastique de loyauté inconditionnelle et cette potentialité d'autonomie est une donnée constante dans l'histoire de l'empire.

Autre type de tension dont on trouve aussi la source dans les institutions féodales : celle entre le service des intérêts d'instances supérieures comme l'État (qu'à ce stade on confondra pour la commodité avec l'institution dynastique et ses lois) ou le « peuple » et celui des intérêts particularistes des fonctionnaires en tant que membres d'une famille, d'un clan, originaires d'une localité, d'une région... Ce problème recouvre dans une large mesure celui de la tension entre forces de décentralisation et forces de centralisation, à coup sûr l'une des « grilles » les plus importantes pour lire, jusqu'à aujourd'hui, l'histoire politique de la Chine et celle de son système de gouvernement. Les termes conventionnels pour désigner ces deux polarités sont fengjian (usuellement traduit par « féodalisme ») et junxian (littéralement « commanderies et préfectures »). Le premier renvoie aux institutions idéalisées des premiers Zhou ; le second fait directement allusion à la refonte de l'administration territoriale opérée par les souverains Qin à l'époque des Royaumes combattants et parachevée après l'unification impériale de 220 avant J.-C. ;[...]

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Pour citer cet article

Pierre-Étienne WILL. CHINOISE (CIVILISATION) - Bureaucratie, gouvernement, économie [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • ASTRONOMIE

    • Écrit par James LEQUEUX
    • 11 339 mots
    • 20 médias
    Quant aux Chinois, ils pratiquent l’astronomie depuis l’Antiquité. Ils s’intéressent alors surtout aux événements temporaires survenant dans le ciel et qui leur paraissent comme autant de présages : éclipses, apparition d’étoiles nouvelles, de comètes, etc. Ils consignent soigneusement...
  • CALENDRIERS

    • Écrit par Jean-Paul PARISOT
    • 9 907 mots
    • 4 médias
    Nos connaissances surl'astronomie et le calendrier chinois sont dues au travail monumental réalisé entre 1723 et 1759 par le jésuite français Antoine Gaubil. Pendant les trente-six années qu'il passe à Pékin, sa fonction de traducteur et d'interprète lui permet d'être en contact permanent avec la cour...
  • CHINE - Hommes et dynamiques territoriales

    • Écrit par Thierry SANJUAN
    • 9 801 mots
    • 5 médias
    ...comme l'extension d'un monde chinois qui trouve son foyer originel dans le bassin moyen du fleuve Jaune dès le IIe millénaire avant J.-C. Plus largement, la Chine se veut le foyer de civilisation de l'Asie orientale dans la mesure où elle était elle-même l'ensemble du monde, « tout ce qui était sous le...
  • CHINE : L'ÉNIGME DE L'HOMME DE BRONZE (exposition)

    • Écrit par Viviane REGNOT
    • 934 mots

    L'expositionChine : l'énigme de l'homme de bronze. Archéologie du Sichuan (XIIe-IIIe s. av. J.-C.), un des sommets de l'année de la Chine en France, eut lieu du 14 octobre 2003 au 28 janvier 2004 à la salle Saint-Jean de l'Hôtel de Ville de Paris. Elle avait pour commissaires...

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