Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

ART (Le discours sur l'art) L'histoire de l'art

  • Article mis en ligne le
  • Modifié le
  • Écrit par

Une problématique originale

Sensible à l'importance de toutes ces orientations et soucieux de les faire converger en une enquête cohérente, Focillon, dans la Vie des formes(Paris, 1934), rappelait éloquemment que « l'œuvre d'art n'existe qu'en tant que forme », mais que, d'autre part, la forme tend toujours à signifier autre chose et plus qu'elle-même. Il se trouvait ainsi formuler l'essentiel d'une problématique qui n'a cessé de se préciser au fur et à mesure que se dégageaient plus clairement les alternatives qui mettent la discipline en mouvement. La première est celle de la « personnalité artistique » et du style, que l'on peut sans inconvénient comparer à l'opposition commode établie en physique entre la théorie des corpuscules et celle des ondes. Maints historiens, et en particulier l'école italienne marquée par l'esthétique post-hégélienne de B.  Croce, voient dans la monographie le principe et la fin de toute histoire de l'art digne de ce nom, c'est-à-dire attentive à désigner la « qualité poétique » unique de chaque peintre ou sculpteur : on reprend ainsi sur un plan plus élevé les démarches de l'attributionnisme. Mais cette « intériorisation » des données du style risque de se perdre dans un subjectivisme qu'il s'agit de contrôler en considérant chaque « créateur » comme solidaire de tous les autres, et en déterminant les modes de composition, les recherches de facture, qui circulent à un moment donné, l'individu étant toujours – même et surtout dans les domaines de la sensibilité – soumis à des pressions et solidaire d'une situation qu'il contribue à modifier. La conception du musée imaginaire est venue à point rappeler que tout artiste se caractérise par la manière dont il adhère à un ensemble qui le dépasse, l'Art ou un style.

La seconde opposition qui a amené à déplacer notablement les orientations de travail des historiens est celle du « formalisme » et de l'«  iconologisme ». Les schémas wölffliniens avaient l'inconvénient de porter sur un plan suprapsychologique les cadres généraux de la « vision artistique » pareils aux « catégories » de Kant et difficiles à interpréter en tant que signes. Il était aisé de rappeler que la valeur d'image, propre à l'œuvre d'art, répond aussi à une fonction psychologique et sociale fondamentale. D'où le renouveau parallèle et complémentaire de l'iconographie ; sous sa forme la plus simple, cette étude consiste à retrouver les conditions du « programme » que l'œuvre doit réaliser. Reprenant une exploration des sources écrites que les premiers archéologues, comme Didron, avaient déjà conduite assez loin, Émile Mâle, restituait, dans l'Art religieux du XIIIe siècle en France (Paris, 1898), l'articulation générale des figures symboliques de la cathédrale. Appliquant la même méthode aux ouvrages profanes de la Renaissance que l'on n'interrogeait guère à cet égard, Aby Warburg démontra la cohérence du programme astrologique qui commande les fresques du palais Schifanoia à Ferrare (1912). Ainsi commençait à être ébranlée la conviction, répandue depuis près d'un siècle par les littérateurs et les esthètes, que l'art de la Renaissance a connu une libération inconditionnelle. Les travaux de l'école de Warburg manifestaient au contraire la nécessité de le relier à une culture dont on commençait seulement à soupçonner qu'elle avait aussi des conflits internes et des exigences complexes, dont l'une était précisément l'appel aux formes représentatives et à l'art.

Il devenait facile de généraliser ces observations pour en tirer une méthode valable pour une nouvelle histoire de l'art. On put ainsi opposer au « formalisme », qui[...]

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

  • : membre de l'Institut, professeur au Collège de France

Classification

Pour citer cet article

André CHASTEL. ART (Le discours sur l'art) - L'histoire de l'art [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Article mis en ligne le et modifié le 14/03/2009

Média

Joachim von Sandrart. - crédits : Sepia Times/ Universal Images Group/ Getty Images

Joachim von Sandrart.

Autres références

  • ANTHROPOLOGIE DE L'ART

    • Écrit par et
    • 3 610 mots
    • 1 média

    L’anthropologie de l’art désigne le domaine, au sein de l’anthropologie sociale et culturelle, qui se consacre principalement à l’étude des expressions plastiques et picturales. L’architecture, la danse, la musique, la littérature, le théâtre et le cinéma n’y sont abordés que marginalement,...

  • ART (notions de base)

    • Écrit par
    • 3 282 mots

    Les liens qui ont longtemps uni l’art et la religion se sont-ils distendus au fil de l’histoire ? L’art s’est-il émancipé de la religion pour devenir une activité culturelle autonome ? Alain (1868-1951) se serait-il trompé en affirmant que « l’art et la religion ne sont pas deux choses,...

  • FINS DE L'ART (esthétique)

    • Écrit par
    • 2 835 mots

    L'idée des fins de l'art a depuis plus d'un siècle et demi laissé la place à celle d'une fin de l'art. Or, à regarder l'art contemporain, il apparaît que la fin de l'art est aujourd'hui un motif exsangue, et la question de ses fins une urgence. Pourquoi, comment en est-on arrivé là ?

  • ŒUVRE D'ART

    • Écrit par
    • 7 938 mots

    La réflexion du philosophe est sans cesse sollicitée par la notion d'œuvre. Nous vivons dans un monde peuplé des produits de l'homo faber. Mais la théologie s'interroge : ce monde et l'homme ne sont-ils pas eux-mêmes les produits d'une démiurgie transcendante ? Et l'homme anxieux d'un...

  • STRUCTURE & ART

    • Écrit par
    • 2 874 mots

    La métaphore architecturale occupe une place relativement insoupçonnée dans l'archéologie de la pensée structurale qu'elle aura fournie de modèles le plus souvent mécanistes, fondés sur la distinction, héritée de Viollet-le-Duc, entre la structure et la forme. La notion d'ordre, telle que l'impose la...

  • TECHNIQUE ET ART

    • Écrit par
    • 5 572 mots
    • 1 média

    La distinction entre art et technique n'est pas une donnée de nature. C'est un fait social : fait qui a valeur institutionnelle et dont l'événement dans l'histoire des idées est d'ailleurs relativement récent. C'est dire qu'on ne saurait non plus considérer cette distinction comme un pur fait de connaissance...

  • 1848 ET L'ART (expositions)

    • Écrit par
    • 1 189 mots

    Deux expositions qui se sont déroulées respectivement à Paris du 24 février au 31 mai 1998 au musée d'Orsay, 1848, La République et l'art vivant, et du 4 février au 30 mars 1998 à l'Assemblée nationale, Les Révolutions de 1848, l'Europe des images ont proposé une...

  • ACADÉMISME

    • Écrit par
    • 3 543 mots
    • 2 médias

    Le terme « académisme » se rapporte aux attitudes et principes enseignés dans des écoles d'art dûment organisées, habituellement appelées académies de peinture, ainsi qu'aux œuvres d'art et jugements critiques, produits conformément à ces principes par des académiciens, c'est-à-dire...

  • ALCHIMIE

    • Écrit par et
    • 13 642 mots
    • 2 médias
    ...phénomènes perçus par nos sens et par leurs instruments. Cette hypothèse peut sembler aventureuse. Pourtant, le simple bon sens suffit à la justifier. Tout art, en effet, s'il est génial, nous montre que le « beau est la splendeur du vrai » et que les structures « imaginales » existent éminemment puisqu'elles...
  • ARCHAÏQUE MENTALITÉ

    • Écrit par
    • 7 048 mots
    ...le succès correspond peut-être à un besoin accru encore par les progrès de la pensée positive et pour ainsi dire en réaction contre elle. D'autre part, on peut trouver dans la vie artistique, sous toutes ses formes, la recherche d'une harmonie entre le subjectif et l'objectif, en même temps qu'un retour...
  • Afficher les 41 références