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ARCHÉOLOGIE (Traitement et interprétation) L'archéométrie

L'analyse du vivant

Si une partie de l’archéologie environnementale étudie les faunes et flores anciennes dans leurs relations aux sociétés passées, et si l’anthropologie biologique s’intéresse aux restes humains, les développements de l’archéométrie ont apporté des informations nouvelles essentielles grâce à certains types d’analyses biologiques.

Ainsi l’analyse des isotopes du strontium contenu dans l’émail des dents, par comparaison avec celui des autres os et de l’environnement immédiat, permet, pour des humains comme pour des animaux, de déterminer si un individu est originaire ou non de l’endroit où on l’a découvert et de mettre en évidence des mouvements de populations tout comme des systèmes matrimoniaux tels que l’exogamie. L’analyse des isotopes stables d’autres éléments chimiques (oxygène, azote, carbone) renseigne sur l’alimentation des humains comme du bétail et, pour ce dernier, sur l’affouragement saisonnier et la saisonnalité des naissances.

Outre sur les ossements, l’analyse moléculaire et isotopique peut déterminer les substances qui ont été conservées dans des récipients en céramique (huiles, alcools divers, produits laitiers, produits de la ruche, goudrons végétaux, résines, etc.) ou qui sont encore détectables à l’état de traces sur des outils en os ou en pierre (grains d’amidon, phytolithes). Ces analyses peuvent se combiner avec l’observation – dite tracéologique – des traces d’utilisation des outils en pierre ou en os, mais aussi des poteries. De telles identifications végétales ont pu être également faites sur du tartre dentaire, y compris d’hommes de Néandertal.

Fouilles de Rakhigarhi, Inde - crédits : Vasant S. Shinde & al./ PLoS ONE 13 ; CC-BY

Fouilles de Rakhigarhi, Inde

Enfin, une dernière avancée décisive concerne la génétique et la protéomique, avec l’ADN et les protéines anciens, que les techniques actuelles permettent de retrouver, dans des conditions favorables, aussi bien chez les humains (notamment dans les dents et l’os du rocher), que chez les animaux, les bactéries, voire les sols eux-mêmes. Chez les animaux, l’analyse ADN permet de préciser, outre le sexe, le caractère domestique et divers traits, dont la couleur du pelage. Chez les bactéries (portées par des animaux ou des humains) ont pu être identifiées, entre autres, les plus anciennes occurrences de la tuberculose et de la peste. Chez les humains, enfin, l’ADN permet de retracer les migrations éventuelles, les systèmes de parenté et un certain nombre de traits (couleur de la peau, des yeux et des cheveux, tolérance au lactose et diverses particularités génétiques).

Ces études connaissent un grand succès et ont entraîné une intense compétition entre laboratoires (notamment en Allemagne, au Danemark et aux États-Unis), d’autant qu’elles restent très coûteuses et ne portent encore que sur un petit nombre d’individus. On doit cependant prendre garde à ne pas assimiler patrimoine génétique et culture, sauf à retomber dans les impasses des théories raciales du xixe siècle et certains dévoiements politiques toujours actuels. Quoi qu’il en soit, on est en droit d’attendre beaucoup de ces avancées.

— Loïc BERTRAND

— Jean-Paul DEMOULE

— Loïc LANGOUET

— Martine REGERT

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Écrit par

  • : chercheur, chargé de mission auprès de la vice-présidence recherche, université Paris-Saclay
  • : professeur émérite à l'université Paris-I-Panthéon-Sorbonne et à l'Institut universitaire de France
  • : docteur ès sciences physiques, maître assistant à l'université de Rennes, directeur du Centre régional archéologique d'Alet
  • : docteure en archéologie environnementale, directrice de recherche au CNRS, UMR 7264 Cultures et Environnements. Préhistoire, Antiquité, Moyen Âge, CNRS-université Côte d'Azur, Nice

Classification

Pour citer cet article

Loïc BERTRAND, Jean-Paul DEMOULE, Loïc LANGOUET et Martine REGERT. ARCHÉOLOGIE (Traitement et interprétation) - L'archéométrie [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Fouilles de Rakhigarhi, Inde - crédits : Vasant S. Shinde & al./ PLoS ONE 13 ; CC-BY

Fouilles de Rakhigarhi, Inde

Épicentre monumental du site de fouilles de Naachtun (Guatemala) - crédits : © Antoine Dorison/ ARCHAM/ Projet Naachtun/ CNRS Photothèque

Épicentre monumental du site de fouilles de Naachtun (Guatemala)

Identification des matériaux par tomographie - crédits : IPANEMA/ CNRS

Identification des matériaux par tomographie

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