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ARCHÉOLOGIE (Traitement et interprétation) L'archéométrie

La datation

Dans toute étude archéologique, la nécessité de situer une civilisation, une production mobilière, des monuments sur l'échelle continue du temps passé s'impose fondamentalement. Le classement chronologique établi à partir de comparaisons typologiques ou d'observations stratigraphiques répondait déjà à cette préoccupation. Les méthodes de datation en laboratoire permettent de vérifier ces classements, ce qui est d'autant plus important que les civilisations étudiées sont « sans texte ».

Pour ce faire, les scientifiques utilisent des matériaux archéologiques, d'une part marqués par un fait humain (chauffage, cassure, mort, etc.), d'autre part révélant l'évolution interne d'une grandeur physico-chimique. Deux possibilités existent : ou la grandeur datante a été autrefois figée par le fait marquant ou elle évolue depuis ce même fait à partir d'une valeur initiale, selon une loi mathématiquement formulable. Ainsi, la date de cet événement peut être estimée soit directement soit indirectement par le temps écoulé depuis celui-ci, avec des précisions inégales, souvent liées à l'état d'avancement de la technique.

Dans la datation archéomagnétique, on utilise les évolutions séculaires du CMT. Ce champ présente en effet des variations aléatoires de son intensité et de sa direction, caractérisées par les angles d'inclinaison et de déclinaison. Dans les argiles cuites, l'hématite et la magnétite (oxydes de fer) peuvent conserver, au-dessus de leur température de Curie (respectivement 675 0C et 565 0C), une aimantation thermorémanente colinéaire et proportionnelle au CMT. Si l'objet n'a pas été déplacé (comme dans le cas d’un four ou d’un foyer), la direction du CMT est directement retrouvée. À partir des courbes d'étalonnage établies sur du matériel bien daté, on détermine la chronologie d'un autre matériel ; il s'agit typiquement d'une méthode de datation relative.

La dendrochronologie exploite la croissance irrégulière des cernes des arbres, liée aux conditions climatiques, à divers stress (maladies) et aux essences. Chaque cerne correspond à une année. Pour tout morceau de bois retrouvé, une séquence peut être précisée. Si, par ailleurs, on dispose d’une courbe d'étalonnage établie à partir d'autres morceaux bien datés pour la même zone géographique, la démarche de datation de cet objet revient à chercher la coïncidence de la séquence avec une partie de cette courbe. C’est évidemment la méthode la plus précise puisqu’elle date à l’année près, du moins là où le bois est conservé et où existe une courbe de référence, sachant qu’elle ne remonte guère, selon les régions, au-delà de 6 000 ans.

La datation par le radiocarbone a été élaborée par William F. Libby en 1946. Le carbone 14 provient de la transformation de l'azote de la haute atmosphère par les rayons cosmiques. Ce carbone radioactif, d’une demi-vie de 5 730 ans, est assimilé par les organismes vivants dans une certaine proportion, en plus des isotopes stables 12 et 13 du carbone. Après la mort de ces organismes, faute de nouvelles assimilations, la concentration en carbone 14 diminue exponentiellement, par suite des désintégrations spontanées. La concentration relative restante est utilisée pour déterminer la durée écoulée depuis la mort des organismes. Il est ainsi possible de dater des matériaux qui en sont issus (bois, cuirs, os, etc.). Certains alliages et minéraux synthétiques (aciers, pigments) dont le carbone provient de tels matériaux peuvent également être datés. La teneur en carbone 14 est mesurée par comptage des rayonnements ou par spectrométrie de masse sur des accélérateurs linéaires ou, depuis le milieu des années 2000, sur des mini-accélérateurs compacts de laboratoire. La concentration[...]

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Écrit par

  • : chercheur, chargé de mission auprès de la vice-présidence recherche, université Paris-Saclay
  • : professeur émérite à l'université Paris-I-Panthéon-Sorbonne et à l'Institut universitaire de France
  • : docteur ès sciences physiques, maître assistant à l'université de Rennes, directeur du Centre régional archéologique d'Alet
  • : docteure en archéologie environnementale, directrice de recherche au CNRS, UMR 7264 Cultures et Environnements. Préhistoire, Antiquité, Moyen Âge, CNRS-université Côte d'Azur, Nice

Classification

Pour citer cet article

Loïc BERTRAND, Jean-Paul DEMOULE, Loïc LANGOUET et Martine REGERT. ARCHÉOLOGIE (Traitement et interprétation) - L'archéométrie [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Fouilles de Rakhigarhi, Inde - crédits : Vasant S. Shinde & al./ PLoS ONE 13 ; CC-BY

Fouilles de Rakhigarhi, Inde

Épicentre monumental du site de fouilles de Naachtun (Guatemala) - crédits : © Antoine Dorison/ ARCHAM/ Projet Naachtun/ CNRS Photothèque

Épicentre monumental du site de fouilles de Naachtun (Guatemala)

Identification des matériaux par tomographie - crédits : IPANEMA/ CNRS

Identification des matériaux par tomographie

Autres références

  • ARCHÉOLOGIE MÉDIÉVALE

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    • 5 médias

    L’archéologie médiévale rassemble un large spectre de méthodes permettant d’étudier les témoignages matériels des cultures qui se sont succédé entre le ve et le xve siècle. Elle s’intéresse aussi bien aux structures enfouies ou en élévation qu’au mobilier et aux informations issues...

  • AFRIQUE (Histoire) - Préhistoire

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    L'histoire du continent tout entier apparaît comme une entreprise récente et difficile. Pendant longtemps, seules l'égyptologie, l'islamologie et l'histoire coloniale l'ont, chacune de son point de vue, abordée ; il faut noter du reste que les très anciens systèmes d'écriture, en Égypte, à Méroé, en...

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    La domination administrative et politique de Rome sur les diverses régions de l'Afrique du Nord (mis à part la Cyrénaïque et l'Égypte) s'étend sur près de six siècles : depuis la prise et la destruction de Carthage par Scipion Émilien (146 av. J.-C.) jusqu'au siège et à la...

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Voir aussi