ARCHÉOLOGIE SOUS-MARINE

Les principales fouilles d'épaves antiques

L'époque des scaphandriers lourds

Dès le début du xxe siècle, des découvertes fortuites ont suscité l'organisation des premières tentatives de fouille sous-marine et ont permis la récupération d'objets qui restent encore les plus précieux de ceux que la mer a livrés à l'archéologue.

En 1900, des pêcheurs d'éponges du Dodécanèse revenant d'une campagne en Tunisie, font une escale forcée à l'îlot d'Anticythère, entre le Péloponnèse et la Crète. Bloqués par la tempête, ils profitent de ce délai pour plonger à la recherche d'éponges et découvrent à 60 mètres de profondeur une épave chargée de statues de bronze et de marbre. Un accord est passé avec le gouvernement grec. Pendant l'hiver de 1900-1901, six, puis dix des pêcheurs d'éponges, basés sur un bâtiment de la marine de guerre grecque et contrôlés par un archéologue, descendent élinguer les œuvres d'art. La profondeur et les remontées sans paliers ne permettent aux pêcheurs d'effectuer que deux plongées de cinq minutes par jour. Malgré ces précautions, l'un d'eux mourra, deux autres resteront paralysés. Le travail, gêné par le mauvais temps, se poursuit pendant neuf mois. Quelques statues roulent dans des eaux plus profondes, inaccessibles. Mais, dans l'ensemble, la recherche est faite avec soin : outre les œuvres d'art, les plongeurs remontent aussi des amphores et des vases en verre ou en céramique. Trente-six statues de marbre sont récupérées : elles sont très rongées par la mer. Mais le bronze est en bon état : une tête (portrait d'un philosophe), deux statuettes du ve siècle avant J.-C. et surtout l'Éphèbe d'Anticythère, statue plus grande que nature (peut-être un original de Lysippe) forment un ensemble exceptionnel auquel s'ajoute un appareil complexe fait de roues et de cadrans, dans lequel on a reconnu, en 1959, une horloge astronomique. L'épave paraît dater du deuxième quart du ie siècle avant J.-C.

Sept ans plus tard, en Tunisie, à 3 milles au large de Mahdia, d'autres pêcheurs d'éponges grecs découvrent « comme de gros canons » : des colonnes de marbre, couchées sur le sable à 39 mètres de profondeur. Parmi ces colonnes, des sculptures. Celles-ci sont vendues : leur présence sur le marché alerte A. Merlin, alors directeur des Antiquités de Tunisie, qui réussit à mettre sur pied une fouille avec la collaboration de la marine. Six campagnes de scaphandriers eurent lieu entre 1908 et 1913. L'épave était chargée d'œuvres d'art. Salomon Reinach écrivit qu'il s'agissait de la découverte archéologique la plus importante depuis celle d'Herculanum et de Pompéi. Parmi les bronzes, les fragments de statues et de bas-reliefs, les cratères et les candélabres, il convient de citer un Éros Enagonios en bronze, signé de Boêthos de Chalcédoine, sculpteur bien connu du iiie siècle avant J.-C. Des inscriptions gravées sur des blocs de pierre provenant d'édifices ruinés et servant sans doute de lest aux marins, permettent d'affirmer que le navire venait d'Athènes. Mais on continue à se demander quel itinéraire ou quelle tempête l'avait amené près de Mahdia. Des études plus récentes datent le naufrage du tout début du ier siècle avant J.-C.

Cette épave fit l'objet de nouvelles recherches. En 1948, le capitaine de frégate Tailliez et le G.E.R.S. de la marine nationale y réalisèrent la première expérience archéologique avec des plongeurs autonomes. Un plan sommaire des colonnes et des objets restés au fond put être dressé. Quatre de ces colonnes, des chapiteaux, deux ancres et quelques amphores furent encore remontés. Puis le Club d'études sous-marines de Tunisie étudia la coque en 1954 et en 1955. Les plongeurs reconnurent la quille sur une trentaine[...]

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Écrit par

  • Patrice POMEY : chargé de recherche au C.N.R.S.
  • André TCHERNIA : maître assistant à l'université de Provence, centre d'Aix-en-Provence

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Pour citer cet article

Patrice POMEY, André TCHERNIA, « ARCHÉOLOGIE SOUS-MARINE », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le . URL :

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