AGRICULTURE Agriculture et industrialisation
2 Le modèle productiviste triomphant, de l'après-guerre aux années 1980
Dans les trente à quarante années qui suivent la Seconde Guerre mondiale, l'agriculture française connaît des transformations radicales. Pour la première fois de son histoire, à la fin de cette période, la France produit beaucoup plus qu'elle ne peut consommer. La politique agricole, qui, à partir des années 1960, s'inscrit dans le cadre européen, ainsi que la révolution culturelle qu'a représenté le mouvement de la jeunesse agricole catholique (J.A.C.), s'inspirent d'un même paradigme : le progrès technique. Préconisé par les lois d'orientation de 1960 et 1962, favorisé par le crédit, la vulgarisation technique et la réglementation pour l'usage des terres, le modèle de l'exploitation familiale à deux travailleurs à temps complet s'impose. Il va prévaloir longtemps et s'accompagner d'une spécialisation qui se traduit par une dissociation entre culture et élevage, une simplification des successions culturales, un agrandissement des exploitations au détriment de celles qui, ne pouvant suivre le mouvement de modernisation, disparaissent. Les agriculteurs qui restent investissent de plus en plus. Trait marquant de cette période : la progression rapide du moteur agricole. De 1950 à 1969, le nombre de tracteurs passe de 137 000 à 1 200 000 et celui des chevaux régresse de 1 800 000 à 600 000. Tandis qu'elle libère ainsi des surfaces fourragères pour des produits alimentaires, l'agriculture devient de plus en plus dépendante de l'énergie fossile, d'autant que la consommation d'engrais, d'abord, puis de pesticides, ne cesse d'augmenter.
Territoire cultivé
Le territoire agricole évolue. La superficie des terres cultivées se maintient jusqu'en 1960 pour répondre aux besoins croissants de production alimentaire, mais régresse régulièrement à partir de cette date, l'habitat et les infrastructures routières grignotant pas à pas du terrain, près des villes, tandis que, loin d'elles, progressent les bois. Les céréales connaissent une expansion continue ; ce secteur, qui bénéficie du soutien des pouvoirs publics et d'une bonne organisation professionnelle, sait, plus que les autres, adopter les techniques les plus productives (semences sélectionnées, fertilisation, mécanisation, pesticides). Pour le maïs et l'orge s'ouvrent de nouveaux débouchés : transformés industriellement, ils prennent une part croissante dans l'alimentation des animaux et la surface qui leur est consacrée s'accroît, tandis que l'avoine et le seigle suivent la disparition des chevaux. Les prairies qui, en début de période, ont augmenté pour satisfaire la forte demande de produits animaux, régressent quand les céréales et des compléments protéiques importés prennent une part croissante dans l'alimentation animale.
Sur l'ensemble du territoire français, la spécialisation de l'agriculture se traduit par plusieurs types régionaux. Les régions de « grande culture » (plaine et plateaux du nord et du nord-est du Bassin parisien, plaines et collines d'Aquitaine, Limagne) sont consacrées aux céréales, aux plantes industrielles (betterave et cultures oléagineuses) et, dans une moindre mesure, aux légumes de plein champ. Ce sont les régions les plus favorisées par la politique agricole commune (P.A.C.). L'élevage laitier bovin se concentre dans l'Ouest normand et breton, le Centre-Ouest, la Vendée et le Poitou, tandis que la production laitière caprine se rencontre au nord du Poitou, dans le Sancerrois et au sud du Bassin parisien, et que l'embouche se localise en Aquitaine, dans le sud du Bassin parisien et le nord du Massif central. Parce qu'elles sont peu propices aux cultures, les régions de montagne sont, plus que les précédentes[...]
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Écrit par
- François PAPY : directeur de recherche honoraire de l'Institut national de la recherche agronomique (I.N.R.A.), membre de l'Académie d'agriculture
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